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les historiens disent qu’en 1338 & 1339 il fut arrêté dans l’assemblée des états généraux, en présence du roi, que l’on ne pourroit imposer ni lever tailles en France sur le peuple, même en cas de nécessité ou utilité, que de l’octroi des états.

Ceux qui furent assemblés en 1343, accorderent à Philippe-de-Valois un droit sur les boissons & sur le sel pendant le tems de la guerre. Il y avoit eu des avant 1338 une gabelle imposée sur le sel ; mais ces impositions ne duroient que pendant la guerre, & l’on ne voit point si les premieres furent faites en conséquence d’un consentement des états. Pour ce qui est de l’imposition faite en 1343, on étoit alors si agité qu’on ne parla point de l’emploi qui devoit être fait ; ce que les états n’avoient point encore omis.

Aucun prince n’assembla si souvent les états que le roi Jean ; car sous son regne il y en eut presque tous les ans, soit de généraux ou de particuliers, jusqu’à la bataille de Poitiers.

L’objet de toutes ces assemblées étoit toûjours de la part du prince de demander quelque aide ou autre subside pour la guerre ; & de la part des états, de prendre les arrangemens convenables à ce sujet. Ils prenoient aussi souvent de-là occasion de faire diverses représentations pour la réformation de la justice, des finances, & autres parties du gouvernement ; après la séance des états il paroissoit communément une ordonnance pour régler l’aide qui avoit été accordée, & les autres objets sur lesquels les états avoient délibéré, supposé que le roi jugeât à propos d’y faire droit.

Il y eut à Paris le 13 Février 1350 une assemblée générale des états tant de la Languedoil que de la Languedoc, c’est-à-dire des deux parties qui faisoient alors la division du royaume : on croit néanmoins que les députés de chaque partie s’assemblerent séparément. Les prélats accorderent sur le champ le subside qui étoit demandé ; mais les nobles & la plûpart des députés des villes qui n’avoient pas de pouvoir suffisant, furent renvoyés dans leur province pour y délibérer. Le roi y indiqua des assemblées provinciales, & y envoya des commissaires qui accorderent quelques-unes des demandes ; & sur les autres, il fut député pardevers le roi. Quelques provinces accorderent un subside de six deniers ; d’autres seulement de quatre.

Il paroît que sous le regne du roi Jean on n’assembla plus en même tems & dans un même lieu les états de la Languedoil & ceux de la Languedoc, & que l’on tint seulement des assemblées provinciales d’états. Il y eut entre autres ceux du Limousin en 1355, où l’on trouve l’origine des cahiers que les états présentent au roi pour exposer leurs demandes. Ceux de Limosin en présenterent un, qui est qualifié en plusieurs endroits de cédile.

Suivant les pieces qui nous restent de ces différentes assemblées, on voit que le roi nommoit d’abord des commissaires qui étoient ordinairement choisis parmi les magistrats, auxquels il donnoit pouvoir de convoquer ces assemblées, & d’y assister en son nom ; qu’il leur accordoit même quelquefois la faculté de substituer quelqu’un à la place de l’un d’eux.

Ces commissaires avoient la liberté d’assembler les trois états dans un même lieu, ou chaque ordre séparément, & de les convoquer tous ensemble, ou en des jours différens.

Les trois ordres, quoique convoqués dans un même lieu, s’assembloient en plusieurs chambres ; ils formoient aussi leurs délibérations, & présentoient leurs requêtes séparément ; c’est pourquoi le roi à la fin de ces assemblées confirmoit par ses lettres tout ce qui avoit été conclu par chaque ordre, ou même par quelques députés d’un des ordres en particulier.

On appelloit états généraux du royaume ceux qui étoient composés des députés de toutes les provinces : on donnoit aussi le titre d’états généraux, à l’assemblée des députés des trois ordres de la Languedoil ou de la Languedoc ; parce que ces assemblées étoient composées des députés de toutes les provinces que comprenoient chacune de ces deux parties du royaume ; de sorte que les états particuliers ou provinciaux étoient seulement ceux d’une seule province, & quelquefois d’un seul bailliage ou sénéchaussée.

Les états géneraux de la Languedoil ou pays coûtumier, furent assemblés en la chambre du parlement en 1355. Le chancelier leur ayant demandé une aide, ils eurent permission de se consulter entre eux ; ensuite ils se présenterent devant le roi en la même chambre, & offrirent d’entretenir 30000 hommes d’armes à leurs frais. Cette dépense fut estimée 50000 liv. & pour y subvenir, les états accorderent la levée d’une imposition.

L’ordonnance qui fut rendue à cette occasion le 28 Décembre 1355, fait connoître quel étoit alors le pouvoir que les états s’étoient attribué. Ils commencerent, par la permission du roi, à délibérer 1°. sur le nombre des troupes nécessaires pour la guerre ; 2°. sur les sommes nécessaires pour soudoyer l’armée ; 3°. sur les moyens de lever cette somme, & sur la régie & emploi des deniers ; ils furent même autorises à nommer des généraux des aides pour en avoir la sur-intendance, & des élûs dans chaque diocese pour faire l’imposition & levée des deniers, usages qui ont subsisté jusqu’à ce que le roi se réserva la nomination des généraux, & qu’il érigea les élûs en titre d’office ; il fut aussi arrêté que le compte de la levée & emploi des deniers seroit rendu en présence des états, qui se rassembleroient pour cet effet dans le tems marqué.

Les états avoient aussi demandé que l’on réformât plusieurs abus qui s’étoient glissés dans le gouvernement ; & le roi considérant la clameur de son peuple, fit plusieurs réglemens sur les monnoies, sur les prises de vivres & provisions qui se faisoient pour le roi & pour sa maison, sur les prêts forcés d’argent, sur la jurisdiction des juges ordinaires, enfin sur plusieurs choses qui concernoient la discipline des troupes.

Lorsque le roi Jean fut pris par les Anglois, le dauphin encore jeune croyant devoir ménager tous les différens ordres du royaume dans une conjoncture si fâcheuse, assembla les états à Paris au mois de Mai 1356, dans la salle du parlement, pour lui donner aide & conseil, tant pour procurer la prompte délivrance du roi, que pour gouverner le royaume & conduire la guerre pendant son absence. Il se crut d’autant plus obligé d’en user ainsi, qu’il ne prenoit encore d’autre qualité que celle de lieutenant général du royaume, dont la régence ne lui fut formellement déférée qu’un an après par le parlement.

Les députés ayant obtenu un délai pour délibérer entre eux, tinrent des assemblées particulieres dans le couvent des Cordeliers ; s’étant plaints au dauphin que la présence des commissaires du roi gênoit la liberté des délibérations, ces commissaires furent rappellés. On convint de cinquante députés des trois ordres pour dresser un projet de réformation ; on délibéra aussi sur ce qui touchoit la guerre & la finance.

Le dauphin étant venu à leur assemblée, ils lui demanderent le secret, à quoi il ne voulut pas s’obliger. Les députés au lieu de s’occuper à chercher les moyens de délivrer le roi qui étoit prisonnier à Londres, firent des plaintes sur le gouvernement & voulurent profiter des circonstances, pour abaisser injustement l’autorité royale. Ils firent des demandes excessives qui choquerent tellement le dauphin, qu’il éluda long-tems de leur rendre réponse : mais enfin