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me il y avoit parmi les Romains des fêtes & des féries fixées à certains jours, il y en avoit aussi dont le jour dépendoit uniquement de la volonté des pontifes.

S’il est vrai que le contenu du livre des fastes étoit fort resserré quand il fut déposé entre les mains des prêtres de la religion, il n’est pas moins vrai que de jour en jour les fastes devinrent plus étendus. Ce ne fut plus dans la suite des tems un simple calendrier, ce fut un journal immense de divers évenemens que le hasard ou le cours ordinaire des choses produisoit. S’il s’élevoit une nouvelle guerre, si le peuple romain gagnoit ou perdoit une bataille ; si quelque magistrat recevoit un honneur extraordinaire, comme le triomphe ou le privilége de faire la dédicace d’un temple ; si l’on instituoit quelque fête ; en un mot quelque nouveauté, quelque singularité qu’il pût arriver dans l’état en matiere de politique & de religion, tout s’écrivit dans les fastes, qui par-là devinrent les mémoires les plus fideles, sur lesquels on composa l’histoire de Rome. Voyez, dans les mém. de l’acad. des B. L. le discours savant & élégant de M. l’abbé Sallier, sur les monumens historiq. des Romains.

Mais les pontifes qui disposoient des fastes, ne les communiquoient pas à tout le monde ; ce qui desespéroit ceux qui n’étoient pas de leurs amis, ou pontifes eux-mêmes, & qui travailloient à l’histoire du peuple romain. Cependant cette autorité des pontifes dura environ 400 ans, pendant lesquels ils triompherent de la patience des particuliers, des magistrats, & sur-tout des préteurs, qui ne pouvoient que sous leur bon plaisir marquer aux parties les jours qu’ils pourroient leur faire droit.

Enfin l’an de Rome 450, sous le consulat de Publius Sulpitius Averrion, & de Publius Sempronius Sophus, les pontifes eurent le déplaisir de se voir enlever ce précieux thrésor, qui jusqu’alors les avoit rendus si fiers. Un certain Cneius Flavius trouva le moyen de transcrire de leurs livres la partie des fastes qui concernoit la jurisprudence romaine, & de s’en faire un mérite auprès du peuple, qui le récompensa par l’emploi d’édile curule : alors pour donner un nouveau lustre à son premier bienfait, il fit graver pendant son édilité ces mêmes fastes sur une colonne d’airain, dans la place même où la justice se rendoit.

Dès que les fastes de Numa furent rendus publics, on y joignit de nouveaux détails sur les dieux, la religion, & les magistrats ; ensuite on y mit les empereurs, le jour de leur naissance, leurs charges, les jours qui leur étoient consacrés, les fêtes, & les sacrifices établis à leur honneur, ou pour leur prospérité : c’est ainsi que la flaterie changea & corrompit les fastes de l’état. On alla même jusqu’à nommer ces derniers, grands fastes, pour les distinguer des fastes purement calendaires, qu’on appella petits fastes.

Pour ce qui regarde les fastes rustiques, on sait qu’ils ne marquoient que les fêtes des gens de la campagne, qui étoient en moindre nombre que celles des habitans des villes ; les cérémonies des calendes, des nones, & des ides ; les signes du zodiaque, les dieux tutélaires de chaque mois, l’accroissement ou le décroissement des jours, &c. ainsi c’étoit proprement des especes d’almanacs rustiques, assez semblables à ceux que nous appellons almanacs du berger, du laboureur, &c.

Enfin il arriva qu’on donna le nom de fastes à des registres de moindre importance.

1°. A de simples éphémerides, où l’année étoit distribuée en diverses parties, suivant le cours du soleil & des planetes : ainsi ce que les Grecs appelloient ἐφημερίδες, fut appellé par les Latins calendarium & fasti. C’est pour cette raison qu’Ovide nomme fastes, son ouvrage qui contient les causes histo-

riques ou fabuleuses de toutes les fêtes qu’il attribue à chaque mois, le lever & le coucher de chaque constellation, &c. sujet sur lequel il a trouvé le moyen de répandre des fleurs d’une maniere à faire regretter aux savans la perte des six derniers livres qu’il avoit composés pour compléter son année.

2°. Toutes les histoires succinctes, où les faits étoient rangés suivant l’ordre des tems, s’appellerent aussi fastes, fasti ; c’est pourquoi Servius & Porphyrion disent que fasti sunt annales dierum, & rerum indices.

3°. On nomma fastes, des registres publics où chaque année l’on marquoit tout ce qui concernoit la police particuliere de Rome ; & ces années étoient distinguées par les noms des consuls. C’est pour cela qu’Horace dit à Lycé : « Vous vieillissez, Lycé ; la richesse des habits & des pierreries ne sauroit vous ramener ces rapides années qui se sont écoulées depuis le jour de votre naissance, dont la date n’est pas inconnue ».

Tempora
Nostis condita fastis
.   Od. 13. liv. IV.

En effet dès qu’on savoit sous quel consul Lycé étoit née, il étoit facile de savoir son âge ; parce que l’on avoit coûtume d’inscrire dans les registres publics ceux qui naissoient & ceux qui mouroient : coûtume fort ancienne, pour le dire en passant, puisque nous voyons Platon ordonner qu’elle soit exécutée dans les chapelles de chaque tribu. Liv. VI. des Rois.

Mais au lieu de poursuivre les abus d’un mot, je dois conseiller au lecteur de s’instruire des faits, c’est-à dire d’étudier les meilleurs ouvrages qu’on a donnés sur les fastes des Romains ; car de tant de choses curieuses qu’ils contiennent, je n’ai pû jetter ici que quelques parcelles, écrivant dans une langue étrangere à l’érudition. On trouvera de grands détails dans les mémoires de l’académie des Belles-Lettres ; le dictionnaire de Rosinus, Ultraj. 1701, in-4°. celui de Pitiscus, in-fol. & dans quelques auteurs hollandois, tels que Junius, Siccama, & sur-tout Pighius, qui méritent d’être nommés préférablement à d’autres.

Junius (Adrianus), né à Hoorn en 1511, & mort en 1575 de la douleur du pillage de sa bibliotheque par les Espagnols, a publié un livre sur les fastes sous le titre de fastorum calendarium, Basileæ 1553, in-8°.

Siccama (Sibrand Tétard), Frison d’origine, a traité le même sujet en deux livres imprimés à Bolswert en 1599, in-4°.

Mais Pighius (Etienne Vinant), né à Campen en 1519, & mort en 1604, est un auteur tout autrement distingué dans ces matieres. Après s’être instruit completement des antiquités romaines, par un long séjour sur les lieux, il se fit la plus haute réputation en publiant ses annales de la ville de Rome, & accrut sa célébrité par ses commentaires sur les fastes. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fastes Consulaires, (Littérat.) c’est le nom que les modernes ont donné au catalogue ou à l’histoire chronologique de la suite des consuls & autres magistrats de Rome ; telle est la table des consuls, que Riccioli a insérée dans sa chronologie réformée, revûe par le P. Pagi ; tel est encore, si l’on veut, le calendrier consulaire, fasti consulares, imprimé par Alméloveen avec de courtes notes. Mais, pour dire la verité, c’est aux Italiens que nous sommes le plus redevables en ce genre : aussi ne peut-on se passer d’avoir les beaux ouvrages de Panvini, de Sigonius, & de quelques autres.

Onuphre Panvini, né à Vérone en 1529, & mort à Palerme en 1568, à l’âge de trente-neuf ans, nous a laissé d’excellens commentaires sur les fastes consulaires, divisés en quatre livres, & mis au jour à Vé-