Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tiennent un fluide aqueux, lympide, & pour l’ordinaire sans saveur.

Les fibres ligneuses du bois sont les mêmes que dans l’écorce ; avec cette différence seulement, que si l’on coupe le tronc en-travers, la seve découle de celles de l’écorce, & rarement de celles du bois ; elles forment la plus considérable partie du bois, & servent à le rendre plus fort & plus compact.

Les fibres ligneuses semblent être aux plantes ce que les fibres osseuses sont aux animaux. D’habiles gens prétendent que c’est sur-tout par les fibres ligneuses de la racine, que le suc nourricier s’éleve dans la plante, & que c’est à leur extrémité que sont les principales bouches qui donnent entrée dans l’intérieur : mais quoique cette hypothèse soit vraissemblable à l’égard de plusieurs plantes, il est absolument besoin de l’établir par des expériences, parce qu’il n’appartient qu’aux expériences de consacrer les hypothèses. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fibre, (Anat.) on en distingue d’osseuses, de nerveuses, ligamenteuses, &c. mais celle qui a le plus occupé les Anatomistes méchaniciens, c’est la fibre musculaire.

Borelli observa dans les fibres musculaires, une substance spongieuse (peut-être analogue à celle qu’on trouve dans les tuyaux de plume) ; il en conclut que ces fibres étoient creuses, conjecture qui a été presque généralement adoptée. Mais comme ces fibres devenoient par-là des membranes roulées, il restoit à déterminer quels plis recevoient les filamens de ces membranes dans le mouvement des muscles. On suppose qu’alors les fibrilles transversales qui forment dans l’état de repos des réseaux lâches & paralleles autour des grosses fibres, se tendent, resserrent ces fibres en différens points, & y produisent des vésicules qu’enflent les esprits animaux.

Rien n’est plus incertain que la courbure des fibres de ces vésicules. Si on n’a égard qu’à l’action des esprits animaux, on trouvera toûjours (à cause de la pression perpendiculaire des fluides) que dans chaque point le rayon du cercle osculateur est en raison réciproque de la pression du fluide en ce même point ; comme l’ont démontré M. Jean Bernoulli, chap. xvj. de sa théorie de la manœuvre des vaisseaux ; & après lui M Michelotti, p. 60-1. de sa dissertation de separatione fluidorum. Mais si l’on a aussi égard à la pesanteur des molécules de la fibre musculaire, les vésicules prendront toutes les courbures comprises sous l’équation générale des courbes produites par deux puissances, dont l’une est perpendiculaire à la courbe, & l’autre toûjours parallele à une ligne donnée quelconque ; équation que M. Daniel Bernoulli a donnée dans le t. III. des mémoires de Petersbourg. Je ne parle point encore de l’extensibilité de la fibre musculaire.

On éluderoit ces difficultés, si l’on pouvoit démontrer la supposition sur laquelle raisonne M. Mead dans son mémoire sur le mouvement musculaire, imprimé à la tête de la Myotomia reformata de Cowper. M. Mead, ou plûtôt M. Pemberton, prétend que la courbe qui convient aux fibres des vésicules musculaires, est entre les courbes isopérimetres, celle dont la révolution autour de son axe produit le plus grand solide. Il détermine cette courbe par les quadratures d’aires curvilignes, suivant la méthode de M. Newton ; mais il ne dit point que cette courbe est l’Elastique, ce que M. Jacques Bernoulli avoit démontré long-tems auparavant. Voyez Elastique. Ce silence est d’autant plus surprenant, que la construction que donne M. Pemberton de la courbe isopérimetre cherchée, est absolument la même que celle de la lintearia qu’il a pû voir dans la phoronomie d’Herman, liv. II. pag. 167-8 : mais cette construction même suppose les démonstrations de M. Bernoulli.

M. Daniel Bernoulli (mém. acad. de Petersbourg, tom. I. pag. 306.) croit aussi que chaque filament du petit cylindre creux, qui forme une fibre musculaire, se courbe en élastique : mais comme on ne peut déterminer la rectification de cette courbe, & le solide formé par sa révolution autour de son axe, que par des approximations pénibles, M. Daniel Bernoulli lui substitue une parabole, dont le parametre est fort grand, & les branches de côté & d’autre du sommet, fort petites.

M. Jean Bernoulli, qui a le premier appliqué les nouveaux calculs à la recherche de la courbure des fibres de la vésicule musculaire, a pensé avec beaucoup de vraissemblance que cette courbure est circulaire.

Lorsque le mouvement du muscle cesse, quelle est la direction des filamens qui composent une fibre musculaire, creuse & cylindrique ? M. le marquis Poleni répond, & tous les auteurs paroissent l’avoir supposé, que ces filamens reprennent leur premiere longueur, & se couchent les uns sur les autres en ligne droite. Voyez sa lettre de causâ motûs musculorum, à l’abbé Guido Grandi, p. 5.

Il semble que ces auteurs n’ont pas fait assez d’attention au mouvement tonique des fibres, que d’autres physiologistes ont très-bien distingué de leur mouvement musculaire. Ce mouvement tonique suppose un influx continuel des esprits animaux, qui les fait passer librement & successivement d’une vésicule dans une autre, lorsque les fibrilles transversales sont relâchées : on voit que la courbure des filamens des vésicules est alors la même que la courbure de la voile, ou la chaînette. Voyez Chainette.

On sait qu’entre toutes les surfaces égales produites par la révolution des courbes quelconques, la chaînette est celle qui a la moindre périmétrie. L’avantage de cette courbure est donc de rassembler sous la surface donnée d’un muscle en repos, le plus grand nombre possible de machines musculaires.

S’il est quelque sujet dans la Physiologie qu’on puisse ramener à la nouvelle Géométrie, c’est assûrément celui-ci, sur-tout après les théories de MM. Bernoulli. Par l’incertitude attachée à cette recherche, qu’on juge du succès des autres applications du calcul pour éclaircir les points importans de l’économie animale. Voyez Application de la Géométrie à la Physique. (g)

Fibre, (Economie anim. Medecine.) On entend en général par fibres, dans la physique du corps animal, & par conséquent du corps humain, les filamens les plus simples qui entrent dans la composition, la structure des parties solides dont il est formé.

Les anciens ne sont jamais entrés dans un si grand détail sur cette composition, ils ne cherchoient pas à y voir au-delà de ce qu’ils pouvoient découvrir à l’aide des sens ; ils n’avoient pas même poussé bien loin leurs recherches par ce moyen : ils étoient par conséquent bien éloignés d’employer le raisonnement analytique pour parvenir à se faire une idée des parties élémentaires du corps humain qu’on appelle fibres ; ils faisoient pourtant usage de ce mot. Les auteurs grecs qui ont écrit touchant les plantes, ont appellé de ce nom les nerfs ou les filets qui paroissent au dos des feuilles, & les filamens qui sont à l’extrémité des racines. Ceux qui ont traité de la composition des parties des animaux, ont nommé de même les filets qui sont dans les chairs & en d’autres parties ; c’est ce qu’ils expriment par le mot grec ἴς, dont le pluriel est ἶνες, que les Latins ont rendu par celui de fibra, par lequel on prétend qu’Hippocrate ait marqué également une fibre & un nerf. Personne ne nie qu’il n’ait aussi employé le mot fibre pour signifier un filet charnu ; il a même fait mention des fibres qui sont dans le sang, lib. de carn. & princip. & lib. II.