occupoient le côté droit, la noblesse le côté gauche, le tiers-état étoit derriere eux.
Le roi dit en peu de mots, que son but étoit d’écouter les plaintes de ses sujets, & de pourvoir à leurs griefs.
Le chancelier parla ensuite de la situation des affaires ; puis ayant pris l’ordre du roi, il dit aux députés que sa majesté leur permettoit de dresser le cahier de leurs plaintes & demandes, & qu’elle promettoit d’y répondre favorablement.
Les trois ordres firent chacun leur harangue, les députés du clergé & de la noblesse debout & découverts, le prevôt des marchands à genoux pour le tiers-état ; après quoi cette premiere séance fut terminée.
Dans l’intervalle de tems qui s’écoula jusqu’à la séance suivante, la cour prit des mesures pour diviser les députés des différens ordres, en les engageant à proposer chacun des articles de réformation, que l’on prévoyoit qui seroient contredits par les députés des autres ordres ; on s’attacha sur-tout à écarter les demandes du tiers-état, que l’on regardoit comme le plus difficile à gagner.
On se rassembla le 4 Novembre suivant ; le clergé demanda la publication du concile de Trente, la noblesse demanda l’abolition de la paulette, le tiers-état le retranchement des tailles & la diminution des pensions.
L’université de Paris qui vouloit avoir séance dans la chambre des députés du clergé, donna à cet effet son cahier ; mais il fut rejetté comme n’étant pas fait de concert entre les quatre facultés qui étoient divisées entre elles.
La noblesse & le clergé prirent de-là occasion de demander la réformation des universités, & que les Jésuites fussent admis dans celle de Paris, à condition, entr’autres choses, de se soûmettre aux statuts de cette université ; mais cela demeura sans effet, les Jésuites n’ayant pas voulu se soûmettre aux conditions que l’on exigeoit d’eux.
On demanda ensuite l’accomplissement du mariage du roi avec l’infante, & celui de madame Elisabeth de France avec le prince d’Espagne.
Les trois ordres qui étoient divisés sur plusieurs objets, se réunirent tous pour un, qui fut de demander l’établissement d’une chambre pour la recherche des malversations commises dans les finances ; mais la reine éluda cette proposition.
Il y en eut une autre bien plus importante qui fut faite par les députés du tiers-état, pour arrêter le cours d’une doctrine pernicieuse qui paroissoit se répandre depuis quelque tems, tendante à attaquer l’indépendance des rois par rapport à leur temporel.
L’article proposé par le tiers-état portoit que le roi seroit supplié de faire arrêter en l’assemblée des états généraux, comme une loi inviolable & fondamentale du royaume, que le roi étant reconnu souverain en France, & ne tenant son autorité que de Dieu seul, il n’y a sur la terre aucune puissance spirituelle ou temporelle qui ait droit de le priver de son royaume, ni de dispenser ou d’absoudre ses sujets pour quelque cause que ce soit, de la fidélité & de l’obéissance qu’ils lui doivent ; que tous les François généralement tiendroient cette loi pour sainte, véritable, & conforme à la parole de Dieu, sans nulle distinction équivoque ou limitation ; qu’elle seroit jurée par tous les députés aux états généraux, & desormais par tous les bénéficiers & magistrats du royaume, avant que d’entrer en possession de leurs bénéfices ou de leurs charges : que l’opinion contraire, aussi bien que celle qui permet de tuer ou de déposer les souverains, & de se révolter contre eux pour quelque raison que ce soit, seroient déclarées fausses, impies, détestables,
& contraires à l’établissement de la monarchie françoise, qui dépend immédiatement de Dieu seul ; que tous les livres qui enseigneroient cette mauvaise doctrine, seroient regardés comme séditieux & damnables, &c. enfin que cette loi seroit lûe dans les cours souveraines & dans les tribunaux subalternes, afin qu’elle fût connue & religieusement observée.
Les partisans de la doctrine pernicieuse que cet article avoit pour objet de condamner, se donnerent tant de mouvemens, qu’ils engagerent les députés du clergé & de la noblesse à s’opposer à la réception de cet article sous différens prétextes frivoles ; comme de dire, que si l’on publioit cet article, il sembleroit que l’on eut jusqu’alors révoque en doute l’indépendance de la couronne, que c’étoit chercher à altérer l’union qui étoit entre le roi & le saint pere, & que cela étoit capable de causer un schisme.
Le cardinal du Perron qui fut député du clergé pour aller débattre cet article en la chambre du tiers-état, poussa les choses encore plus loin ; il accordoit à la vérité que pour telle cause que ce soit il n’est pas permis de tuer les rois, & que nos rois ont tout droit de souveraineté temporelle en leur royaume : mais il prétendoit que la proposition qu’il n’y a nul cas auquel les sujets puissent être absous du serment de fidélité qu’ils ont fait à leur prince, ne pouvoit être reçûe que comme problématique.
Le president Miron pour le tiers état défendit la proposition attaquée par le cardinal.
Cependant les députés des deux autres ordres parvinrent à faire ôter du cahier l’article qui avoit été proposé par le tiers-état ; & au lieu de cet article ils en firent insérer un autre, portant seulement que le clergé abhorroit les entreprises faites pour quelque cause ou prétexte que ce soit, contre les personnes sacrées des rois ; & que pour dissiper la mauvaise doctrine dont on a parlé, le roi seroit supplié de faire publier en son royaume la quinzieme session du concile de Constance.
Les manœuvres qui avoient été pratiquées pour faire ôter du cahier l’article propose par le tiers-état, exciterent le zele du parlement. Les gens du roi remontrerent dans leur requisitoire, que c’étoit une maxime de tout tems en France, que le roi ne reconnoît aucun supérieur au temporel de son royaume. sinon Dieu seul ; que nulle puissance n’a droit de dispenser les sujets de sa majesté de leur serment de fidélité & d’obéissance, ni de la suspendre, priver, ou dépouiller de son royaume, encore moins d’attenter ou de faire attenter par autorité, soit publique ou privée, sur les personnes sacrées des souverains : ils requirent en conséquence que les précédens arrêts intervenus à ce sujet, fussent derechef publiés en tous les siéges, afin de maintenir ces maximes ; sur quoi la cour rendit un arrêt conforme au requisitoire des gens du roi.
Les divisions que cette affaire occasionna entre les députés des états, firent presser la présentation des cahiers, afin de rompre l’assemblée. La clôture en fut faite le 23 Février 1615, avec la même pompe que l’ouverture avoit été faite.
Depuis ces derniers états généraux il y a eu quelques assemblées de notables, entre autres celle qui se tint à Paris au mois de Décembre 1626 jusqu’au 23 Février 1627, où le duc d’Orléans présidoit. Quelques historiens qualifient cette assemblée d’états, mais improprement ; & en tout cas ce n’auroit été que des états particuliers, & non des états généraux ; & dans l’usage elle est connue sous le nom d’assemblée des notables.
Il paroît aussi qu’en 1651 la noblesse se donna de grands mouvemens pour faire convoquer les états généraux ; que le roi avoit résolu qu’on les tiendroit à Tours, mais que ces états n’eurent pas lieu : en effet