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Les parties de l’embryon, qui ne sont que pulpeuses dans les premiers tems de la vie, prennent peu-à-peu & de plus en plus une consistence qui augmente sensiblement d’âge en âge dans l’adulte, & qui parvenue à son dernier degré de rigidité, constitue la cause de la vieillesse & de la fin des actions de la vie, parce qu’elles dépendent de la flexibilité des organes, qui ne subsiste plus dans le cas dont il s’agit, les fibres étant dures & desséchées par le long exercice de ces actions mêmes.

L’expérience démontre ces effets, puisque non-seulement ils ont lieu d’une maniere bien sensible dans la peau, les muscles, les tendons, mais encore dans des substances des plus molles respectivement (telles que les membranes, comme la plevre, la dure-mere, les tuniques des vaisseaux, le tronc de l’aorte même, des portions du foie, de la rate), qui ont été trouvées dans des vieillards véritablement ossifiées ; ce qui arrive en général, principalement dans les parties exposées à des fortes pressions.

Quoique dans l’embryon les parties paroissent toutes également molles & pulpeuses, & ne semblent pas avoir plus de consistence les unes que les autres ; les progrès de la solidité ne se font pas en même proportion dans toutes ; elle parvient à une très-grande fermeté dans les os ; elle est toûjours moindre dans les cartilages, & beaucoup moindre encore dans les membranes, les chairs, que dans ces dernieres : elle acquiert même des degrés différens dans les différentes parties molles, selon que le sage auteur de l’édifice l’a jugé nécessaire pour les usages auxquels elles sont destinées, pour le rapport qu’elles ont entr’elles, en un mot pour la direction & la conservation de l’économie animale. Cette différence remarquable, il faut l’attribuer toûjours à la cause générale, ci-devant assignée, c’est-à-dire à l’inégalité de pression entre les vaisseaux des uns sur les autres, des plus forts sur les plus foibles : cette cause agit par conséquent plus ou moins, selon la différence des parties ; ainsi dans celles où il se trouve un très-grand nombre de petits vaisseaux contigus, exposés tout-à-la-fois à la compression d’un nombre suffisant de grands vaisseaux ambians ; ceux-là sont également changés en fibres grossieres, c’est-à-dire formées de vaisseaux oblitérés, qui unis les uns aux autres, forment des masses de fibres toûjours plus épaisses, sans cavité ; d’où résulte la dureté des substances osseuses, cartilagineuses, ce qui ne se fait que peu-à peu, & à proportion que les petits vaisseaux sont ainsi convertis en fibres composées : car, comme nous l’enseigne la formation des os, l’os dur a été d’abord un composé de plusieurs membranes vasculeuses très-fines, disposées en lames appliquées les unes aux autres, qui ayant perdu peu-à-peu de sa flexibilité, a acquis la consistence d’un cartilage avant que de parvenir à l’état de dureté, propre à la substance osseuse : il s’ensuit donc que les parties de l’embryon, destinées à former les os, sont composées de maniere qu’elles ont, sous un volume donné, un plus grand nombre de petits vaisseaux que les autres parties, lesquelles soient susceptibles de se laisser comprimer librement par les vaisseaux qui les environnent : conséquemment, la solidité ne discontinuant d’augmenter dans toutes les parties pendant toute la vie, est cependant différente quant aux effets, par la différence de proportion qui existe dans les différentes parties entre les vaisseaux qui compriment & ceux qui sont comprimés au point d’en perdre leur cavité ; ensorte que cette solidescence, qui s’opere par le changement des petits vaisseaux en fibres composées, ne peut être attribuée qu’à l’inégalité de pression des vaisseaux entr’eux.

C’est pourquoi, puisque le cerveau est toûjours une partie si molle, même dans l’âge avancé, il y a

lieu de croire que cette égalité de consistence dans toutes les parties de ce viscere, subsiste ainsi la même à-peu-près, parce qu’il n’y a point ou presque point d’inégalité de pression dans les vaisseaux dont il est composé, qu’ils se dilatent avec une égale force, & qu’aucun ne cede assez à d’autres pour être comprimé, perdre sa cavité, & être changé en fibre composée. Cette égalité de consistence étoit absolument nécessaire à un organe, dont les fonctions exigent une flexibilité constante, & respectivement égale dans les parties auxquelles il appartient de les opérer.

Différences des composés de la fibre. Après avoir vû en quoi consiste la différence entre la fibre simple & la fibre composée, il reste à désigner les différentes especes de celle-ci : on la divise ordinairement en osseuse, en charnue, & en nerveuse.

La premiere espece est celle qui concourt à former les parties les plus dures, les plus compactes du corps humain, c’est-à-dire les os : les fibres osseuses sont disposées en long dans les os figurés selon cette dimension, & du centre à la circonférence dans les os plats ; elles forment dans les uns & les autres des lames, des couches appliquées les unes aux autres, & différemment graduées, contournées selon la destination des os (voyez Os) ; elles sont unies entr’elles en beaucoup plus grand nombre, sous un volume donné, que celles des autres especes ; elles se touchent par conséquent par un plus grand nombre de points ; d’où résulte dans les substances osseuses plus de densité, de force, de cohésion, de solidité, de dureté, que dans toutes les autres parties du corps ; cependant ces qualités varient encore du plus au moins par rapport aux os composés entr’eux : on peut comprendre sous cette espece les substances cornées comme les ongles, dont les qualités approchent beaucoup de celles des os. Voyez Ongle, Corne.

La fibre charnue est un assemblage de plusieurs fascicules ou petits paquets de fibres simples, ou de vaisseaux simples dégénérés en fibres composées, qui ne sont pas unis entr’eux d’une maniere bien intime ; ils forment une masse très-peu compacte, aisément compressible, molle ; ils contiennent dans leurs interstices des vaisseaux de différens genres, sanguins, lymphatiques, nerveux ; ils sont aussi séparés par de fines membranes qui forment comme des cloisons : ces fascicules de fibres charnues sont de différentes longueurs & de différentes positions ; ils s’étendent d’un os à un autre os, ou d’un os à un autre point fixe quelconque ; ou ils sont repliés sur eux-mêmes, & soudés par les extrémités de maniere à former une fibre circulaire, un anneau charnu comme dans les muscles sphincter ; ou ils sont disposés en spirale différemment combinée, comme dans la structure du cœur. Les fibres charnues sont rouges, lorsqu’il y a du sang dans les interstices des fascicules fibreux, qui étant lavés ou considérés séparément, sont blancs comme dans les tendons qui ne sont qu’une extension des fibres charnues dont sont formés les muscles, mais plus resserrées dans ceux-là que dans ceux-ci ; de maniere qu’elles ne reçoivent point entr’elles de vaisseaux sanguins : il en est de même des aponévroses & des membranes qui sont comme des lames, des toiles plus ou moins approchantes de la nature du tendon.

La fibre nerveuse est un composé de filets pulpeux blancs, qui entrent dans la composition du cerveau, du cervelet, de la moelle alongée & épiniere, des ganglions & des productions de toutes ces parties : ces productions sont appellées nerfs, lorsqu’elles sont disposées en forme de cordons étendus en ligne droite ou approchant, & qu’elles sont revêtues d’une gaîne membraneuse, prolongement de la dure-mere qui accompagne leurs distributions dans toutes les parties du corps.