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elles sont toûjours moins distantes les unes des autres dans les grands animaux, & elles sont toûjours plus fréquentes dans les plus petits : on pourroit même s’en convaincre par leur variété dans un bidet & dans un grand cheval de carrosse ; non que la force du sang artériel ne l’emporte dans les animaux les plus grands, ainsi qu’on peut s’en assûrer dans les tables de Hales, en comparant les hauteurs perpendiculaires du sang dans les tubes fixés aux arteres, mais parce que ce liquide ayant en eux un plus grand nombre de ramifications, & des vaisseaux d’une bien plus grande étendue à parcourir, éprouve dans son cours beaucoup plus d’obstacle & de résistance.

Il est encore des chevaux dans lesquels les pulsations du tronc des carotides sont appercevables à la vûe, précisément à l’insertion de l’encolure dans le poitrail, quand ils sont atteints de la fievre : communément aussi dans la plûpart de ceux qui fébricitent, le battement du cœur n’est point obscur ; mais ceux de toutes les arteres sont absolument inaccessibles au tact : nous ne pouvons donc juger alors avec certitude de la liberté de l’action de ces canaux, de leur resserrement, de leur tension, de leur dureté, de leur sécheresse, &c. ni saisir avec précision une multitude de différences très-capables de guider des esprits éclairés ; & ces battemens ne nous apprennent rien de plus positif que ce dont nous instruisent les symptomes généraux dont j’ai parlé, c’est-à-dire la respiration fréquente, & l’accélération du mouvement des flancs.

Les signes particuliers à la fievre éphémere sont l’accès subit de cette fievre, qui n’est annoncée par aucun dégoût, & qui se montre tout-à-coup dans toute sa force, la chaleur modérément augmentée de l’animal, le défaut des accidens graves qui accompagnent les autres fievres, & la promptitude de sa terminaison.

Ceux qui sont propres à la fievre éphémere étendue, ou à la fievre continue simple, different de ceux-ci par leur durée, & par la tristesse plus grande du cheval.

Des frissons qui s’observent, sur-tout aux mouvemens convulsifs du dos & des reins ; la chaleur vive qui leur succede ; la véhémence du battement du flanc, sa tension, l’excessive difficulté de la respiration ; l’aridité de la bouche ; une soif ardente, l’enflure des parties de la génération ; la position basse de la tête ; beaucoup de peine à la relever ; la froideur extrème des oreilles & des extrémités ; des yeux mornes, troubles, & larmoyans ; une foiblesse considérable, une marche chancelante ; un dégoût constant ; la fétidité d’une fiente quelquefois dure, quelquefois peu liée, quelquefois graisseuse ; une urine crue & aqueuse ; la chûte du membre ; la couleur fanée du poil ; une sorte de strangurie, qui n’a lieu que quand l’animal chemine ; la persévérance avec laquelle il demeure debout & sans se coucher, sont autant de symptomes qui appartiennent à la fievre putride.

La plûpart de ces mêmes symptomes sont aussi communs aux fievres ardentes ; mais ils se présentent avec un appareil plus effrayant.

La chaleur d’ailleurs inégale en divers endroits, est telle qu’elle est brûlante, sur-tout au front, autour des yeux, à la bouche, à la langue qui est âpre & noire, raboteuse, & à laquelle il survient souvent des especes d’ulceres. L’air qui sort par l’expiration n’est pas plus tempéré ; l’accablement est encore plus grand ; la soif est inextinguible ; une toux seche se fait entendre ; la respiration est accompagnée d’un râlement ; la tête est basse & immobile ; l’haleine est puante ; une matiere jaunâtre, verdâtre, noirâtre, flue quelquefois des nasaux ; les excrémens sont desséchés, ou bien ils sont sembla-

bles à ceux qui caractérisent le flux dissentérique :

si l’yschurie n’a pas lieu, l’urine qui coule est noire & très-souvent sanguinolente ; enfin le cheval peut à peine avaler la boisson qu’il prend & qu’il rend alors par les nasaux dans lesquels elle remonte par l’arriere-bouche.

Dans la fievre pestilentielle, tous ces signes d’une inflammation funeste s’offrent également ; les tumeurs critiques qui paroissent au-dehors, ainsi que je l’ai déjà dit, la désignent spécialement & d’une maniere non équivoque.

Quant à la fievre lente, dès que les lumieres que nous pourrions acquérir par le pouls nous sont en général & presque toûjours interdites, le seul symptome univoque qui nous reste est le marasme, la consomption, & un dépérissement insensible.

De toutes ces fievres, celles qui portent avec elles un caractere de putridité, de malignité, & de contagion, sont les seules qui soient vraiment dangereuses ; la fievre lente ne l’est pas par elle-même ; elle n’est que l’effet des progrès fâcheux d’une maladie chronique, qui conduit le cheval pas-à-pas à sa perte. Les suites de l’éphémere qui s’étend ou se prolonge ne sont redoutables qu’autant qu’elle dégénere en synoque putride : mais dans celle-ci comme dans les autres, la violence des signes que j’ai décrits, doit tout faire craindre : l’obscurcissement des yeux, leur immobilité, l’affaissement des paupieres, le larmoyement involontaire, la difficulté de la déglutition, la sueur froide des parties génitales, le relâchement de la peau des tempes, la sécheresse de celle du front, la froideur & la puanteur de l’haleine, le refus obstiné de toute boisson & de tout aliment, l’inquiétude continuelle de l’animal qui se couche, se jette à terre, se releve, retombe, se roidit, s’agite, & se débat ; ses plaintes, son insensibilité totale, la pâleur & la lividité de ses levres, le grincement de ses dents, l’augmentation du râlement, la disparition subite des bubons & des charbons qui s’étoient montrés & qui ne reparoissent plus, &c. tels sont les présages presque assûrés d’une mort plus ou moins prochaine.

La route des succès dans le traitement de ces maux seroit bien incertaine, si pour y parvenir il étoit question de remonter à la connoissance intime des degrés par lesquels les humeurs dégénerent, de tous les changemens & de tous les desordres que cette dégénération produit dans l’économie animale, des sources & de la transmission de toutes les impuretés qui les pervertissent, de la véritable action, des diverses combinaisons, de la forme, & des autres dispositions méchaniques de ces substances nuisibles, de leur affinité & de leurs rapports cachés avec les différentes parties qui composent la machine : pour moi, j’avoue que je n’aurai jamais assez d’audace & assez d’amour-propre pour entreprendre de pénétrer jusque à ces agens & à ces êtres imperceptibles & pernicieux ; content de m’opposer aux effets dont mes sens sont témoins, je n’ai garde de vouloir m’adresser à la cause efficiente qui m’est voilée.

Le soin de guérir la fievre éphémere doit être abandonné aux mouvemens spontanés des vaisseaux & du sang ; tout l’art consiste à ne point troubler l’ouvrage de la nature, le repos, la diette, l’eau blanche, l’usage des délayans concourront avec elles. Si cette fievre outre-passe le tems ordinaire de sa durée, on examinera attentivement les signes qui l’accompagnent, à l’effet de distinguer si elle sera continue, simple, ou continue putride : dans le premier cas, on saignera l’animal, on lui administrera des lavemens émolliens ; on jettera dans son eau blanchie quelques pintes de la décoction émolliente faite avec la mauve, la guimauve, la pariétaire ; on le tiendra au son, & on ne lui donnera point de fourage, pour