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le pédicule, ce retournement s’opere encore souvent sans que le pédicule y ait aucune part. Enfin les feuilles ont la propriété de se retourner, quoiqu’elles soient séparées de la plante ; cette même propriété se manifeste aussi dans des portions de feuilles coupées à volonté ; est-ce la lumiere, la chaleur, la communication de l’air extérieur qui opere ce retournement ? on ne peut encore offrir là-dessus que des conjectures, & d’autant mieux que les feuilles se retournent dans l’eau comme dans l’air.

L’inspection des feuilles au microscope nous offre le spectacle de mille autres beautés frappantes que l’œil nud ne peut appercevoir : vous en serez convaincu par la lecture des observations microscopiques de Bakker. La feuille de rose, par exemple, en particulier de certaines roses, est toute diaprée d’argent sur sa surface externe. Celle de sauge offre une étoffe raboteuse, mais entierement formée de touffes & de nœuds aussi brillans que le crystal. La surface supérieure de la mercurielle est un vrai parquetage argentin, & ses côtes un tissu de perles rondes & transparentes, attachées en maniere de grappes, par des queues très-fines & très-déliées. Les feuilles de rue sont criblées de trous semblables à ceux d’un rayon de miel ; d’autres feuilles présentent comme autant d’étoffes ou de velours raz de diverses couleurs. Mais que dirai-je de la quantité presque innombrable de pores de certaines feuilles ? Leuwenkoek en a compté plus de 162 mille sur un seul côté d’une feuille de buis. Quant aux singularités de la feuille d’ortie piquante dont nous devons la connoissance au microscope, voyez Ortie.

L’industrie des hommes est parvenue à disséquer les feuilles supérieurement. L’on fait aujourd’hui par art des squelettes de feuilles beaucoup plus parfaits que ceux que nous fournissent les insectes, si vantés dans ce travail par quelques naturalistes. Severinus est un des premiers qui ait montré l’exemple, quoique seulement sur un petit nombre de feuilles. Mais de nos jours Musschenbroek, Kundman, & autres, ont poussé le succès jusqu’à faire des squelettes de toutes sortes de feuilles. Voyez aussi les observations & expériences de Thummingius sur l’anatomie des feuilles dans le journal de Leipsick, ann. 1722. page 24.

Enfin Boyle, car il faut finir, a indiqué un moyen de prendre l’empreinte grossiere de la figure des feuilles de toutes sortes de plantes. Noircissez une feuille quelconque à la fumée de quelque résine, du camphre, d’une chandelle, &c. Ensuite après avoir noirci cette feuille suffisamment, mettez-la en presse entre deux papiers brouillards, par exemple deux papiers de la Chine, & vous aurez l’exacte étendue, figure, & ramifications des fibres de votre feuille. Voyez Boyle’s Works Abridg’d, vol. I. page 132. Cette méthode néanmoins ne peut guere être d’usage qu’à ceux qui ne savent pas dessiner, & l’empreinte s’efface très-aisément en tout ou en partie.

Au reste, on s’appercevra par les détails qu’on vient de lire, qu’un sujet de Physique, quelque stérile qu’il paroisse, devient fécond en découvertes à mesure qu’on l’approfondit ; mais ce n’est pas à moi qu’appartient cet honneur ; il est dû sur cette matiere aux Grew, aux Malpighi, aux Hales, aux Bonnet, & à ceux qui les imiteront. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuilles, (Econom. rustique.) On tire dans l’économie rustique d’assez grands avantages des feuilles d’arbres ou d’arbrisseaux ; par exemple, les feuilles d’ormes & de vignes cueillies vertes, se donnent en nourriture aux bêtes à cornes dans les pays où les pâturages manquent. Les feuilles de mûrier servent à nourrir les vers à soie, mais il faut prendre garde de ne pas trop effeuiller cet arbre ; car si l’on

dépouilloit sa tige par le bas, on risqueroit de le faire périr. Les feuilles tombées & rassemblées en monceaux, fournissent un excellent fumier pour fertiliser les terres. Enfin on pourra dans la suite tourner les feuilles d’arbres, du moins celles de certains arbres étrangers, à plusieurs usages qui nous sont encore inconnus, & dont on devra la découverte au tems, au hasard, à la nécessité, ou si l’on veut à l’industrie. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuille ambulante, (Hist. des Insectes.) nom d’un insecte aîlé des Indes, sur lequel par malheur les observations fideles nous manquent encore. Les aîles de cet insecte ressemblent assez bien par leur forme, leurs nervûres, & leur couleur, à des feuilles d’arbres. Quelques-uns ont les aîles d’un verd naissant, d’autres d’un verd foncé, & d’autres les ont feuille morte. Mais on assûre de plus, que leurs aîles sont de la premiere couleur au printems, de la seconde en été, & de la troisieme vers la fin de l’autonne ; qu’ensuite elles tombent, que l’insecte reste sans aîles pendant tout l’hyver, & qu’elles repoussent au printems suivant. Si tous ces faits étoient véritables, cet insecte seroit bien singulier, & peut-être unique en son genre, car on n’en connoît point dont les aîles soient sujettes à de pareilles vicissitudes ; mais il est très-permis de se défier d’un rapport si singulierement marqué, & vraissemblablement imaginé, entre les aîles d’un insecte étranger & les feuilles de la plûpart de nos arbres. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuilles séminales, (Botan.) en latin folia seminalia. On entend par feuilles séminales, deux feuilles simples, douces, non partagées, qui sortent les premieres de la plus grande partie de toutes les graines qu’on a semées.

En effet, quand le germe de la plante a percé l’air de sa pointe, les deux bouts de la fine pellicule qui couvre la pulpe de la graine, étant d’un tissu moins nourri que la tige, s’abaissent peu-à-peu de côté & d’autre, sous la forme de deux petites feuilles vertes, nommées feuilles séminales, ou fausses feuilles, qui sont différentes en grosseur, figure, surface, & position, de celles de la plante qui leur succéderont. Il faut donc les bien distinguer du feuillage que la plante produira par la suite ; car l’épiderme des deux lobes venant à se sécher, ses deux premieres feuilles qui ne sont que les deux bouts de l’épiderme, se sechent de même par une suite nécessaire, tombent, & disparoissent. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feuille-Indienne, (Mat. med. & Pharmacie.) Voyez Malabatre.

Feuille de Myrte, instrument de Chirurgie, espece de spatule, dont l’extrémité terminée en pointe, le fait ressembler à la feuille de l’arbrisseau dont il porte le nom. L’usage de cet instrument est de nettoyer les bords des plaies & des ulceres, & d’en ôter les ordures que le pus, les onguens, les emplâtres ou autres topiques peuvent y laisser. Cet instrument est ordinairement double ; parce qu’on fait de l’extrémité qui sert de manche, une pince propre à disséquer & à panser les plaies & les ulceres ; ou une petite cuillere pour tirer les balles & autres petits corps étrangers ; ou elle est creusée en gouttiere, & forme une sonde cannelée. Comme la feuille de myrte dont le manche est terminé par une pincette, est la plus difficile à construire & la plus recherchée, c’est celle dont je vais faire la description d’après M. de Garengeot, dans son traité des instrumens de Chirurgie.

Pour fabriquer cet instrument, les ouvriers prennent deux morceaux de fer plat, longs d’environ six pouces, & larges d’un travers de doigt ; ils les façonnent un peu, & les ayant ajustés l’un sur l’autre,