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ment, liv. VII. de sa géographis ; les Juifs qui ne croyent pas leurs cérémonies superstitieuses, accusent les femmes de magie, & disent que plus il y a de femmes, plus il y a de sorcieres.

Peut-être n’a-t-on attribué aux femmes, des arts d’une vertu occulte, tels que la superstition & la magie, que parce qu’on leur a reconnu plus de ressources dans l’esprit qu’on ne vouloit leur en accorder ; c’est ce qui a fait dire à Tite-Live, que la femme est un animal impuissant & indomptable. Le principe de la foiblesse & de l’infériorité des femmes, leur seroit avantageux, si tout le monde en concluoit avec Aristote, que c’est un plus grand crime de tuer une femme qu’un homme. Voyez les problèmes d’Aristote, sect. 29. 11.

C’est une chose remarquable, qu’on a cru être souillé par le commerce légitime des femmes, & qu’on s’en est abstenu la veille des sacrifices chez les Babyloniens, les Arabes, les Egyptiens, les Grecs, & les Romains. Les Hébreux pensent qu’on perd l’esprit de prophétie par un commerce même légitime ; ce qui me rappelle la maxime orgueilleuse d’un ancien philosophe, qui disoit qu’il ne falloit habiter avec les femmes, que quand on vouloit devenir pire.

Les rabbins ne croyent pas que la femme fût créée à l’image de Dieu ; ils assûrent qu’elle fut moins parfaite que l’homme, parce que Dieu ne l’avoit formée que pour lui être un aide. Un théologien chrétien (Lambert Danaeus, in antiquitatibus, pag. 42.) a enseigné que l’image de Dieu étoit beaucoup plus vive dans l’homme que dans la femme. On trouve un passage curieux dans l’histoire des Juifs de M. Basnage, vol. VII. pag. 301 & 302. « Dieu ne voulut point former la femme de la tête, ni des yeux, ni, &c. (de peur qu’elle n’eût les vices attachés à ces parties) ; mais on a eu beau choisir une partie honnête & dure de l’homme, d’où il semble qu’il ne pouvoit sortir aucun défaut (une côte), la femme n’a pas laissé de les avoir tous ». C’est la description que les auteurs Juifs nous en donnent. On la trouvera peut-être si juste, ajoûte M. Basnage, qu’on ne voudra point la mettre au rang de leurs visions, & on s’imaginera qu’ils ont voulu renfermer une vérité connue sous des termes figurés.

D’autres rabbins ont traduit par côté le mot hébreu stelah, qu’on explique vulgairement côte : ils racontent que le premier homme étoit double & androgyne, & qu’on n’eut besoin que d’un coup de hache pour séparer les deux corps. On lit la même fable dans Platon, de qui les rabbins l’ont empruntée, s’il faut en croire M. le Clerc dans son commentaire sur le pentateuque.

Heidegger a observé, exercitat. 4. de historia patriarcharum, n°. 30. que Moyse ne parle point de l’ame d’Eve, & qu’on doute quelle en est la raison. Il est certain que les femmes étoient à plaindre dans la loi juive, comme M. le Clerc l’a remarqué, lib. cit. pag. 309. col. 2. Jesus-Christ lui-même nous a appris que la répudiation fut permise aux Hébreux, à cause de la dureté de leur cœur ; mais lorsqu’il n’a pas voulu que l’homme pût desunir ce que Dieu avoit joint, ses disciples se sont récriés, & ont trouvé que le mariage devenoit onéreux. Th. Crenius dans ses animadversiones philologicæ, & historicæ, part. XV. pag. 61. x. remarque que personne n’a plus maltraité les femmes, & n’a plus recommandé de s’en garder, que Salomon, qui néanmoins s’y est abandonné ; au lieu que Jesus-Christ a été plus doux à leur égard, & en a converti un grand nombre ; c’est pourquoi, dit-il, il en est qui pensent que Jesus-Christ a eu de la prédilection pour ce sexe. En effet, il a eu une mere sur la terre, & n’a point eu de pere ; la premiere personne à qui il s’est montré après sa résurrection, a été Marie-Madeleine, &c.

Les personnes qui renoncent au mariage, sont censées approcher davantage de la perfection, depuis l’établissement de la religion chrétienne ; les Juifs au contraire, regardent le célibat comme un état de malédiction. Voyez Pirke Aboth, chap. j. n°. 5.

S. Pierre dans sa premiere épitre, chap. iij. vers. 7. ordonne aux maris de traiter leurs femmes avec honneur, parce qu’elles sont des vases plus fragiles. Les Juifs disent que la femme est un vase imparfait ; que l’époux, achevé l’hébreu, a encore plus de force ; car il peut signifier que la femme, sans le secours du mari, n’est qu’un embryon. Voyez Gemare sur le titre sanhedrin du talmud, chap. ij. segm. 15.

Petrus Calanna, dans un livre rare intitulé, philosophia seniorum sacerdotia & platonica, pag. 173, ose dire que Dieu est mâle & femelle en même tems. Godofredus Arnoldus, dans son livre de sophiâ, 2 soûtenu cette opinion monstrueuse, dérivée du platonisme, qui a aussi donné le jour aux éons, ou divinités hermaphrodites des Valentiniens. M. de Beausobre, histoire du Manichéisme, tom. II. pag. 584. veut que ces éons fussent allégoriques ; & il se fonde sur ce que Synesius évêque chrétien, attribue à Dieu les deux sexes, quoiqu’il n’ignorât pas que Dieu n’a point d’organes corporels, bien loin d’avoir ceux de la génération. Mais on lit seulement dans Synesius, pag. 140. édition du P. Petau, que le corps de la Divinité n’est point formé de la lie de la matiere ; ce qui n’est pas dire que Dieu n’ait aucun organe corporel. D’ailleurs on peut prouver aisément, & Nicephore Grégoras dans son commentaire sur Synesius, nous avertit en plusieurs endroits, que Synesius étoit imitateur & sectateur de Platon.

Les Manichéens pensoient que lorsque Dieu créa l’homme, il ne le forma ni mâle ni femelle, mais que la distinction des sexes est l’ouvrage du diable.

On dit assez communément que Mahomet a exclu les femmes du paradis ; le verset 30. de la sura 33. de son alcoran, insinue le contraire. C’est pourtant une tradition sur laquelle deux auteurs musulmans ont écrit, comme on peut voir dans la bibliotheque orientale de M. d’Herbelot.

Mahomet condamne à quatre-vingts coups de foüet ceux qui accuseront les femmes, sans pouvoir produire quatre témoins contr’elles ; & il charge les calomniateurs de malédictions en ce monde & en l’autre. Le mari peut, sans avoir des témoins, accuser sa femme, pourvû qu’il jure quatre fois qu’il dit vrai, & qu’il joigne l’imprécation au serment à la cinquieme fois. La femme peut se disculper de la même maniere. Sura 24. vers. 4. & 6. Mahomet recommande la chasteté aux femmes en des termes très peu chastes (ib. vers. 32.) ; mais il n’est pas bien clair qu’il promette la miséricorde divine aux femmes qui sont forcées de se prostituer, comme l’a prétendu le savant Loüis Maracci dans sa réfutation de l’alcoran.

Le prophete arabe, dans le sura 4. veut qu’un mâle ait une part d’héritage double de celle de la femelle. Il décide formellement (vers. 33.) la supériorité des hommes, auxquels il veut que les femmes obéissent. Si elles sont indociles, il conseille aux maris de les faire coucher à part, & même de les battre. Il a établi de grandes peines contre les femmes coupables de fornication ou d’adultere ; mais quoique Maracci l’accuse de ne pas punir les hommes coupables de ces crimes, il est certain qu’il les condamne à cent coups de foüet, comme Selden l’a remarqué, uxor ebraica, pag. 392. On verra aussi avec plaisir dans ce livre de Selden (p. 467 & suiv.), l’origine des Hullas parmi les Mahométans.

Tout le monde a entendu parler d’une dissertation anonyme, où l’on prétend que les femmes ne font