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jetter lui-même un oiseau, les chefs pourvûs par le grand fauconnier, présentent l’oiseau au grand fauconnier, qui le met ensuite sur le poing de sa majesté. Quand la proie est prise, le piqueur en donne la tête à son chef, & le chef au grand fauconnier, qui la présente de même au roi. Voyez État de la France.

Le grand fauconnier de France d’aujourd’hui est Loüis César le Blanc de la Baume, duc de la Valliere, chevalier des ordres du Roi 2 Février 1749, capitaine des chasses de la varenne du louvre en Mars 1748, grand fauconnier de France en Mai de la même année.

Fauconnier, (Fauconn.) se dit de celui qui soigne & qui instruit toutes sortes d’oiseaux de proie.

* FAUDAGE, s. m. (Drap.) Voy. Pliage. C’est aussi la marque ou fil de soie que les corroyeurs des étoffes de laine, attachent aux pieces qu’ils appointent. Ce fil de soie est d’une couleur & d’une qualité propre à chaque ouvrier. Il se met à la piece au sortir de dessus le courroi ; & la piece est faudée, quand elle est pliée en double sur sa longueur ; ensorte que les deux lisieres tombent l’une sur l’autre, & que la marque du faudage y est apposée. On entend aussi quelquefois par fauder, mettre l’étoffe en plis quarrés.

* FAUDE, s. f. (Econ. rustiq.) ce mot est synonyme à charbonniere, ou fosse à charbon. Voyez l’article Charbon.

FAUDET, s. m. terme de Manufacture ; les laineurs ou emplaigneurs appellent ainsi une espece de grand gril de bois, soûtenu de quatre petits piés de bois, qui est placé sous la perche à lainer, pour recevoir l’étoffe à mesure qu’elle se laine. Les Tondeurs de draps se servent aussi d’une espece de faudet, pour mettre sous la table à tondre, dans lequel ils font tomber l’étoffe lorsque la tablée est entierement tondue. Ce faudet est composé de deux pieces, qui jointes ensemble par le milieu, ressemblent à une espece de manne qui n’auroit point de bordure aux deux bouts. Richelet, Savary, &c.

FAVEUR, s. f. (Morale.) Faveur, du mot latin favor, suppose plûtôt un bienfait qu’une récompense. On brigue sourdement la faveur ; on mérite & on demande hautement des récompense,. Le dieu Faveur, chez les mythologistes romains, étoit fils de la Beauté & de la Fortune. Toute faveur porte l’idée de quelque chose de gratuit ; il m’a fait la faveur de m’introduire, de me présenter, de recommander mon ami, de corriger mon ouvrage. La faveur des princes est l’effet de leur goût, & de la complaisance assidue ; la faveur du peuple suppose quelquefois du mérite, & plus souvent un hasard heureux. Faveur differe beaucoup de grace. Cet homme est en faveur auprès du roi, & cependant il n’en a point encore obtenu de graces. On dit, il a été reçu en grace. On ne dit point, il a été reçu en faveur, quoiqu’on dise être en faveur : c’est que la faveur suppose un goût habituel ; & que faire grace, recevoir en grace, c’est pardonner, c’est moins que donner sa faveur. Obtenir grace, c’est l’effet d’un moment ; obtenir la faveur est l’effet du tems. Cependant on dit également, faites-moi la grace, faites-moi la faveur de recommander mon ami. Des lettres de recommandation s’appelloient autrefois des lettres de faveur. Sévere dit dans la tragédie de Polieucte,

Je mourrois mille fois plûtôt que d’abuser
Des lettres de faveur que j’ai pour l’épouser.


On a la faveur, la bienveillance, non la grace du prince & du public. On obtient la faveur de son auditoire par la modestie : mais il ne vous fait pas grace si vous êtes trop long. Les mois des gradués, Avril & Octobre, dans lesquels un collateur peut

donner un bénéfice simple au gradué le moins ancien, sont des mois de faveur & de grace.

Cette expression faveur signifiant une bienveillance gratuite qu’on cherche à obtenir du prince ou du public, la galanterie l’a étendue à la complaisance des femmes : & quoiqu’on ne dise point, il a eu des faveurs du roi, on dit, il a eu les faveurs d’une dame. Voyez l’article suivant. L’équivalent de cette expression n’est point connu en Asie, où les femmes sont moins reines.

On appelloit autrefois faveurs, des rubans, des gants, des boucles, des nœuds d’épée, donnés par une dame. Le comte d’Essex portoit à son chapeau un gant de la reine Elisabeth, qu’il appelloit faveur de la reine.

Ensuite l’ironie se servit de ce mot pour signifier les suites fâcheuses d’un commerce hasardé ; faveurs de Vénus, faveurs cuisantes, &c. Article de M. de Voltaire.

Faveurs, (Morale & Galanterie.) Faveurs de l’amour, c’est tout ce que donne ou accorde l’amour sensible à l’amour heureux ; ce sont même ces riens charmans qui valent tant pour l’objet aimé : c’est que tout ce qui vient de sa maîtresse est d’un grand prix ; la fleur qu’elle a cueillie, le ruban qu’elle a porté, voilà des thrésors pour celle qui les donne & pour celui qui les reçoit. Les faveurs de l’amour, toutes plus précieuses & plus aimables, se prêtent des secours & des plaisirs égaux ; c’est qu’elles ont toutes une valeur bien grande ; c’est que toûjours plus touchantes à mesure qu’elles se multiplient, elles conduisent enfin à celle qui les couronne & qui les rassemble. Parlerons-nous de ces mysteres, sur lesquels il n’y a que l’amour qui doit jetter les yeux ; instant le plus beau de la vie, où l’on obtient & où l’on goûte tout ce que peut donner de voluptueux & de sensible, la possession entiere de la beauté qu’on aime ? Ne disons rien de ces plaisirs, ils aiment l’ombre & le silence.

Les faveurs mêmes les plus legeres, doivent être secretes ; il ne faut pas plus avoüer le bouquet donné, que le baiser reçu. Lisette attache une rose à la houlette de Daphnis : ce berger peut l’offrir aux yeux de ses rivaux jaloux ; mais aussi discret qu’il est heureux, Daphnis content joüit en secret de sa victoire : il n’y a que lui qui sait que Lisette a donné ; il n’y a qu’elle d’instruite de sa reconnoissance. Imitons Daphnis. Cet article est de M. de Margency.

Faveur, (Jurisp.) est une prérogative accordée à certaines personnes & à certains actes.

Par exemple, on accorde beaucoup de faveur aux mineurs, & à l’Eglise qui joüit des mêmes priviléges.

La faveur des contrats de mariage est très-grande. On fait des donations en faveur de mariage, c’est-à-dire en considération du mariage.

Les principes les plus connus par rapport à ce qui est de faveur, sont que ce qui a été introduit en faveur de quelqu’un, ne peut pas être rétorqué contre lui ; que les faveurs doivent être étendues & les choses odieuses restraintes : favores ampliandi, odia restringenda. Voyez cod. lib. I. tit. xjv. l. 6. & ff. liv. XXVIII. tit. ij. l. 19.

On appelle jugement de faveur, celui où la considération des personnes auroit eu plus de part que la justice.

Il ne doit point y avoir de faveur dans les jugemens ; tout s’y doit régler par le bon droit & l’équité, sans aucune acception des personnes au préjudice de la justice : mais il y a quelquefois des questions si problématiques entre deux contendans dont le droit paroît égal, que les juges peuvent sans injustice se déterminer pour celui qui par de certaines considérations mérite plus de faveur que l’autre. (A)