Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/780

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

néïde. Boubari, aboyer, se dit des gros chiens ; mutire, se dit des chiens qui grondent, mu canum est undè mutire, dit Chorisius.

Les noms de plusieurs animaux sont tirés de leur cri ; upupa, une hupe ; cuculus, qu’on prononçoit coucoulous, un coucou, oiseau ; hirundo, une hirondelle ; ulula, une choüette ; bubo, un hibou ; graculus, une espece particuliere de corneille.

Paranomasie, ressemblance que les mots ont entr’eux ; c’est une espece de jeu de mots : amantes sunt amentes, les amans sont insensés. La figure n’est que dans le latin, comme dans cet autre exemple, cum lectum petis de letho cogita, « pensez à la mort quand vous entrez dans votre lit ».

Les jeunes gens aiment ces sortes de figures ; mais il faut se ressouvenir de ce que Moliere en dit dans le Misantrope.

Ce style figuré dont on fait vanité,
Sort du bon caractere & de la vérité.
Ce n’est que jeux de mots, qu’affectation pure,
Et ce n’est point ainsi que parle la nature.

Voici deux autres figures qui ont du rapport à celles dont nous venons de parler : l’une s’appelle similiter cadens, c’est quand les différens membres ou incises d’une période finissent par des cas ou par des tems dont la terminaison est semblable.

L’autre figure qu’on appelle similiter desinens, n’est différente de la précédente, que parce qu’il ne s’y agit ni d’une ressemblance de cas ou de tems : mais il suffit que les membres ou incises ayent une désinance semblable, comme facere fortiter, & vivere turpiter. On trouve un grand nombre d’exemples de ces deux figures : ubi amatur, non laboratur, dit S. Augustin ; « quand le goût y est, il n’y a plus de peine ».

Il y a encore l’isocolon, c’est-à-dire l’égalité dans les membres ou dans les incises d’une période : ce mot vient de ἴσος, égal, & κῶλον, membre ; lorsque les différens membres d’une période ont un nombre de syllabes à-peu-près égal.

Enfin observons ce qu’on appelle polysyndeton, πολυσύνδετον, de πολὺς, multus, σὺν, cum, & δέω, ligo, lorsque les membres ou incises d’une période sont joints ensemble par la même conjonction répétée : ni les caresses, ni les menaces, ni les supplices, ni les recompenses, rien ne le fera changer de sentiment. Il est évident qu’il n’y a en ces figures, ni tropes ni figures de pensées.

Il nous reste à parler des figures de pensées ou de discours que les maîtres de l’art appellent figures de sentences, figuræ sententiarum, schemata ; σχῆμα, forme, habit, habitude, attitude ; σχέω, habeo, & ἔχω, plus usité.

Elles consistent dans la pensée, dans le sentiment, dans le tour d’esprit ; ensorte que l’on conserve la figure, quelles que soient les paroles dont on se sert pour l’exprimer.

Les figures ou expressions figurées ont chacune une forme particuliere qui leur est propre, & qui les distingue les unes des autres ; par exemple l’antithèse est distinguée des autres manieres de parler, en ce que les mots qui forment l’antithèse ont une signification opposée l’une à l’autre, comme quand S. Paul dit : « on nous maudit, & nous bénissons ; on nous persécute, & nous souffrons la persécution ; on prononce des blasphèmes contre nous, & nous répondons par des prieres ». I. cor. c. jv. v. 12.

« Jesus-Christ s’est fait fils de l’homme, dit S. Cyprien, pour nous faire enfans de Dieu ; il a été blessé pour guérir nos plaies ; il s’est fait esclave, pour nous rendre libres ; il est mort pour nous faire vivre ». Ainsi quand on trouve des exemples de ces sortes d’oppositions, on les rapporte à l’antithèse.

L’apostrophe est différente des autres figures ; parce que ce n’est que dans l’apostrophe qu’on adresse tout-d’un-coup la parole à quelque personne présente ou absente : ce n’est que dans la prosopopée que l’on fait parler les morts, les absens, ou les êtres inanimés. Il en est de même des autres figures ; elles ont chacune leur caractere particulier, qui les distingue des autres assemblages de mots.

Les Grammairiens & les Rhéteurs ont fait des classes particulieres de ces différentes manieres, & ont donné le nom de figure de pensées à celles qui énoncent les pensées sous une forme particuliere qui les distingue les unes des autres, & de tout ce qui n’est que phrase ou expression.

Nous ne pouvons que recueillir ici les noms des principales de ces figures, nous reservant de parler en son lieu de chacune en particulier : nous avons déjà fait mention de l’antithèse, de l’apostrophe, & de la prosopopée.

L’exclamation ; c’est ainsi que S. Paul, après avoir parlé de ses foiblesses, s’écrie : Malheureux que je suis, qui me délivrera de ce corps mortel ? Ad Rom. cap. vij.

L’épiphoneme ou sentence courte, par laquelle on conclut un raisonnement.

La description des personnes, du lieu, du tems.

L’interrogation, qui consiste à s’interroger soi-même & à se répondre.

La communication, quand l’orateur expose amicalement ses raisons à ses propres adversaires ; il en délibere avec eux, il les prend pour juges, pour leur faire mieux sentir qu’ils ont tort.

L’énumération ou distribution, qui consiste à parcourir en détail divers états, diverses circonstances & diverses parties. On doit éviter les minuties dans l’énumération.

La concession, par laquelle on accorde quelque chose pour en tirer avantage : Vous êtes riche, servez-vous de vos richesses ; mais faites-en de bonnes œuvres.

La gradation, lorsqu’on s’éleve comme par degrés de pensées en pensées, qui vont toujours en augmentant : nous en avons fait mention en parlant du climax, κλῖμαξ, échelle, degré.

La suspension, qui consiste à faire attendre une pensée qui surprend.

Il y a une figure qu’on appelle congeries, assemblage ; elle consiste à rassembler plusieurs pensées & plusieurs raisonnemens serrés.

La réticence consiste à passer sous silence des pensées que l’on fait mieux connoître par ce silence, que si on en parloit ouvertement.

L’interrogation, qui consiste à faire quelques demandes, qui donnent ensuite lieu d’y répondre avec plus de force.

L’interruption, par laquelle l’orateur interrompt tout-à-coup son discours, pour entrer dans quelque mouvement pathétique placé à propos.

Il y a une figure qu’on appelle optatio, souhait ; on s’y exprime ordinairement par ces paroles : Ha, plût à Dieu que, &c. Fasse le ciel ! Puissiez-vous !

L’obsécration, par laquelle on conjure ses auditeurs au nom de leurs plus chers intérêts.

La périphrase, qui consiste à donner à une pensée, en l’exprimant par plusieurs mots, plus de grace & plus de force qu’elle n’en auroit si on l’énonçoit simplement en un seul mot. Les idées accessoires que l’on substitue au mot propre, sont moins seches & occupent l’imagination. C’est le goût, ce sont les circonstances qui doivent décider entre le mot propre & la périphrase.

L’hyperbole est une exagération, soit en augmentant ou en diminuant.

On met aussi au nombre des figures l’admiration & les sentences, & quelques autres faciles à remarquer.