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La terre étant préparée, comme nous venons de le dire, le tourneur monte sur le tour (voyez fig. 9. le tour du fayencier) ; la construction en est si simple, qu’il est plus facile de la concevoir par un coup d’œil sur la figure, que sur une description ; & posant un de ses piés contre la traverse ou planche, il pousse la roue, il continue de la pousser jusqu’à ce qu’elle ait un mouvement assez rapide. Alors il prend une balle, motte, ou pain, qu’il jette sur la tête du tour : il trempe ses mains dans l’eau ; il les applique ensuite sur la terre attachée à la tête du tour, la serrant contre peu-à-peu, & l’arrondissant ; il la fait ensuite monter en forme d’aiguille ; puis il met le pouce sur le bout, il le presse & le fait descendre. C’est alors qu’il commence à ouvrir la terre avec le pouce, & à former l’intérieur de la piece. Pour la hauteur & la longueur, il la détermine avec une jauge. Si la piece est délicate, il l’égalise avec l’estoc (voyez cet instrument fig. 12.) c’est une portion de cercle, percée d’un œil dans le milieu ; il est ou de bois ou de fer. En mettant ses doigts en-dedans de la piece, les plaçant contre ses parois, & appliquant l’estoc avec l’autre main contre les parois extérieures, & à l’endroit correspondant aux doigts qui sont appliqués aux parois intérieures ; en montant & descendant la main & l’estoc en même tems, & serrant les parois entre l’estoc & ses doigts, il les rend unis, les égalise, & leur donne la forme convenable. Il prend après cela le fil de cuivre ; il s’en sert pour couper la piece, & la séparer de la tête du tour : il l’enleve avec ses deux mains, & la pose sur une planche : il travaille ensuite à une autre piece. Quand la planche est couverte d’ouvrage, il la met sur les rayons, afin de donner le tems aux pieces de s’essuyer & de se raffermir, afin de pouvoir être tournassées ou réparées. Il a soin que les pieces ainsi ébauchées ne deviennent pas trop seches. Pour prévenir cet inconvénient, on les met en tas dans un coffre, ou on les enveloppe d’un linge mouillé. Quand il y en a un nombre suffisant, alors il fait la tournasine, selon la piece. Si c’est une assiette, il met sur la tête du tour un morceau de terre molle ; il lui donne à-peu-près la forme du dedans de l’assiette, & la laisse sur la tête du tour jusqu’à ce que toutes les pieces de la même sorte soient tournassées. Pour faire prendre à ce morceau de terre molle la forme du dedans de l’assiette, il commence par l’ébaucher avec ses doigts, puis il le laisse sécher ; & quand il est un peu sec, il acheve de lui donner la forme la plus approchante du dedans d’une assiette, qu’il peut avec le tournasin (voyez fig. 13. cet instrument) : c’est une tringle de fer, dont les deux extrémités ont été recourbées en sens contraires, & applaties ; ces parties recourbées & applaties, sont tranchantes ; elles sont dans des plans à-peu-près paralleles, & quand l’une est en-dessus de la tringle ou du manche, l’autre est en-dessous. Ce morceau de terre, d’une forme approchée (je dis approchée, car on observe de le faire un peu plus grand, afin qu’il puisse servir à toutes les pieces de la même sorte, quand même elles seroient un peu inégales), s’appelle la tournasine. La tournasine étant achevée, on tire plusieurs tas de marchandises ébauchées du coffre, qu’on porte sur la table du tour, puis l’ouvrier monte au tour, le fait aller comme pour ébaucher, prend une assiette, la renverse sur la tournasine, où il a soin qu’elle soit posée droite & horisontale ; il prend le tournasin ; il en place le tranchant au milieu ou au centre du dessous de l’assiette, le faisant un peu entrer dans la terre ; & comme la roue est en mouvement, l’instrument enleve en copeaux la terre raboteuse depuis le centre jusqu’au bord, en le conduisant de la main. Quand le tournasin est écarté du centre, l’ouvrier y pose le pouce, & tient l’assiette en respect. De cette

maniere, il ôte de la terre où il y en a de trop, & façonne la piece en-dehors, car la façon du dedans se-donne en ébauchant. Cette seconde opération, que nous venons de décrire, s’appelle tournasser.

Quand la piece est tournassée, on la remet sur la planche, & on passe à une autre ; quand la planche est chargée, on la met sur les rayons, afin que les pieces sechent entierement ; c’est ce qu’on appelle le cru.

Quand il y aura assez de cru pour remplir le four, on l’encastre dans des gasettes ou especes de capsules, c’est-à-dire qu’on place dans une gasette autant de pieces qu’on en peut mettre les unes sur les autres, sans que le poids des supérieures écrase les inférieures.

Une gasette est un vase de terre cylindrique, qui a pour diametre la distance d’un trou à un autre trou dont la voûte inférieure du four est percée ; la hauteur est arbitraire, ainsi que l’épaisseur : elle a 6, 7, 8 lignes. Voyez fig. 15.

Quand les gasettes sont remplies, on les porte au four, & l’enfourneur les place dans le four, en commençant par la partie du mur qu’il a en face, ou qui est vis-à-vis la bouche ou le guichet. Quand il a fait un rang, il en fait un second sur le premier, & ainsi de suite jusqu’à la seconde voûte. Cela fait, il recommence un autre rang concentrique à celui-ci, & il continue jusqu’à ce que le four soit plein.

On enfourne aussi en échappade ou en chapelle : en enfournant de cette maniere, on place plus de cru dans le four qu’avec les gasettes : mais dans ce cas, on fait faire des tuiles en quarré, dont les côtés soient égaux au diametre de la gasette ; on en coupe les quatre coins ; ensorte que les parties coupées étant rassemblées, elles couvriroient justement un des trous dont la voûte inférieure est percée. On se pourvoit de piliers de terre de plusieurs hauteurs, selon les pieces. On forme ces piliers sur la roue. Quand on a fait cuire au four & les tuiles coupées par les coins, & les piliers, on peut s’en servir de la maniere suivante. On enfourne le premier rang de gasette ; on en met, si l’on veut, deux ou trois rangs l’un sur l’autre ; puis on les couvre avec des tuiles ; & sur les tuiles où les bords se touchent, on place deux piliers ; on en place deux autres contre le mur de côté ; puis deux autres, dont les bouts portent sur les tuiles ; & l’on continue ainsi tout le long jusqu’à l’autre côté du four : ensuite on remplit de marchandise, le vuide entre les piliers. Cela fait, on place encore d’autres tuiles sur les piliers, & l’on réitere jusqu’à ce que le four soit rempli. Il y a des fabriquans qui n’employent que trois piliers, parce que les tuiles portent sur tous les trois, & qu’il est difficile de les faire porter sur quatre. Mais si l’on met sur le pilier qui ne se trouvera pas d’égale hauteur avec les trois autres, un peu de terre molle, de cette terre dont on fait & les piliers & les gasettes, & que l’on appuie la tuile dessus, elle portera également sur les quatre piliers, & cette manœuvre vaudra mieux que l’autre. Il arrive quelquefois que ces tuiles sont chargées de marchandises pesantes, & que le four étant bien chaud, le bout des tuiles qui ne sont soûtenues que d’un pilier qui répond toûjours au milieu de deux, plie & donne tems aux marchandises de se défigurer. Mais il n’y a rien à craindre avec quatre piliers. Voyez fig. 21, une coupe verticale du four avec un commencement de fournée en échapade ou en chapelle. Le four étant plein, on le bouche. L’on a soin d’y laisser une ouverture, afin de retirer les montres, & s’assûrer quand les marchandises sont cuites. Les montres sont de petits vases qui servent à indiquer par leur cuisson, celle du reste des pieces enfournées.

Quand le four est bouché, on met le blanc au