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coup, & que les desseins ne perdirent rien à sa rapidité. Le Roi qui parut fort satisfait, vit tirer ce feu à la croisée du milieu de la grande salle ; les deux croisées à côté étoient distinguées & renfermées dans une estrade de la hauteur d’une marche, entourée d’une balustrade dorée : elle étoit couverte, ainsi que toute l’étendue de la salle, d’un tapis. Il y avoit un dais au-dessus de ladite croisée du milieu, sans queue ni aigrette ; & au-dehors de cette croisée sur la place, étoit un autre dais très-riche avec aigrette & queue.

La Reine y étoit aussi. Il y avoit deux fauteuils pour leurs Majestés ; & la famille royale & toute la cour, étoient sur cette estrade sur des banquettes.

Après le feu, leurs Majestés passerent dans la salle des gouverneurs, qui avoit été décorée en salle de concert. On y exécuta une ode sur le retour de sa Majesté. Les vers étoient de M. Roy ; MM. Rebel & Francœur en avoient fait la musique.

Pendant le concert, on avoit ôté l’estrade de la grande salle & les tapis, pour dresser la table.

Le Roi, après le concert, rentra dans son appartement ; la Reine & la famille royale l’y suivirent, & M. le prevôt des marchands eut l’honneur de dire au Roi que sa Majesté étoit servie : alors le Roi, la Reine & toute la famille royale, allerent se mettre à table.

La table contenoit quarante-deux couverts. Le Roi & la Reine se mirent à table au bout du côté de l’appartement du Roi, dans deux fauteuils ; & sur le retour à droite, étoit sur un pliant monseigneur le Dauphin ; à gauche sur le retour, madame la Dauphine ; à droite, après monseigneur le Dauphin, étoit madame premiere ; à gauche, après madame la Dauphine, étoit madame seconde ; à droite, après madame premiere, étoit madame la duchesse de Modene, & tout de suite après elle étoit mademoiselle de la Roche-sur-Yon ; & de l’autre côté, après madame seconde, étoit madame la princesse de Conti, & ensuite toutes les dames de la cour.

Le Roi & la Reine & la famille royale furent servis en vaisselle d’or, & les princesses en vaisselle de vermeil. M. le prevôt des marchands eut l’honneur de servir le Roi.

La salle étoit remplie de personnes de la premiere considération qui étoient entrées par des billets, des officiers des gardes-du-corps, du premier gentilhomme de la chambre de M. le duc de Gesvres.

La décoration de la grand salle étoit telle.

Etant d’usage d’appuyer les planchers lorsque le Roi honore de sa présence l’hôtel-de-ville, il avoit été mis quatorze forts poteaux sous la portée des poutres, au-devant des trumeaux des croisées sur la place, & à l’opposé, & deux autres près des angles. Ces seize poteaux étoient recouverts & ornés de thermes ou cariathides, sur des piés-d’estaux ; ils représentoient les dieux & déesses de la Victoire, avec leurs attributs. Le corps des figures étoit en blanc, pour imiter le marbre, & les gaînes étoient en marbre de couleur rehaussé d’or, ainsi que les piés-d’estaux. Le plafond étoit tendu d’une toile blanche au-dessous des poutres, encadrée d’une bordure dorée, faisant ressaut au-dessus des cariathides. Les embrasemens des croisées sur la place étoient ornés de chambranles dorés, & les traverses ceintrées embellies de guirlandes sur les montans & au-dessous des traverses.

La face opposée aux croisées étoit répétée de symmétrie, & figuroit des croisées feintes. Les portes ouvrantes & feintes étoient pareillement ornées de chambranles. Les fonds & les embrasemens étoient garnis de taffetas cramoisi, enrichi de galons d’or, & ils formoient des panneaux & des compartimens dessinés avec goût. Les deux cheminées avoient été repeintes, les ornemens redorés, ainsi que les draperies des figures.

Cette salle, à laquelle la décoration donnoit la forme d’une galerie, étoit ornée & éclairée par quatorze beaux lustres qui pendoient du plafond, disposés à quatre rangs, d’une position variée, pour l’alignement & la hauteur. Les retours de chacun des seize pié-d’estaux étoient ornés de deux girandoles à cinq branches, formant des bouquets de lis. Au-devant de chacune des gaînes des cariathides étoit une guirlande à sept branches, composée de branches de fleurs. Au-devant de la cheminée, du côté de la chambre du Roi, étoit dressé un riche dais avec une queue, sur laquelle étoit le portrait du Roi. Le buste de marbre du Roi étoit au-dessous, sur une console dorée, posée sur le chambranle de la cheminée. La cheminée opposée du côté de la chambre de la Reine, avoit été de même répeinte & redorée ; & pour l’éclairer, il avoit été sait deux consoles dorées, qui paroissoient être tenues par les deux figures couchées sur le chambranle pour porter deux girandoles de crystal.

L’orchestre où s’exécutoit le concert pendant le souper, étoit à un des côtés de cette cheminée ; il étoit composé de cinquante instrumens, & recouvert de taffetas cramoisi galonné d’or.

Le buffet de la ville étoit dressé dès le matin dans la partie de cette salle, auprès de la cheminée du côté de la chambre du Roi.

Au bas, pour le souper, il y avoit un petit buffet particulier pour le Roi & la Reine, & la famille royale.

Après le souper, qui dura deux heures, le Roi passa avec la Reine & la famille royale dans son appartement. Ils virent par les fenêtres l’illumination de la place.

Illumination de la Place.

Le pourtour de la place étoit décoré par quinze pié-d’estaux quarrés, qui portoient des drapeaux entrelacés de lauriers, & entouroient le pié d’un grouppe de lumieres ; treize autres piés triangulaires portoient des pyramides ou ifs de lumieres, & chacune de ces vingt-huit pieces portoit quatre-vingt & cent grosses bougies, ce qui faisoit environ trois mille lumieres. Le contour du feu d’artifice étoit illuminé, ensorte que cela faisoit tableau pour les quatre faces.

Après avoir examiné l’illumination de la place, leurs Majestés & la famille royale quitterent les appartemens, & descendirent dans la cour.

L’enceinte de la cour étoit ornée d’une chaîne de guirlandes de fleurs, qui formoient des festons d’une colonne à l’autre, avec de belles chûtes au-devant des colonnes, & sur les lustres des croisées du second ordre. Au-dessus de ces lustres étoient des couronnes de feuilles de laurier. Au-devant du bas de chaque colonne du second ordre, étoit une girandole formant des branches de roseau. Au-devant des piés-droits des croisées ceintrées, étoient d’autres girandoles qui figuroient des bouquets de roses. Au rez-de-chaussée les arcades étoient ornées de lustres couronnées d’un trefle de fleurs, avec des cordons soie & or, chûtes ; d’où les lustres pendoient. Au-devant du bas de chaque colonne étoit une girandole dorée à fleurs-de-lis. Les embrasemens étoient garnis de filets de terrines. Aux côtés de la statue de Louis XIV. étoient deux grands lis de fer-blanc, garnis de forts lampions. La grande couronne royale transparente étoit placée sur l’entablement supérieur, au-dessus de la croisée du milieu de la nouvelle salle des gardes : au-dessous de cette couronne étoient des pentes de rideaux de taffetas bleu, avec galons & franges d’or, retroussés en forme de pavillon, sous lequel étoit le chiffre du Roi en fleurs : au-dessous & sur l’entablement du premier ordre, étoient les armes de France & de Navarre, soûtenues par des gé-