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des arts les plus propres à se détruire, & à joncher la face de la terre de morts & de mourans. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feu, (Théolog.) terme usité en Théologie pour exprimer la punition éternelle reservée aux méchans. Voyez ce qu’on doit penser de la réalité de ce feu, au mot Enfer. On croit communément qu’à la fin des siecles & avant le jugement dernier, ce monde visible sera détruit & consumé par le feu.

Dieu s’est manifesté lui-même plusieurs fois sous l’apparence du feu. C’est ainsi qu’il apparut à Moyse dans le desert, dans un buisson ardent ; sur le mont Sinaï, au milieu des feux & des éclairs : le camp des Israëlites étoit conduit pendant la nuit par une colonne de feu ; & le S. Esprit descendit sur les apôtres le jour de la Pentecôte, sous la forme de langues de feu. Aussi est-il appellé dans les Ecritures & dans les peres, feu, ignis, pour marquer l’ardeur de l’amour divin. C’est dans le même sens que la charité est appellée un feu sacré, un feu divin, & qu’on la représente sous le symbole d’un cœur enflammé.

Les Persans adoroient leur dieu sous l’image & la représentation d’un feu, parce qu’ils croyoient que cet élément est le premier mobile de la nature. Eux, les Hébreux & les Romains conservoient religieusement le feu sacré. Voyez Feu sacré.

Vulcain étoit honoré chez les anciens, & particulierement chez les Egygtiens, comme l’inventeur du feu. Boerhaave prétend qu’il est fort probable que le Vulcain des Payens étoit le Tubal-caïn des Hébreux, qui semble avoir connu le premier l’usage du feu pour la fonte des métaux & pour d’autres préparations chimiques. Voyez Chimie. (G)

Feu, (Mythol. Littér.) Ce fut Prométhée, suivant la fable, qui déroba le feu du ciel, & qui en fit un présent aux hommes ; ce n’est pas à dire cependant, qu’il leur en ait fait connoître le premier l’usage & les effets : cette connoissance est sans doute presque aussi ancienne que le monde, soit que la foudre ait porté le feu sur terre, soit qu’on ait fait du feu par hasard en frappant des cailloux, ou de toute autre maniere qui en peut produire artificiellement ; mais Prométhée qui étoit un prince éclairé, découvrit aux habitans de la Scythie, gens barbares & grossiers, la maniere d’appliquer le feu à leurs besoins, & à plusieurs opérations des arts manuels. Voilà ce que designe le feu qu’il emprunta du ciel.

Ainsi Vulcain, premier roi d’Egypte, ayant établi des forges dans l’île de Lemnos, & appris aux insulaires l’art de rendre les métaux fusibles ou malléables, par le moyen du feu, il arriva que tous ceux qui profiterent dans la suite de ses inventions, nommerent Vulcain le dieu du feu, & offrirent à ce dieu des sacrifices, en reconnoissance de ses bienfaits.

Ce dieu eut plusieurs temples à Rome, & un entr’autres dans lequel le peuple traitoit souvent les affaires les plus graves de la république, parce que les Romains ne croyoient pas pouvoir rien invoquer de plus sacré, pour assûrer les décisions qui s’y prenoient, que le feu vengeur dont ce dieu étoit le symbole ; & dans les sacrifices qu’on lui offroit, on consumoit par le feu toute la victime ; c’étoient de véritables holocaustes.

Mais pourquoi les Romains présentoient-ils aux nouvelles mariées du feu & de l’eau, lorsqu’elles entroient dans la maison de leurs époux ? Denis d’Halycarnasse nous apprend (liv. II.) que Romulus institua cette cérémonie, lorsqu’il unit les Sabines à leurs ravisseurs ; & ce qu’il y a de plus singulier, c’est qu’elle se perpétua d’âge en âge : les Poëtes nous en fournissent la preuve.

Stace feint agréablement dans son épithalame de Stella & de Violentilla, que les Muses descendent

du Parnasse, pour venir présenter le feu & l’eau aux nouveaux mariés.

Procul ecce canoro
Demigrant Helicone Deæ, quatiuntque novena
Lampade, solemnem thalamis cœuntibus ignem,
Et de pieriis vocalem fontibus undam.

Valerius Flaccus a orné de la même image son poëme des Argonautes.

Inde ubi sacrificas cum conjuge venit ad aras
Æsonides, unâque adeunt, pariterque precari
Incipiunt, ignem Pollux undamque jugalem
Prætulit.

Plutarque épuise en vain son esprit à chercher des raisons allégoriques du fondement de cet usage, qui de son tems étoit encore à la mode. De pareilles coûtumes n’ont guere d’autres sources que la superstition des peuples qui les imaginent, ou qui les empruntent de leurs voisins. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feu S. Antoine, (Medecine.) On a donné le nom de feu S. Antoine à deux maladies bien différentes, & qui n’ont que quelques signes semblables, en quoi l’on a fait comme le petit peuple du royaume, qui dans la derniere guerre appelloit pandours tous les corps de cavalerie des ennemis.

Nos anciens historiens parlent brievement & très-obscurément de l’une de ces deux maladies, & nos journaux des savans ont caractérisé l’autre fort au long & fort nettement.

La premiere maladie, connue sous le nom de feu S. Antoine, fit de grands ravages en France dans le xj. & xij. siecle. Elle causoit, dit l’histoire, la perte des membres du corps, auxquels elle s’attachoit ; elle les dessechoit, les rendoit livides, noirs & gangrenés, ce mal épidémique & contagieux attaquoit les parties externes & internes, & s’étendoit sur tout le monde : c’étoit une vraie maladie pestilentielle.

On mettoit les malades dans des lieux écartés ; & pour empêcher qu’on eût avec eux quelque communication, on peignoit du feu sur les murailles des endroits où on les avoit renfermés. On trouvera dans la satyre Ménippée & dans Rabelais (deux livres uniques en leur genre), des preuves de cet usage.

Les gens au fait de l’institution des ordres monastiques, savent que ce fut pour ceux qui étoient atteints de cette espece de peste, qu’Urbain II. ce pape si connu dans l’Histoire par les guerres des croisades (voyez l’article Croisade), fonda deux ans auparavant, l’an 1093, l’ordre religieux de S. Antoine de Viennois ; & l’on dit qu’on montre encore aujourd’hui des membres desséchés de personnes mortes de la maladie en question, dans l’hôpital de S. Antoine en Dauphiné, qui est l’abbaye chef-d’ordre de la congrégation des religieux dont nous venons d’indiquer l’origine.

La seconde maladie qui porte le nom de feu S. Antoine, est d’un tout autre genre. Elle ne paroît que dans quelques pays & dans certaines années : elle n’est point contagieuse, & ne regne guere que parmi le petit peuple : elle provient d’une cause connue, de la nourriture de pain fait d’une espece de seigle, qui a dégénéré par des causes particulieres. Voyez Ergot.

Pour ce qui regarde quelques maladies érésipélateuses, auxquelles le vulgaire a donné le nom de feu S. Antoine, voyez ces maladies sous leur véritable dénomination. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Feu persique, (Medecine.) espece particuliere d’érésipele, à laquelle les anciens ont fait quelque attention. Pline l’appelle soster ; il paroît qu’elle étoit alors moins rare qu’aujourd’hui ; mais comme elle