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mitoyennes ; ainsi dès que cette cavité sera égale dans les pinces, dans les mitoyennes & dans les coins, & que celles ci ne seront pas plus creuses que les pinces, l’animal sera incontestablement begut.

Celui qui ne marque qu’aux mitoyennes & aux coins, c’est-à-dire dans lequel la dent de pince a rasé, quoiqu’il soit begut, sera facilement reconnu, si l’on compare, ainsi que je viens de l’expliquer, la cavité des mitoyennes & des coins ; mais l’embarras le plus grand est de discerner l’animal begut d’un cheval de sept ans faits, lorsque la dent de coin seulement ne doit jamais raser. C’est alors qu’il faut avoir recours aux crochets, & à tous les signes qui indiquent la vieillesse, d’autant plus qu’on ne peut espérer de tirer aucune connoissance des dents supérieures, parce que tout cheval begut l’est par ces dents comme par les dents inférieures.

Quant aux chevaux que l’ai nommés faux-beguts, c’est-à-dire quant à ceux dans lesquels le germe de féve ne s’efface jamais, on pourroit les diviser en deux classes, dont la premiere comprendroit l’animal dans lequel le germe de féve subsiste toûjours, & à toutes les dents ; & la seconde, celui dont le germe de féve effacé dans les pinces, ne seroit visible que dans les mitoyennes & les coins, ou que dans les coins seuls : mais comme ce germe de féve, dès qu’il n’y a plus de cavité dans la dent, n’est d’aucun présage, & que la cavité est la seule marque que nous consultions, il importe peu qu’il paroisse toûjours.

Les signes caractéristiques de la vieillesse de l’animal sont très-nombreux, si l’on adopte tous ceux qui ont été décrits par les auteurs, & auxquels ils se sont attachés pour reconnoître l’âge du cheval, les huit années étant expirées.

On peut en décider, 1°. selon eux, par les nœuds de la queue ; ils prétendent qu’à dix ou douze ans il descend un nœud de plus, & qu’à quatorze ans il en paroît un autre : 2°. par les salieres qui sont creuses, par les cils qui sont blancs, par le palais décharné, & dont les sillons ne sont plus sensibles ; par la levre supérieure, qui étant relevée, fait autant de plis que le cheval a d’années ; par l’os de la ganache, qui est extrèmement tranchant à quatre doigts au-dessus de la barbe ; par la peau de l’épaule & de la ganache, qui étant pincée, conserve le pli qui y a été fait, & ne se remet point à sa place ; par la longueur des dents, par leur décharnement, par la crasse jaunâtre qu’on y apperçoit ; enfin par les crochets usés, & par la blancheur du cheval, qui, de gris qu’il étoit, est entierement devenu blanc.

Tous ces prétendus témoignages sont très-équivoques ; on doit rejetter comme une absurdité des plus grossieres, celui que l’on voudroit tirer des nœuds de la queue, & celui qui résulte des salieres creuses, & de l’animal qui a cillé : car il est des chevaux très-vieux dont les salieres sont très-pleines, & de jeunes chevaux dont les cils sont très-blancs. Il faut encore abandonner toutes les conséquences que l’on déduit du décharnement du palais, des plis comptés de la levre supérieure, du tranchant de l’os de la ganache, de la peau de l’épaule, de la longueur des dents, puisque les chevaux beguts les ont très courtes, & de la crasse jaunâtre que l’on y apperçoit. Les signes vraiment décisifs sont la situation des dents ; si elles sont comme avancées sur le devant de la bouche, & qu’elles ne portent pour ainsi dire plus à-plomb les unes sur les autres, croyez que l’animal est très-vieux. D’ailleurs, quoique la forme des crochets varie quelquefois, voyez si ceux de dessous sont usés, s’ils sont arrondis, émoussés ; si ceux de dessus ont perdu toute leur cannelure, s’ils sont aussi ronds en-dedans qu’en-dehors : de-là vous pouvez conjecturer plus sûrement que l’animal n’est pas jeune.

La raison pour laquelle la cavité de la dent ne s’efface jamais dans le cheval begut, se présente naturellement à l’esprit, lorsqu’on se rappelle d’où naît le germe de féve. Il n’est formé que par la superficie des vaisseaux qui, frappés par l’air, ont été desséchés, durcis & noircis ; or si l’air les a d’abord trop resserrés, ou que la matiere qui sert de nourriture à la dent, ait été par sa propre nature plus susceptible de desséchement, le corps de la dent sera plûtôt compact ; & les sucs destinés à sa végétation ne pouvant pénétrer avec la même activité, dès-lors la cavité subsistera. Une preuve de cette vérité nous est fournie par l’expérience, qui nous montre & qui nous a appris que la dent du cheval begut est plus dure que celle de celui qui ne l’est pas.

Le germe de féve subsiste toûjours dans le faux-begut, quoique la cavité s’efface & se remplisse, parce que la partie extérieure de la dent aura végeté plûtôt que sa partie intérieure ; c’est-à-dire que l’humeur tenace qui entouroit la vessie membraneuse dont nous avons parlé, aura acquis plûtôt un degré de solidité, que cette vessie renfermée dans la cavité : dès-lors les petits vaisseaux noircis & durcis par l’air, ayant été resserrés & comprimés par les parois résultantes de l’humeur muqueuse destinée dès son origine à la formation de l’émail, ils n’auront pû être poussés au-dehors, & le germe de féve paroîtra toûjours, quoique la dent soit remplie.

C’est à la foiblesse des fibres de la jument, qui sont sans doute, comme celles de toutes les femelles des animaux, comparées à celles des mâles, c’est-à-dire infiniment lâches, que nous attribuerons le nombre considérable des jumens begues. Les fibres du cœur étant par conséquent plus molles en elles, elles ne pousseront point avec la même force le fluide nécessaire à la végétation de la dent. La même cause peut être appliquée au cheval hongre, qui, dès qu’il a cessé d’être entier, perd beaucoup de son feu & de sa vigueur ; ce qui prouve évidemment que dans lui la circulation est extrèmement ralentie.

L’éruption des dents occasionne des douleurs & des maladies, principalement celles des crochets. Ils sont plus durs, plus tranchans & plus aigus que les autres, qui sont larges & émoussées. D’ailleurs n’étant précédés d’aucunes dents, comme les antérieures, leur protrusion ne peut être que très-sensible, puisqu’ils doivent nécessairement, en se faisant jour, rompre, irriter & déchirer les fibres des gencives : de-là ce flux de ventre, ces diarrhées considérables, cette espece de nuage qui semble obscurcir la cornée, attendu les spasmes qu’excite dans tout le corps la douleur violente. Les premieres voies en sont offensées, les digestions ne sauroient donc être bonnes ; & l’irritation suscitant des ébranlemens dans tout le système nerveux, l’obscurcissement des yeux ne présente rien qui doive surprendre.

Il est bon de faciliter cette éruption, en relâchant la gencive : il faut pour cet effet froter souvent cette partie avec du miel commun ; & si en usant de cette précaution on sent la pointe du crochet, on ne risque rien de presser la gencive, de maniere qu’elle soit percée sur le champ. On oint de nouveau avec du miel ; & la douleur passée, tous les maux qu’elle avoit fait naître disparoissent.

Si l’on remonte à la cause ordinaire de la carie, on conclura que les dents du cheval peuvent se carier ; cependant ce cas est extrèmement rare, attendu l’extrème compacticité qui en garantit la substance intérieure des impressions de l’air. Dès que la corruption est telle que l’animal a une peine extrème à manger, qu’il se tourmente, & que son inquiétude annonce la vivacité de la douleur qu’il ressent, il faut nécessairement le délivrer de la partie qui l’affecte ; c’est la voie la plus sûre, & l’on ne risque point dès-