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mail : sans cette assiette l’émail ondulera & couvrira mal. Cette manœuvre est très-délicate ; les Chinois l’ont pratiquée dans quelques-unes de leurs porcelaines, où l’on distingue très-bien trois substances différentes, le biscuit, la couverte, & la ligne mince d’assiette qui est entre le biscuit & la couverte, & qui leur sert pour ainsi dire de gluten.

Toutes les pieces étant trempées & prêtes à être enfournées, on a des gasettes de la même figure que les premieres (voyez fig. 15.), mais d’une grandeur proportionnée à celle des pieces. Ces gasettes sont percées en trois endroits de rangs de trous paralleles & en triangle. La base du triangle est tournée vers la base de la gasette, & l’angle regarde le haut de ce vaisseau. Ces rangs de trous sont deux à deux. Par les trois trous d’en-bas, on passe trois pernettes ou prismes de terre (figure 14.), dont le bout de chacune entre en dedans de la gasette, de neuf lignes ou environ. Sur ces trois extrémités de pernettes on pose une assiette ou un plat ; on place trois autres pernettes dans les trous qui sont au dessus des précédentes ; on y pose un second plat, & l’on continue ainsi jusqu’à ce que la gasette soit pleine. On remplit de même les autres, & on les enfourne comme ci-devant. On peut cuire dans le même four & dans la même fournée, le crû aussi-bien que le biscuit émaillé. S’il arrive que la terre soit trop dure à cuire, on met le crû en-bas ou sur la planche du four, & le biscuit émaillé en-haut : au contraire si la terre n’est pas dure, on met l’émaillé en-bas & le biscuit en-haut. Il est bon de savoir que si le biscuit est trop cuit, il ne prendra plus le blanc ; c’est pourquoi l’on place ordinairement le crû en-haut, à moins que la terre ne soit extraordinairement dure à cuire.

Les gasettes (fig. 15.) sont faites ou au tour ou au moule ; on leur donne, dans l’un & l’autre cas, l’épaisseur, la largeur & la hauteur convenables. La plûpart des fabriquans les font faire sans fond, mais leur laissent seulement un bord d’environ neuf à dix lignes de largeur.

Pour faire les gasettes au moule, il faut avoir un moule à tuile, & un autre en rond ou en ovale pour les façonner. Il y a des gasettes de soixante pouces en diametre, de vingt & de quatorze. Si on les vouloit de quatorze pouces de diametre sur autant de hauteur, le moule pour la tuile devroit être de quarante-quatre pouces de tour (parce que la terre prend retrait), d’environ quatorze pouces de longueur dans œuvre, & de sept lignes de profondeur ou à-peu-près. On pose le moule sur une table unie ; on répand dessus un peu de sable sec & fin, & on le remplit de terre qu’on serre bien avec la main : s’il y en a trop, on enleve le superflu avec un fil d’archal ou de cuivre ; après quoi on le repasse avec une latte ou couteau, afin de l’égaliser par tout. On enleve ensuite le moule, & la tuile reste. Alors on prend l’autre moule qui est bâti de cerceaux, comme ceux avec lesquels on fait les tambours (voyez figure 16.) ; il doit avoit quatorze pouces en diametre, & la même hauteur que la tuile ; un bâton placé en-travers à sa partie supérieure, lui sert d’anse. On place sur les parois extérieures du rond, la tuile, de sorte que les bords de la tuile & ceux du rond ne s’excedent pas ; puis avec une main, on éleve un bout de la tuile, & on la presse contre le rond ; & en tournant, les deux bouts de la tuile se rencontreront : alors on place une main où ils se rencontrent, & l’autre vis-à-vis : on enleve le rond avec la tuile, & on les pose sur une planche ronde. Là on consolide les deux bouts de la tuile ensemble, on porte le tout sur la planche ronde, & on le glisse à terre : on retire ensuite le moule, & l’on recommence.

Quand les gasettes sont un peu durcies, alors on fait les trous à pernettes. Pour cet effet on a une plan-

che percée triangulaire (voyez figure 17.), dont les

trous soient à une distance les uns des autres, telle que cette distance soit du moins égale à la hauteur d’une assiette ; puis avec un perçoir triangulaire de fer ou de bois, mais le fer vaut mieux (voyez figure 18.), la planche étant placée contre les parois de la gasette, on ouvre des trous égaux & triangulaires, en passant le perçoir par les trous de la planche d’une main, & en soûtenant de l’autre main la surface de la gasette : cela fait, on recommence la même chose en deux autres endroits de la gasette, afin que chaque plat ou assiette puisse être posée sur les angles de trois pernettes. Il faut que les pieces posent sur ces angles, parce qu’ainsi elles ne sont touchées des trois pernettes qu’en trois points ; qu’elles chauffent également par-tout ; & que s’il arrive à l’émail de couler, l’adhésion n’est rien. C’est pour empêcher cette adhésion qu’on n’apperçoit point d’émail ou de couverte à la partie inférieure des pieces sur laquelle elles sont posées dans le four. Cela fait, on met la gasette à sécher.

Ces gasettes étant faites & biscuitées, de même que les pernettes, qui ne sont qu’un prisme triangulaire fait de bonne terre, on fait les pernettes ; les pernettes se font à la main, mais on peut aussi les faire au moule. Voyez fig. 14. Quand ces pernettes sont cuites, on les ajuste dans les trous des gasettes ; quand les gasettes sont encastrées, on les enfourne, & avec elles des marchandises en échappades, comme j’ai déjà dit.

Mais la plus grande partie des fayences sont peintes : voici comment on les colore.

Bleu : on prend le meilleur safre, on le met dans un creuset ; on couvre le creuset d’une tuile qui résiste au feu ; on met le tout sous le four pour y être calciné : quand le four est froid, on retire le creuset. On prend autant de smalt (voy. Smalt), & on broye le tout ensemble, jusqu’à ce que le mélange soit aussi fin que le blanc, & l’on conserve cette couleur pour en faire usage.

Rouge : le plus bel ocre jaune calciné deux à trois fois dans le four où l’on cuit les marchandises, pilé & broyé, donnera cette couleur.

Jaune : la terre de Naples bien broyée & délayée.

Autre jaune : 4 livres mine de plomb ou de plomb rouge, 2. de cendre de plomb, 2. de sable blanc, d’ocre rouge, ou d’ocre jaune, calciné & réduit en poudre ; 2. d’antimoine crû mis en poudre, 1. de verre blanc ou crystal, aussi mis en poudre : mêlez, faites calciner doucement, faites fondre ensuite ; pilez, broyez.

Vert : 2 livres vert d’ardoise, 1. limaille d’épingles, 1. minium, 1. verre blanc : mettez en poudre, mélangez, faites fondre, broyez, &c.

Autre vert : 1. de jaune, 1. de bleu : mêlez, broyez.

En unissant ces deux couleurs on aura différens verts, selon que l’on mettra plus ou moins de jaune, la quantité de bleu restant la même.

Autre vert : 4. de bouteilles cassées, vert d’ardoises, de limaille d’épingles, 1. de soude d’Alicant ou de Varech : mettez en poudre, mêlez, faites fondre.

Brun : calcinez l’ardoise deux fois sur le four, mettez-la en poudre, prenez-en 2 parties ; 2. de poudre de bouteilles cassées, 1. de chaux en poudre, 1. de soude, & 4 onces de Périgueux : mêlangez, faites fondre, &c.

Autre : 3. de minium ou mine de plomb, de sable d’Envers, 1. d’ocre rouge, & 4 onces de Périgueux.

Bleu violet : 1. de potasse, sable blanc, 2. de blanc à biscuit, mais sec ; 8 onces de safre, 1 once de manganese : mettez en poudre, faites fondre, &c.

Les couleurs étant ainsi préparées, on les employe à l’eau.