raison, toutes les mauvaises dispositions du malade.
Cependant dans les affections morbifiques compliquées, qui paroissent avec la fievre, ce n’est pas ordinairement elle qui est le plus dangereuse, ni qui présente les indications les plus essentielles, ou les plus pressantes à remplir pour le soulagement & pour la sûreté du malade. Pour se représenter sensiblement cette vérité, il suffit de se rappeller les effets des poisons & des venins. Dans la morsure d’une vipere, par exemple, le venin qui s’insinue dans la playe cause une douleur fort vive, un engorgement inflammatoire & gangréneux à la partie blessée, des tremblemens, des convulsions, la fievre, des angoisses avec cardialgie, des vomissemens, le hoquet, la difficulté de respirer, l’abbattement, des syncopes, des ébloüissemens, des sueurs froides, des urines sanguinolentes, la paralysie, des extravasations, des dissolutions de sang, des gangrenes en différente, parties : or, dans de telles complications, ce n’est pas la fievre, quoique souvent très-vive, qui est l’objet de l’attention du medecin ; ce n’est pas elle qui lui fournit les indications qu’il doit remplir : il ne pense pas à l’éteindre ; il songe à satisfaire à d’autres indications plus importantes.
Ainsi lorsque la fievre est compliquée avec d’autres affections très-dangereuses, il est essentiel de la distinguer de toutes les affections qui ont été produites avec elle par une même cause ; & c’est la destruction de cette cause qui demande seule les secours de l’art. Mais lorsque dans les fievres il se présente différens symptomes compliqués qui tendent à produire des effets différens, les uns avantageux & les autres desavantageux en apparence, quelle conduite doit tenir le medecin dans cette complication ? Je répons qu’il ne peut la prendre, cette conduite, que de son génie & de ses lumieres ; elles seules lui indiqueront à distinguer le caractere des symptomes que la maladie lui présente ; à saisir ses indications avec discernement ; à prévenir les effets funestes, & à faciliter les effets salutaires.
Fievre continente. On nomme fievre continente, toute fievre dont la durée s’étend au-delà de trente-six heures : c’est cette durée qui distingue la fievre continente de l’éphémere. Voyez Éphémere.
Fievre continue, est celle qui est sans interruption depuis son commencement jusqu’à sa fin ; elle reçoit quantité de noms d’après sa durée, ses complications, & les symptomes qui l’accompagnent : delà viennent tant de divers genres & especes de fievres établies par les medecins ; & pour nous conformer à leur langage, nous avons suivi dans ce Dictionnaire les dénominations qu’ils leur ont données : on en peut voir les articles ; car nous n’envisagerons dans celui ci que la cure de la fievre continue prise en général, simplement, & sans complications : ses causes & ses signes ont été exposés au mot Fievre.
Cure. La méthode curative des fievres continues simples consiste principalement dans l’administration de la saignée, de quelques remedes altérans, légerement apéritifs, & de la purgation. La diete austere & humectante qui y convient ordinairement, n’est pas même ignorée du vulgaire. Les tempérans légerement apéritifs, y sont continuellement indiqués, pour procurer, sur-tout par les urines, l’expulsion des sucs excrémenteux, produits en abondance par l’action accélérée des vaisseaux : aussi l’usage de ces remedes est-il assez généralement reconnu. La saignée est absolument nécessaire, pour peu que l’inflammation prédomine.
Les medecins ne s’accordent point sur l’administration de la purgation, dans la cure des fievres continues. Peut-être que ceux qui en bornent trop l’usa-
pas moins bien les uns que les autres, parce qu’il se rencontre autant de fievres où un grand usage de la purgation est funeste, qu’il y en a où il est nécessaire. Mais quoique des méthodes si opposées puissent être également salutaires, & cependant également pernicieuses, ceux qui se fixent à l’une ou à l’autre, n’en sont pas moins de très-mauvais medecin. Ce n’est pas par les succès, par les observations, ou les simples récits des cures de ces praticiens, qui réduisent mal les maladies & les indications, que l’on doit ici déterminer l’usage de la purgation : c’est en réunissant aux connoissances évidentes de la théorie une expérience exacte, complette & étendue, qu’on acquerra des lumieres pour décider sûrement cette question importante de la Medecine.
Observations de pratique. Les fievres continues peuvent se diviser en fievres critiques, qui se terminent par coctions & par crises ; & en fievres non-critiques, qui se terminent sans coctions & sans crises remarquables.
Les fievres continues qui ont des redoublemens tous les jours, parviennent difficilement à la coction, tant que ces redoublemens journaliers persistent, à moins que la cause de ces fievres ne soit entraînée par la voie des excrétoires ; autrement elles durent d’ordinaire fort long-tems. Dans quelques pays, on a presque toûjours recours à l’usage du quinquina pour les guérir, quoique les habiles gens ayent remarqué que ce fébrifuge ne réussit point dans les fievres véritablement continues. Ceux qui employent ce remede lui attribuent par erreur des guérisons qui arrivent naturellement aux périodes critiques, & auxquelles il n’a aucune part : il peut à la vérité très-bien guérir les fievres intermittentes subintrantes ; mais il ne faut pas les confondre avec celles qui n’ont aucune intermission dans les tems du relâche.
La plus legere fievre continue est celle qui naît de crudités, ou de la transpiration arrêtée, dont la matiere est chassée par le mouvement fébrile. On la guérit par la boisson abondante, un peu échauffante & diaphorétique.
Les humeurs naturellement corrompues ou dégénérantes dans les gens foibles, âgés, cacochymes, scorbutiques, valétudinaires, produisent souvent chez eux une fievre continue, qui d’ordinaire devient rémittente : la cure exige de legers purgatifs, les anti-putrides, les stomachiques, & les corroborans.
Quelquefois au commencement de la constitution épidémique des intermittentes, il paroît des fievres continues qui ne doivent être considérées pour la méthode curative, que comme de vraies intermittentes. En général, toute fievre continue épidémique & endémique, veut être traitée d’après la connoissance de la constitution de l’air, de la saison, du climat, &c. mais la fievre continue qui procede d’une maladie particuliere aiguë ou chronique, comme du rhûmatisme, de la goutte, d’un abcès, d’une blessure, de la phthisie, de l’hydropisie, &c. doit être regardée comme symptomatique. Voyez Fievre symptomatique.
Le medecin qui voudra s’instruire complettement des fievres continues, étudiera sans cesse l’ouvrage de M. Quesnay.
Fievre continue rémittente, est celle qui sans discontinuer, donne de tems en tems quelque relâche, & ensuite quelques redoublemens : comme sa cure est la même que pour la fievre continue, voyez Fievre continue.
Fievre critique, est toute fievre continue qui se termine par coction purulente, & par crises.
On peut admettre trois sortes de fievres critiques, 1°. celles qui dépendent d’inflammations locales, dont la terminaison se fait par résolution ; 2°. les