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fois fête ou solennité, où l’on étoit obligé à la cessation de tout travail ; d’où vient que le dimanche est la premiere férie, car autrefois toute la semaine de pâques étoit fêtée par une ordonnance de l’empereur Constantin : ainsi l’on appella ces sept jours féries. Le dimanche étoit la premiere, le lundi la seconde, &c. & comme cette semaine étoit alors la premiere de l’année ecclésiastique, on s’accoûtuma à appeller les jours des autres semaines, 2, 3, & 4 féries. D’autres disent que les jours de la semaine n’ont point été appellés féries de ce qu’on les fêtoit, ou qu’on les chommoit, c’est-à-dire parce qu’on étoit obligé de s’abstenir d’œuvres serviles, mais pour avertir les fideles qu’ils devoient s’abstenir de pécher. Voyez Durand, de Offic. div. liv. VIII. ch. j.

On a conservé ce mot dans le breviaire romain, mais dans un sens un peu différent de celui que les anciens lui donnoient ; car c’est ainsi qu’on nomme les jours de la semaine qui suivent le dimanche, sans aucune célébration de fête ni d’octave ; le lundi est la seconde férie, le mardi la troisieme, &c.

Ce sont-là les féries ordinaires ; mais il y a encore des féries extraordinaires ou majeures, savoir les trois derniers jours de la semaine sainte, les deux jours d’après pâques, la pentecôte, & la seconde férie des rogations. Voyez le dictionnaire de Trévoux & Chambers. (G)

Féries latines, (Littérat.) dans Horace indictæ latinæ, fête publique & solennelle des peuples du Latium, imaginée politiquement par Tarquin, & que les consuls de Rome qui y présidoient de droit, ne devoient pas manquer de fêter sur le mont d’Albe un jour de chaque année à leur choix. Développons, d’après M. l’abbé Couture (Mém. des Belles Lettres, tom. VIII.), l’art de l’institution de cette fête, & la scrupuleuse exactitude que les Romains porterent à la célébrer religieusement, & quelquefois même extraordinairement.

Tarquin le Superbe, que Denis d’Halicarnasse nous représente comme un adroit politique, après avoir, par la plus insigne de toutes les impostures, opprimé Turnus chef des Latins, projetta d’assujettir insensiblement tous les peuples du voisinage, en les accoûtumant peu-à-peu à reconnoître la supériorité des Romains. Il commença par leur envoyer des ambassadeurs, pour demander leur alliance & leur amitié. Il n’y eut que quelques villes des Volsques qui firent les difficiles ; la proposition fut agréablement reçûe de toutes les autres ; & afin que cette confédération fût durable, il la scella, pour ainsi dire, du sceau de la religion. Il imagina une fête commune à tous ceux qui seroient entrés dans l’alliance. Ils devoient tous les ans se trouver au même lieu, assister aux mêmes sacrifices, & manger ensemble, en témoignage d’une union parfaite. La chose ayant été approuvée, il assigna pour cette assemblée, la haute montagne aujourd’hui Monte-Cavallo, qui étoit au milieu du pays, & qui commandoit la ville d’Albe.

La premiere condition de ce traité fut, que quelque guerre qui pût malheureusement arriver à ces peuples associés, il y auroit une suspension d’armes tant que dureroit la cérémonie de la fête. La deuxieme condition, que chaque ville contribueroit à la dépense, & que les unes fourniroient des agneaux, les autres du lait, du fromage, & semblables especes de libation, indépendamment de la liberté qu’auroit chacun des assistans d’y porter son offrande particuliere ; mais la principale victime devoit être un bœuf dont chaque ville auroit sa part. La troisieme condition, que le dieu en l’honneur duquel on célébroit la fête, seroit principalement Jupiter latiaris, c’est-à-dire Jupiter protecteur du Latium ; & c’est en partie pour cela que les féries furent appellés latines ; on demanderoit à ce dieu la conservation & la pros-

périté de tous les peuples confédérés en général, & celle de chacun en particulier. Toutes ces clauses parurent justes, & il fut pour cet effet dressé une espece de rituel, qui devoit être scrupuleusement observé.

Quarante-sept peuples, dit Denis d’Halicarnasse, se trouverent par leurs députés à la célébration des premieres féries latines, & tout fut égal entre eux, excepté que le président étoit romain, & le fut toûjours depuis.

Les féries latines étoient ordinaires ou extraordinaires ; les féries ordinaires étoient annuelles, sans néanmoins être fixées à certains jours. Le consul romain pouvoit les publier pour tel jour qu’il jugeroit à-propos ; mais en même tems il ne pouvoit y manquer qu’on n’attribuât à sa négligence tous les malheurs qui arrivoient dans son armée : c’est ainsi qu’après la défaite des Romains au lac de Trasimene, l’an de Rome 536, le prodictateur remontra que ce n’étoit point par l’incapacité de Flaminius que la république avoit reçû cette grande plaie, mais seulement par le mépris qu’il avoit eû de la religion, n’ayant fait ni les féries latines sur le mont Albain, ni les vœux accoûtumés sur le capitole : le prodictateur ajoûta qu’il falloit consulter les dieux mêmes par l’inspection des livres sybillins, pour savoir quelles réparations ils exigeoient. En conséquence il fut arrêté qu’on doubleroit la dépense, pour remplir avec plus de solennité ce qui avoit été obmis par Flaminius, savoir des sacrifices, des temples, des lectisternes, & par dessus tout cela un printems sacré, c’est-à-dire qu’on immoleroit tout ce qui naîtroit dans les troupeaux depuis le premier Mars jusqu’au dernier jour d’Avril. Il est aisé de juger par ce seul trait, jusqu’à quel point alloit le scrupule des Romains sur l’omission des féries latines.

Je dis plus, le moindre défaut dans les circonstances étoit capable de troubler la fête. Tite-Live nous apprend que parce qu’on avoit reconnu que pendant le sacrifice d’une des victimes le magistrat de Lanuvium n’avoit point prié Jupiter pour le peuple romain, on en fut si scandalisé, que la chose ayant été mise en délibération dans le sénat, & par le sénat renvoyée au jugement des pontifes ; ceux-ci ordonnerent que les féries seroit recommencées tout de nouveau, & que les Lanuviens seuls en feroient les frais. On sait qu’on immoloit plusieurs victimes dans les féries, & qu’il y avoit aussi plusieurs autels, sur lesquels on immoloit successivement.

Au reste si l’exactitude devoit être infinie pour l’exécution, le scrupule n’alla pas si loin pour le nombre des jours, ou pour mieux dire, on les augmenta par de nouveaux scrupules ; on crut qu’au lieu d’offenser les dieux en redoublant les offrandes qu’on leur faisoit, on se les rendroit par ce moyen encore plus favorables. Les féries latines dans leur institution n’étoient que d’un seul jour, on y en ajoûta un second après l’expulsion de Tarquin, & un troisieme après la réconciliation des plébéiens avec les patriciens : deux évenemens trop intéressans pour ne pas mériter les actions de graces les plus solennelles.

Enfin long-tems après, on les prolongea jusqu’à quatre jours ; mais à parler juste, ce quatrieme jour n’étoit qu’une addition étrangere, puisque la cérémonie de ce jour ne se faisoit point dans le lieu marqué par la loi, & que c’étoit au capitole, & non sur le mont Albain, où le principal de cette fête du quatrieme jour, consistoit en courses de quadriges, à la fin desquelles le vainqueur recevoit un prix assez singulier ; on lui donnoit du jus d’absynthe à boire, les anciens étant persuadés, dit Pline, que la santé est une des plus honorables récompenses du mérite.

Les féries latines extraordinaires impératives,