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gouverneur, & conduit par M. Desgranges maître des cérémonies.

M. le prevôt des marchands complimenta sa Majesté, laquelle répondit avec sa bonté naturelle ; & sa Majesté s’étant mise en marche pour monter l’escalier, les prevôt des marchands & échevins passerent avant sa Majesté, laquelle trouva sur le haut de l’escalier les gardes-du-corps en haie & sous les armes.

Elle fut conduite dans la grande salle en passant par la salle des gardes, & de-là dans son appartement, dont la porte étoit gardée par les huissiers de la chambre, & qui avoient sous leurs ordres des garçons, que la ville avoit fait habiller de drap bleu galonné en argent, pour servir de garçons de la chambre, tant chez le Roi que dans l’appartement de monseigneur le Dauphin.

Monseigneur le Dauphin qui étoit arrivé avec le Roi, de même que les princes & autres seigneurs, le suivirent dans son appartement.

Les prevôt des marchands & échevins s’étoient tenus dans la grande salle ; le Roi ordonna de les faire entrer, & M. le gouverneur les présenta à sa Majesté tous ensemble, & chacun en particulier.

Quelque tems après M. le prevôt des marchands eut l’honneur de présenter un livre relié en maroquin bleu sur vélin & en lettres d’or, à sa Majesté, à monseigneur le Dauphin, & aux princes. Il contenoit une ode faite pour la circonstance, & qui fut exécutée en musique pendant le festin de sa Majesté.

Sur les trois heures M. le prevôt des marchands, qui étoit sorti un instant de l’appartement du Roi, y rentra, & eut l’honneur de dire à sa Majesté qu’elle étoit servie. Le Roi sortit de son appartement, passa dans la grande salle, & se mit à table.

Pendant le festin, l’ode qui avoit été présentée au Roi fut exécutée ; & il y eut d’autres morceaux de musique exécutés par la symphonie. Pendant le festin, M. le prevôt des marchands eut l’honneur de servir le Roi.

Outre la table de sa Majesté, il y avoit plusieurs tables pour les seigneurs & les personnes de considération, qui n’avoient pas été nommées pour la table du Roi. Il y avoit aussi des tables pour les personnes de la suite du Roi, pour les gardes-du-corps, les pages, &c.

Après le festin, le Roi & monseigneur le Dauphin passerent dans leur appartement. Le Roi regarda par ses croisées l’illumination de la place.

Toutes les parties principales de l’architecture de l’arc de triomphe étoient dessinées & représentées en illumination & en relief, suivant leurs saillies & contours ; ce qui composoit environ quatorze mille lumieres, tant en falots qu’en lampes à plaque.

Les entablemens de la colonade autour de la place, étoient garnis de falots ; les fûts des colonnes étoient couverts de tringles, portant un grand nombre de lampes à plaque ; les couronnemens des pié-d’estaux étoient pareillement garnis de falots.

Le corps de la fontaine qui étoit dans le milieu de la place ordinaire des canons, étoit décoré d’un grand nombre de lumieres en falots ou lampes à plaque, qui traçoient la principale partie de la décoration & ses saillies.

Tout le pourtour de cette fontaine qui formoit une salle de lumieres, & les poteaux, étoient illuminés par des lustres de fil-de-fer, avec lampes de Surene ; & les doubles guirlandes de lampes qui joignoient chaque poteau ou pié d’arbre, faisoient un effet admirable.

Au-dehors & sur les retours de la barriere de l’hôtel-de-ville, étoient quatre grands ifs de fer en consoles bronsées, portant chacun cent cinquante fortes lampes.

La face extérieure de l’hôtel-de-ville étoit illuminée de cette maniere.

Les deux lanternes du clocher étoient garnies de lampes à plaque, qui figuroient les ceintres des arcades, avec festons de lumieres au-devant des appuis.

Le pourtour du pié-d’estal & du grand socle étoit orné de forts lustres de fil-de-fer, garnis de lampes de Surene, & leurs corniches avec des falots.

Le grand comble du milieu étoit orné à ses extrémités, de deux grandes pyramides circulaires, garnies de lampes de Surene.

Le faîte & les arêtiers étoient bordés de falots. La face principale de ce comble & celle des deux pavillons, étoit garnie en plein de lampes à plaque.

Les entablemens de deux pavillons, l’acrotaire du milieu, & le grand entablement, étoient bordés de falots.

L’illumination de la cour étoit telle qu’elle est décrite ci-devant.

Après avoir considéré quelque tems l’illumination de la place, le Roi sortit de son appartement avec monseigneur le Dauphin, descendit dans la cour ; il regarda quelque tems l’illumination, & monta dans son carrosse.

On croit devoir ajoûter à ces premiers détails, la description du souper du Roi à l’hôtel-de-ville, le 8 Septembre 1745, après les mémorables victoires de la France.

Le cérémonial de tous ces festins est toûjours le même ; mais les préparatifs changent, & forment des tableaux nouveaux qui peuvent ranimer l’industrie des Arts : les articles de ce genre ne peuvent donc être faits dans l’Encyclopédie avec trop de zele & de soin. Puissent-ils y devenir des archives durables de la magnificence & du goût d’une ville illustre, dont le bon ordre & l’opulence attirent dans son sein tous les Arts, & qui par le concours immense des plus excellens artistes de l’Europe, est unanimement regardée comme l’école de l’Univers !

Souper du Roi en banquet royal dans l’hôtel-de-ville,
le 8 Septembre 1745
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Sur les sept heures du soir, leurs Majestés, avec toute la famille royale, entrerent dans la place de l’hôtel-de-ville, précédées des détachemens des deux compagnies des mousquetaires, des chevaux-legers, des gardes-du-corps, & des gendarmes. Les gardes françoises & suisses bordoient la place des deux côtés.

Le carrosse de sa Majesté étant devant la barriere de l’hôtel-de-ville, MM. de la ville s’avancerent de dix pas au-dehors de la barriere de l’hôtel-de-ville. M. le duc de Gesvres les ayant présentés aussi-tôt que sa Majesté fut descendue de carrosse, ils mirent un genou à terre, & M. le prevôt des marchands fit un discours au Roi.

Ces messieurs qui étoient vêtus de leurs robes de velours, prirent aussi-tôt le devant, & conduisirent le Roi, la Reine, monseigneur le Dauphin, madame la Dauphine, & Mesdames, dans la grande salle, & de-là à l’appartement du Roi, où ils eurent l’honneur d’être encore présentés au Roi par M. le duc de Gesvres.

Sur les huit heures & demie du soir, M. le prevôt des marchands demanda l’ordre du Roi pour faire tirer le feu d’artifice. On commença par faire une décharge des boîtes & des canons ; ensuite on tira les fusées volantes, & différentes pieces d’artifice qui parurent d’une forme très-nouvelle. Le feu d’abord forma une brillante illumination, & au haut de l’artifice étoit un Vive le Roi, dont le brillant & la nouveauté frappa d’admiration tous les spectateurs. L’artifice étoit disposé de façon qu’il s’embrasa tout-à-