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le rapprochement des corpuscules élémentaires de cette partie, qu’une tension. On ne peut regarder comme vices propres d’une partie, que ceux qui lui sont inhérens, indépendamment du concours d’aucune autre.

Par l’exposé qui vient d’être fait des différens vices des fibres, il paroît qu’ils peuvent tous être rapportés au relâché & au serré, qui font la base de la doctrine des méthodiques : c’est à quoi l’on peut réduire toutes les causes des différentes maladies des parties similaires. Car si on veut faire des recherches plus précises à cet égard, on tombe inévitablement, dit Boerhaave, dans les vices compliqués des solides & des fluides, ou dans des subtilités que l’on ne peut vérifier ni par le témoignage des sens, ni par celui de la raison, & qui ne sont d’aucune utilité pour l’art de guérir.

Il reste à traiter des indications que présentent à remplir les maladies des fibres, telles qu’on vient d’en donner l’idée. Les indications ne peuvent être que très-simples, comme les vices à corriger ; ils consistent dans l’excès ou le défaut des qualités propres à la fibre simple. Il n’y a pas autre chose dans toutes les différentes combinaisons défectueuses de ses parties intégrantes ; c’est trop de resserrement de ces parties entr’elles, ou trop d’écartement : d’où trop ou trop peu de cohésion, de densité, d’élasticité, de force, &c. Il ne peut donc être question que d’employer les moyens propres à resserrer dans la laxité, & de relâcher dans l’astriction ; mais il faut le bien assûrer de la nature du vice, & faire attention qu’il n’est souvent pas sans contre-indications. Il s’agit ici du vice sans complication.

Ainsi pour satisfaire à la premiere indication, c’est-à-dire celle qui regarde la laxité, il convient d’employer 1°. les remedes tirés des matieres alimentaires de bon suc & de facile digestion, qui soient aromatisées, très peu humectées, & par conséquent propres à ranimer, à échauffer, à pénétrer. Une nourriture qui réunit ces différentes qualités, & mise en usage avec regle pour la quantité, ne peut que contribuer à raffermir les fibres, en fournissant une plus grande abondance de suc nourricier, avec plus de disposition à être employé à l’ouvrage de la nutrition : tels sont le pain de la fleur de farine de froment bien fermenté, bien cuit ; la chair de bœuf ou de mouton ; les petits oiseaux ; les perdrix ; la volaille nourrie de grain ; ces différentes viandes rôties, grillées, assaisonnées d’épicerie ; les chapons adultes avec d’autres bonnes viandes, pour faire des consommés & autres choses de cette espece ; le bon vin pur, bien mûr, de qualité un peu astringente ; les liqueurs ardentes spiritueuses ; le café, le chocolat, l’un & l’autre au lait ou aux œufs frais, &c. 2°. Les différentes manieres d’exercer le corps ; comme les douces secousses dans les voitures d’eau, de terre, par l’équitation, le jeu de paume, le saut, la course & autres semblables, qui concourent à dessécher les fibres, en dissipant la sérosité dont elles sont abreuvées ; à en augmenter la solidité par la force graduée, avec laquelle elles sont rapprochées, resserrées les unes contre les autres, par la répétition des contractions musculaires. 3°. Les longues veilles, que l’on sait être propres à augmenter la secrétion du fluide nerveux, à en accélérer le cours, à exciter les mouvemens musculaires, & à dessécher conséquemment les solides ; ce qui doit aussi augmenter par bien des raisons, la fermeté des fibres, pourvû que les veilles ainsi prolongées, ne soient pas excessives, & qu’elles soient proportionnées à la nourriture que l’on a prise auparavant, pour ne pas épuiser les forces. 4°. L’habitude à contracter d’endurer le froid, le chaud, de s’exposer au vent ; ce qui contribue beaucoup à raffermir les fibres, en les

faisant se resserrer, en les desséchant, en les rendant plus compactes : cet effet a lieu d’autant plus aisément, que l’air chaud ou froid auquel on s’expose, est plus pur & plus sec. 5°. Les embrocations, les bains des eaux minérales chaudes, l’immersion de tout le corps dans le sable de mer bien sec, échauffé & entassé ; on augmente par ces différens moyens le ton & l’élasticité des fibres, en les comprimant, en les appliquant plus fortement les unes aux autres, & en multipliant les points de contact entr’elles : d’où doit résulter plus de force de cohésion, &c. 6°. Enfin les remedes propres à fournir des parties intégrantes, qui en s’attachant aux fibres relâchées, peuvent en resserrer les corpuscules élémentaires, & les rendre ainsi plus liées entre eux, & plus disposés à résister à leur écartement, à leur séparation : tels sont en général tous ceux à qui on connoît une vertu astringente, stiptique bien décidée, mais modérée ; tels sont, parmi les végétaux, les fleurs de roses rouges, les balaustes, les feuilles de plantain, de sumach, les fruits de mirthe, les coings, les galles, les nefles, les sorbes ; les sucs d’acacia, d’hypocistis, la gomme de mastic, le san-dragon, les écorces de grenadier, de tamarisc, de kina, de simarouba ; les racines de tormentille, de bistorte, de fougere : parmi les minéraux, l’alun, le vitriol réduit en colchotar, le safran de Mars astringent, le bol d’Arménie. De tous ces médicamens différemment combinés, les Medecins en font faire différentes préparations & compositions pharmaceutiques & chimiques, destinées à être employées pour tout le corps, ou seulement pour quelques-unes de ses parties, extérieurement ou intérieurement, selon que le besoin l’exige.

Passons à la seconde indication, savoir celle que présente à remplir le second genre de vice des parties similaires, l’astriction : il doit être corrigé 1°. par l’usage des alimens émolliens, relâchans, qui fournissent un suc nourricier de bonne qualité, qui assouplisse les fibres, en rende les corpuscules intégrans moins serrés par l’interposition de molécules aqueuses, huileuses ; qui corrige en les humectant leur trop grande siccité : tels sont le pain frais de seigle ou d’orge bien préparé, les viandes cuites à l’eau, comme celles de veau, d’agneau, de chevreau, de poulet & des jeunes chapons ; toutes celles en un mot qui peuvent fournir un suc fin, mucilagineux, noyé dans des parties aqueuses, tels que les bouillons, les potages, les cremes claires de ris, d’avoine, d’orge, &c. Les herbages tendres, comme la blette, l’endive, la chicorée, la laitue, le pourpier, l’épinar ; les fruits propres à la saison bien mûrs, d’un suc abondant, aqueux, doux ou aigre-doux, les cérises douces, les fraises, les poires, les pommes, les raisins, les oranges douces, le concombre, le melon, &c. la boisson d’eau de riviere ou de fontaine préparée par l’ébullition d’une décoction farineuse, comme d’orge & de chiendent ; du vin leger en petite quantité bien trempé ; de différentes infusions théiformes de fleurs de mauves, de violettes, de bouillon blanc, & autres d’une nature approchante. 2°. Par un genre de vie molle, tranquille, sédentaire, livrée en bonne partie au sommeil ; qui ne soit exercée pendant la veille que par un mouvement modéré, de peu de durée, cependant assez fréquent ; en un mot, par un genre de vie, qui soit propre à tous égards, à relâcher, à rendre flasques les fibres trop tendues. 3°. Par une chaleur externe, humide, en vivant autant qu’il est possible dans des lieux dont l’air ait cette qualité, naturellement ou par art. Rien n’est plus propre dans ce cas, que d’être exposé de tems en tems à recevoir la vapeur de l’eau tiede, qui pénetre très-intimement le corps animal. (On en a vû très-souvent de bons effets, dit