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certitude, ou tout au moins le desir d’une prochaine libération, ils peuvent se faire directement ou indirectement.

Directs, ils consistent dans les créations de rentes, qui peuvent être perpétuelles ou viageres, qui sont à leur tour viageres proprement dites, ou tontines, assignées les unes & les autres sur les fonds ou sur les revenus.

Indirects, ils sont déguisés sous diverses formes, sous différentes dénominations ; & tels sont l’usage du crédit public ou particulier, les loteries plus ou moins compliquées, les créations d’offices avec attribution de gages, ou les nouvelles finances que l’on exige des offices déjà créés, avec augmentation de gages proportionnée.

Mais des trois objets de ressources qui sont entre les mains du gouvernement, l’imposition est sans contredit celle que l’on employe toûjours le plus à regret. Les impositions peuvent être, comme les emprunts, directes ou indirectes : on peut établir de nouveaux impôts, on peut augmenter les impositions anciennement établies ; mais dans tous les cas, dans tous les tems, chez toutes les nations, les impositions ne pourront jamais porter que sur les choses, sur les hommes & sur leurs actions, qui comprendront toutes les conventions, toutes les especes de mutations, & toutes les sortes d’actes émanes d’une jurisdiction libre ou forcée. Voyez pour le détail le mot Imposition, dont vous prendrez par avance l’idée générale la plus sûre, si vous la concevez d’après la division du droit, de rebus, de personis, & de actionibus.

Il en est au surplus des ressources comme du crédit ; un usage raisonnable les multiplie, mais l’abus que l’on en fait les détruit : il ne faut ni les méconnoître ni s’en prévaloir ; il faut les rechercher comme si l’on ne pouvoit s’en passer, & les économiser avec le même soin que s’il étoit desormais impossible de se les procurer ; & c’est à cette sage économie que conduisent les vrais principes de l’administration, quatrieme maniere d’envisager les finances, & que l’on a placée la derniere, parce qu’elle embrasse toutes les autres parties, & qu’elle les suppose & les gouverne toutes.

L’administration peut être publique & générale, ou personnelle & particuliere.

L’administration générale se subdivise en politique & économique. La politique embrasse l’universalité des hommes & des choses.

Des hommes, pour les apprécier ce qu’ils valent relativement à leur mérite personnel, à leur condition, à leur profession ; & pour tirer parti pour le bien commun, de leurs talens, de leurs vertus, de leurs défauts même.

Des choses, afin de les bien connoître chacune en particulier & toutes ensemble ; pour juger des rapports qui se trouvent entr’elles, & les rendre toutes utiles à l’universalité.

L’administration générale économique a pour objet,

Par rapport aux principes des finances, d’en conserver les sources ; de les rendre, s’il se peut, plus abondantes, & d’y puiser sans les tarir ni les dessécher.

Par rapport aux richesses, de conserver & d’améliorer les fonds, de maintenir les droits, de percevoir les revenus ; de faire ensorte que dans la recette rien ne se perde de ce qui doit entrer dans le thrésor du souverain ; que dans la dépense chaque chose suive la destination qui lui est affectée ; que le tout, s’il est possible, n’excede pas le revenu, & que la comptabilité soit en regle & bien constatée.

Cette même administration politique & générale a pour objet, par rapport aux ressources, de bien connoître celles dont on peut faire usage relative-

ment aux facultés de l’état, au caractere de la nation,

à la nature du gouvernement ; de savoir jusqu’à quel point l’on peut compter sur chacune en particulier, sur toutes ensemble, & sur-tout de les appliquer aux objets les plus intéressans.

Considérée comme personnelle & particuliere, l’administration est peut-être d’autant plus importante, qu’il arrive souvent que plus on se trouve par sa place éloigné des grands objets, plus on s’écarte des grandes vûes, & plus aussi les fautes sont dangereuses relativement au gouvernement. Mais il seroit plus qu’inutile de prévenir ici sur cette sorte d’administration, ce que l’on en dira ci-après à l’occasion du mot Financier, qui rentre nécessairement dans celui-ci.

On voit par tout ce que l’on vient de lire sur les finances, que la distribution la plus simple & la plus naturelle, que la progression des idées les plus communes & les plus générales, conduisent à la véritable définition d’un mot si intéressant pour la société ; que dans cet article toutes les parties rentrent respectivement les unes dans les autres ; qu’il n’en est point d’indépendantes ; que leur réunion seule peut opérer, consolider & perpétuer la sûreté de l’état, le bonheur des peuples & la gloire du souverain : & c’est à quoi l’on doit arriver en partant du mot finances, comme on doit, en retrogradant, remonter à ce mot, sans que ni dans l’une ni dans l’autre de ces opérations rien puisse interrompre la chaîne des idées & l’ordre du raisonnement. Cet article est de M. Pesselier.

Finance, (Caractere de) à l’usage de l’Imprimerie ; ce caractere est de M. Fournier le jeune, graveur & fondeur de caracteres à Paris, pour imiter l’écriture ordinaire, & imprimer certains ouvrages particuliers, comme lettres circulaires, épîtres dédicatoires, placets, lettres-de-change, &c.

Ce caractere est fait sur deux corps différens, dont l’un peut servir sans l’autre, mais gravés & fondus de façon, qu’ils se trouvent en ligne ensemble, & ne forment qu’un seul caractere en deux parties. La premiere qui a l’œil plus fort, & qui est destinée aux premieres lignes, est appellée batarde-trismegiste ; parce qu’elle imite l’écriture que les écrivains appellent batarde, & qu’elle est fondue sur le corps appellé trismégiste. La seconde qui a l’œil plus petit, est appellée bâtarde-coulée-parangon ; parce qu’elle imite l’écriture libre & coulée, & qu’elle est sur le corps de parangon. Voyez, pour la figure, à la table des caracteres ; & pour les corps, la table des proportions.

FINANCIER, s. m. (Politiq.) homme qui manie les finances, c’est-à-dire les deniers du loi ; qui est dans les fermes, dans les affaires de sa majesté, quæstorius ærarii, collector.

C’est à ce peu de mots que les meilleurs dictionnaires se bornent sur cet article. Le peuple (on doit entendre par ce mot le vulgaire de toute condition) ajoûte à cette définition l’idée d’un homme enrichi, & n’y voit guere autre chose. Le philosophe, c’est-à-dire l’homme sans prévention, peut y voir non seulement la possibilité, mais encore la réalité d’un citoyen utile à la patrie, quand il joint à l’intelligence, aux ressources, à la capacité qu’exigent les travaux d’un financier (considéré dans le grand), la probité indispensable dans toutes les professions, & le desintéressement plus particulierement nécessaire à celles qui sont lucratives par elles mêmes.

Voici, par rapport à la définition de financier, les différens aspects sous lesquels peut être envisagée cette profession, que les chevaliers romains ne dédaignoient pas d’exercer.

Un financier peut être considéré,

1°. Comme participant à l’administration des finances, d’une maniere plus ou moins directe, plus