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Son insuffisance enfin est réelle, & son inutilité manifeste, dès que l’action du feu n’a pas lieu immédiatement sur la partie malade. Elle ne produit & ne peut donc rien produire d’avantageux, par exemple, dans les luxations, dans les entorses, dans toutes les extensions forcées des tendons, des muscles, des ligamens, & des fibres nerveuses, dans les courbes, dans les éparvins, dans les suros, dans les fusées, dans les osselets, &c. dans de semblables occasions en effet, nous ne portons jamais le cautere sur le siége du mal. J’ajoûterai que dans la plûpart d’entr’elles nous ne pourrions outre-percer le cuir & parvenir à ce siége, sans un péril certain & éminent, & sans rendre l’animal la victime d’une opération non moins préjudiciable & non moins superflue dans une multitude d’autres cas que je ne spécifierai point, la doctrine que j’ai établie & les vérités que je consacre ici, suffisant sans doute à la révélation de toutes les erreurs de la Chirurgie vétérinaire à cet égard.

Parmi les matieres propres à l’œuvre de la cautérisation, les métaux nous ont parû mériter la préférence. Nos instrumens sont ou de fer, ou de cuivre, ou d’argent. Les escarres qui résultent de l’application des cauteres formés de ce dernier métal, sont moins considérables : mais la dépense que ces cauteres occasionneroient, oblige nos maréchaux à employer plus généralement le cuivre & le fer. Nous donnons à ces métaux des formes diverses. Il est des cauteres plats ; il en est à nœud ou à bouton ; il en est de cutellaires ; il en est dont l’extrémité se termine en S, &c. Ceux dont on fait fréquemment usage, sont les cutellaires, les essiformes, & les cauteres à boutons.

Le cautere cutellaire est un demi-croissant, dont le contour intérieur tient lieu de côte au tranchant non affilé, formé par le contour extérieur. Cette portion de métal est toûjours emmanchée par sa partie la plus large & près de la côte, d’une tige, ou postiche, ou de même métal, à laquelle on donne plus ou moins de longueur. Ce manche est dans le même plan que la lame, & dans la même direction que le commencement de la courbure au départ du manche.

Le cautere essiforme est fait d’une lame de métal contournée & enroulée de telle sorte, qu’en la présentant de champ sur une surface, elle y imprime le caractere S. Cette lame enroulée a environ une demi-ligne d’épaisseur, & l’S qu’elle trace est d’environ huit ou neuf lignes. Elle est ordinairement tirée d’une longue tige qui lui sert de manche, & dans le cas où elle seroit d’un autre métal, on lui en adapteroit une d’environ un pié de longueur.

Le cautere à bouton n’est proprement qu’une tige de fer terminée en une pointe courte, à quatre pans à-peu-près égaux : quelquefois ce bouton est de figure conoïde, & tel que celui que les Chirurgiens appellent bouton à olive.

Il est encore des cauteres destinés à passer des sétons. Voyez Séton.

Les Maréchaux se servent du couteau pour donner le feu en croix, en étoile, en maniere de raies plus ou moins étendues, différemment disposées, & qui représentent tantôt une patte d’oie, tantôt des feuilles de fougere ou de palme, tantôt la barbe d’une plume. Quelquefois ils l’appliquent en forme de roue, ils impriment alors très-légerement des especes de raies dans l’intérieur du cercle qu’ils ont marqué. Il en est qui au lieu de ces raies, y dessinent avec un cautere terminé en pointe, un pot de fleur : les armoiries du maître auquel appartiennent l’animal, une couronne, un oiseau, une rose ou autres fleurs quelconques, &c. soins inutiles, qui ne suffisent que trop souvent pour élever un aspirant au grade de maître, & qui, relativement à l’art, seront toûjours envisagés par ceux qui en connoîtront les vrais prin-

cipes, comme le chef-d’œuvre de l’ignorance.

Les cauteres à bouton sont employés dans les cas où le maréchal veut donner quelques grains d’orge, ou semences de feu, c’est-à-dire, quand il se propose d’en introduire, par exemple, quelques pointes sur des lignes déjà tracées avec le cautere cutellaire. Ces boutons lui sont encore d’un grand secours, lorsqu’il s’agit d’ouvrir un abcès, de percer une tumeur, mais il est blâmable de ne pas considérer avec assez d’attention les circonstances dans lesquelles l’instrument tranchant seroit préférable. Voyez Tumeur.

Quant aux cauteres essiformes, ils sont véritablement efficaces, eu égard aux seymes, en les appliquant transversalement, & de façon que l’S placée à l’origine de la solution de continuité, y réponde par son milieu ; ses deux extrémités s’étendent également sur chaque portion de l’ongle disjoint & séparé. Voyez Seyme.

Je ne peux me refuser ici à l’obligation de ne pas omettre quelques maximes qui ont rapport au manuel de la cautérisation.

La nécessité de s’assûrer parfaitement du cheval sur lequel on doit opérer, ne peut être révoquée en doute. Les uns le renversent & le couchent à terre, les autres l’assujettissent dans le travail ; il en est qui se contentent de se mettre, par le moyen des entraves & des longes, à l’abri des atteintes qu’ils pourroient en recevoir. Toutes ces précautions différentes dépendent du plus ou du moins de sensibilité & de docilité de l’animal, du tems que demande l’opération, & des douleurs plus ou moins vives qu’elle peut susciter. C’est aussi par la grandeur, la figure, la nature & le siége du mal, que nous devons nous regler & nous décider sur le choix des cauteres, qui d’ailleurs ne doivent point être chauffés au feu de la forge, mais à un feu de charbon de bois, toûjours moins acre que celui des charbons fossiles. S’il s’agit de cautériser à l’effet de procurer une exfoliation, il faut garantir avec soin les parties qui avoisinent lorsque nous nous disposons à brûler : nous méditons, par exemple, de porter un bouton de feu sur l’os angulaire, voyez Fistule lacrymale ; alors par le moyen de l’entonnoir ou de la cannule, instrumens accessoires au cautere, nous remplissons cette intention. Dans d’autres cas où ces instrumens ne sauroient être d’usage, nous garnissons les chairs de compresses ou plumaceaux imbibés de quelque liqueur froide, & nous les préservons ainsi de l’impression de la chaleur & du feu. Il doit être en un degré plus ou moins considérable dans le cautere, & le cautere doit être plus ou moins fortement & long-tems appliqué, selon l’effet que nous en attendons, selon la profondeur de la carie, selon que l’os est spongieux ou compact, selon enfin que l’animal est plus ou moins avancé en âge ; on peut dire néanmoins en général, que relativement à la cautérisation des parties dures, l’instrument brûlant doit être plus chaud que relativement à la cautérisation des parties molles. Est-il question, où égard à celles-ci, de remédier à une enflûre accidentelle œdémateuse, ou à un engorgement des jambes de la nature de celui qui tend au skirrhe ? le maréchal doit s’armer de cautere cutellaire chauffé, & tracer de haut en-bas sur les faces latérales de la partie engorgée, une ligne verticale directement posée sur l’intervalle qui sépare l’os & le tendon, & des lignes obliques qui partent de la premiere qui a été imprimée, & qui se répondent par leurs extrémités supérieures. Ici le cautere ne doit point outre-percer le cuir, la main qui opere doit être extrèmement legere ; il suffit d’abord d’indiquer seulement par une premiere application la direction de ces lignes ou de ces raies ; on y introduit ensuite d’autres couteaux de la même forme & de la même épaisseur, disposés exprès dans le feu &