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perçu les revenus de ces biens au préjudice de la saisie qui en avoit été faite au nom du roi.

Le maréchal Daudeneham donna néanmoins pouvoir à ces commissaires de composer avec ceux qui avoient fait de telles acquisitions, ou qui avoient perçu les fruits de celles qui étoient saisies, & de leur permettre moyennant une finance qu’ils payeroient, de les garder, sans qu’ils pussent être contraints à s’en désaisir dans la suite.

Le détail que l’on vient de faire sur l’exécution de l’ordonnance de 1322, se trouve dans les lettres du maréchal de Daudeneham du 15 Août 1363.

On suivit toûjours les mêmes principes au sujet des francs-fiefs du tems du roi Jean, comme il paroît par des lettres de ce prince du mois d’Octobre 1354, confirmatives d’autres lettres du 4 Mai 1324, portant concession aux citoyens & habitans de Toulouse, d’acquérir des personnes nobles des biens-fonds, pourvû que ces biens fussent sans justice, & qu’il n’en fût pas dû d’hommage.

Louis duc d’Anjou, lieutenant de Charles V. dans le Languedoc, ordonna par des lettres données à Nismes le 16 Février 1367, qu’il ne seroit point payé de finances par les roturiers pour les acquisitions d’aleux non nobles, & ne relevant point du roi ni en fief ni en arriere-fief, quoique faites de personnes nobles, & que ceux qui n’auroient point payé la finance des francs-fiefs, n’y pourroient être contraints par emprisonnement de leur personne, mais seulement par saisie & vente de leurs biens.

Charles V. ordonna depuis en 1370, que ceux qui auroient refusé de payer le droit de franc-fief, & auroient fatigué les commissaires par des tours & des chicanes, seroient contraints de payer une double finance.

De tems immémorial, les bourgeois de Paris ont été exemptés des droits de franc-fief, tant pour les biens nobles par eux acquis dans les fiefs du roi & dans ceux des seigneurs, que pour les francs-aleux ; on publia à Paris vers l’année 1371 une ordonnance, portant que les non nobles qui avoient acquis depuis 1324 des biens nobles, en fissent dans un mois leur déclaration au receveur de Paris, qui mettroit ces biens dans la main du roi jusqu’à ce que ces acquéreurs eussent payé finance ; mais Charles V. par des lettres du 9 Août 1371, confirma les bourgeois de Paris dans leur exemption des droits de franc-fief dans toute l’étendue du royaume ; ils ont en conséquence joüi de ce privilége sans aucun trouble, si ce n’est depuis quelque tems qu’on les a inquiétés à ce sujet, pour raison de quoi il y a une instance pendante & indécise au conseil, où les prévôt des marchands & échevins de la ville de Paris sont intervenus pour soûtenir le droit des bourgeois de Paris, lesquels néanmoins sont contraints par provision de payer le droit de franc-fief.

Les bourgeois de Paris ne sont pas les seuls auxquels l’exemption du droit de franc-fief eût été accordé ; ce privilége fut communiqué par Charles V. aux habitans de plusieurs autres villes ; mais tous ne l’eurent pas avec la même étendue.

On croit que ce privilége fut accordé aux habitans de Montpellier, suivant des lettres du mois de Juillet 1369, qui leur permettent d’acheter toutes sortes de biens ; mais l’exemption des francs-fiefs n’y est pas exprimée clairement.

Elle fut accordée purement & simplement aux habitans de la ville de Caylus-de-Bonnette en Languedoc, par Charles V. en 1370.

Ceux de Ville-Franche & Roüergue obtinrent la même exception pour le passé, & pour les acquisitions qu’ils feroient-pendant dix ans

Par d’autres lettres de 1370, les habitans de la ville de Caussade en Languedoc, furent déclarés

exempts du droit de franc-fief pour les fiefs qu’ils acquerroient, pourvû que ce ne fût pas des fiefs de chevalerie ou des aleux d’un prix considérable.

Le 19 Juillet de la même année, les habitans de la ville de Milhaud furent déclarés exempts des francs-fiefs pour les biens nobles qu’ils avoient acquis, & qu’ils acquerroient dans la suite.

La même chose fut ordonnée en faveur des habitans de Puy-la-Roque, par d’autres lettres des mêmes mois & an.

Les priviléges accordés en la même année à la ville de Cahors, portent entre autres choses que les habitans de cette ville seroient exempts du droit de franc-fief, pour les biens nobles qu’ils acquerroient dans la suite, quand même ces biens seroient situés dans des fiefs ou arriere-fiefs du roi, & quand même ils les auroient acquis de personnes nobles ou ecclésiastiques.

Les habitans de Puy-Mirol dans l’Agenois, obtinrent aussi au mois de Juin de la même année des priviléges, portant qu’ils joüiroient des fiefs & autres droits nobles qu’ils possédoient depuis 30 ans ; qu’ils joüiroient pareillement des fiefs & autres droits nobles qu’ils pourroient acquerir pendant l’espace de dix ans dans le duché d’Aquitaine, pourvû cependant qu’il n’y eût point de forteresse sur ces fiefs ni d’arriere-fiefs qui relevassent de ces fiefs.

Les habitans de Saint-Antonin obtinrent le même privilége pour dix ans, pourvû qu’il n’y eût pas de justice attachée aux fiefs qu’ils acheteroient ; on leur remit seulement les droits pour le passé.

Les mêmes conditions furent imposées aux habitans de Moissac.

La ville de Fleurence obtint aussi en 1371 pour ses habitans, le privilége d’acquerir pendant cinq ans des fiefs nobles & militaires, pourvû qu’il n’y eût point de jüstice attachée, & à condition qu’ils ne rendroient point hommage de ces fiefs. Ce terme de cinq ans fut ensuite prorogé jusqu’à huit.

Charles V. accorda aussi en 1371 des lettres aux habitans de Rhodès, portant qu’ils seroient exempts du droit de franc-fief pour les biens nobles relevans du roi, qu’ils acquerroient hors du comté de Roüergue, & des terres appartenantes au comte d’Armagnac.

Il exempta pareillement des francs-fiefs les bourgeois de la Rochelle, mais seulement ceux qui auroient 500 liv. de rente.

L’exemption fut accordée pour 20 ans en 1369 aux habitans de Lauserte, à condition qu’ils n’aquerroient point des hommages, des forteresses & des aleux d’un grand prix.

Charles VI. exempta des francs-fiefs les habitans de Condom.

Ceux de Bourges en furent exemptés en 1438, & ceux d’Angers & du Mans en 1483.

Plusieurs autres villes obtinrent en divers tems de semblables exemptions.

Il fut nommé par Charles VI. en 1388 deux commissaires dans chaque prévôté, sur le fait des acquisitions faites par les gens d’église & personnes non nobles, avec des receveurs sur les lieux ; & depuis par des lettres du 8 Juillet 1394, il confirma ce qui avoit été fait par ces commissaires touchant les francs-fiefs ; & depuis nos rois ont de tems en tems nommé de semblables commissaires pour la recherche des francs-fiefs.

Par des lettres patentes de 1445, Charles VII. ordonna que les thrésoriers de France pourroient contraindre toutes personnes non nobles, ou qui ne vivoient pas noblement, de mettre hors de leurs mains tous les fiefs qu’ils possédoient par succession ou autrement, sans en avoir suffisante provision du roi,