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globe de cuivre de 60 livres pour que la poudre soit recevable ; & leur produit moyen a été, savoir

A trois onces.
Toises. Piés.
Poudre ordinaire de guerre prise dans le magasin. 76 2
N°. 20. fait dans la même proportion de matieres que la poudre ci-dessus. 74 4
N°. 13 78 4
N°. 5 79 1
A deux onces.
N°. 5 35 2
N°. 20 39 1
N°. 13 41 3

Il résulte de ces épreuves, que la poudre n°. 13 (qui est celle que les essais mentionnés en la table ci-dessus ont indiqué pour être la meilleure proportion des matieres) est plus forte que celle n°. 20. dont on fait usage en France.

Et que la poudre sans soufre n°. 5. augmente de force à proportion qu’on en augmente la quantité par comparaison à une pareille quantité d’autre poudre, puisqu’à trois onces elle a surpassé les poudres de comparaison auxquelles à deux onces & au-dessous elle étoit inférieure.

A juger de ces poudres par les épreuves ci-dessus, il paroît que celle n°. 13. qui a conservé dans les épreuves en petit comme en grand la supériorité sur le n°. 20. sera très propre pour le fusil, & que celle n°. 5. qui gagne dans les épreuves en grand, conviendra mieux pour l’artillerie que la poudre ordinaire, puisqu’avec une plus grande force elle donne moins de fumée, & qu’elle ne causera point, ou très-peu d’altération à la lumiere des canons.

Comme il y a aussi un maximum à atteindre pour le tems que la poudre doit être battue relativement à la pesanteur de matieres que contient le mortier, & à la pesanteur du pilon au-dessus & au-dessous duquel la poudre est moins forte, il est très-nécessaire de le connoître, & de porter ses attentions sur beaucoup d’autres objets qui, quelque petits qu’ils paroissent, ne laissent pas de contribuer à la bonté & perfection de la poudre.

Art. VI. Du fer. La limaille de fer, & encore mieux celle d’acier, parce qu’elle contient plus de soufre, donne un feu très-brillant dans l’artifice. On en trouve communément de toute faite chez les ouvriers qui travaillent le fer. Il ne faut prendre que la plus nouvelle, celle qui seroit rouillée ne donneroit que peu ou point de brillant. L’artifice dans lequel il en entre ne peut guere se conserver que six jours ; le salpetre qui la ronge & la détruit, lui fait perdre chaque jour de son brillant.

On est redevable au pere d’Incarville, jésuite de Pekin, d’une préparation de fer dont les Chinois se servent pour former leur feu brillant, & pour représenter des fleurs.

Cette préparation, dont jusqu’à présent on avoit fait un secret, consiste à réduire la fonte de fer en assez petites parties, pour que le feu de la composition dans laquelle on fait entrer cette matiere puisse la mettre en fusion. Chaque partie, en se fondant, quoiqu’elle ne soit guere plus grosse qu’une graine de pavot, donne une fleur large de douze à quinze lignes, d’un feu très-brillant, & la forme des fleurs est variée, suivant la qualité de la fonte, & suivant la figure & la grosseur des grains, qui, s’ils sont ronds, plats, oblongs, triangulaires, &c. donnent des fleurs d’autant d’especes différentes.

Cette matiere, que le pere d’Incarville nomme sable de fer, se fait avec des vieilles marmites ou tels autres ouvrages de fonte, assez mince pour pouvoir être cassés & réduits en sable sur une enclume ; &

comme malgré leur peu d’épaisseur, on auroit encore beaucoup de peine à les écraser, on facilite cette opération, en faisant rougir la fonte à un feu de forge, & en la trempant toute rouge dans un bacquet d’eau fraîche ; cette trempe la rend plus cassante. Elle se casse mieux aussi lorsque l’enclume & le marteau sont de fonte : on étend des draps autour de l’enclume pour que le sable ne se perde point, & l’on a soin qu’il ne s’y mêle aucune ordure. Quand on a une certaine quantité de sable, on le passe d’abord par un tamis très-fin pour en ôter une poussiere inutile, on le passe ensuite par des tamis de différentes grosseurs pour en faire six ordres differens, depuis le plus fin jusqu’à la grosseur d’une graine de rave. On met à part chaque espece, & on les conserve dans un endroit bien sec, pour les garantir de la rouille. Si la trempe donne de la facilité à réduire la fonte en sable, ce n’est pas sans y causer quelque altération, & l’on remarque une différence sensible entre les fleurs que donne celle ci avec celle de la fonte neuve non trempée, qui sont beaucoup plus grosses & plus brillantes ; elle se conserve aussi plus long-tems sans être altérée par la rouille, la difficulté est de la casser ; cependant lorsqu’elle est fort mince l’on en vient à bout, & même on pourroit s’en épargner la peine, en la faisant écraser sous un marteau de forge.

La petite grenaille de fer, dont on se sert pour tirer avec le fusil, se casse aisément sans être trempée, & donne un très-beau feu ; il s’en trouve même d’assez petite pour être employée en grain.

Comme cette matiere n’a d’effet qu’autant qu’elle se met en fusion, & qu’il faut un plus grand feu pour fondre le gros sable que pour le fin, on observera d’y proportionner la grosseur des cartouches & même la dose des matieres, qui forment le feu, dont il faut ralentir l’effet, en augmentant la dose du soufre, à proportion que l’on l’employe de plus gros sable, pour que le feu agisse plus long-tems dessus. On trouvera ces proportions dans les recettes des différentes compositions de feu chinois, qu’on trouvera ailleurs.

On peut connoître l’effet du sable fin sans aucune préparation d’artifice. Il ne s’agit que d’en jetter une pincée sur la flamme d’une chandelle ; il se fond en la traversant & donne des fleurs. On essaye la limaille de la même maniere ; comme elle contient moins de soufre que la fonte, elle ne donne que des étincelles semblables à celles que rend l’acier, lorsqu’on le frappe avec un caillou.

L’artifice dans lequel il entre du sable de fer, ne se conserve que depuis huit jours pour le petit, jusqu’à quinze jours pour le plus gros, à cause du salpetre qui le ronge & le détruit. Il seroit à souhaiter que l’on trouvât quelque moyen pour le préserver de son action.

Art. VII. Du carton. Le carton propre à l’artifice, se nomme carte de moulage. Il est fait de plusieurs feuilles de bon papier gris pour le milieu, & blanc pour l’extérieur, collées ensemble avec de la colle de farine ; il doit être assez mince pour que l’on puisse le rouler commodément pour en former le cartouche. Il suffit d’en avoir de trois épaisseurs, savoir de trois feuilles pour les petites fusées, jusque & compris celles de dix-huit lignes de diametre ; de cinq feuilles pour celle d’au-dessus, & de huit feuilles pour les pots à aigrettes. On se sert de grandes brosses de poil de porc pour faire ce collage ; quand on a deux cents cartons de collés, on les met en presse entre deux planches bien unies, & au défaut de presse on charge les planches avec quelque chose de pesant. Après que les cartons ont été six heures en presse, on les met sécher, en les suspendant à des cordes avec des crochets de fil de laiton.