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rités nommément, afin que le testament fût valable.

Ces dispositions du droit prétorien furent adoptées par les lois du digeste & du code, par rapport à la nécessité d’institution ou exhérédation expresse de tous les enfans sans distinction de sexe ni d’état.

Justinien fit néanmoins un changement par la loi 30. au code de inoff. testam. & par la novelle 18. ch. j. par lesquelles il dispensa d’instituer nommément les enfans & autres personnes qui avoient droit d’intenter la plainte d’inofficiosité, ou de demander la possession des biens contra tabulas, c’est-à-dire les descendans par femme, les enfans émancipés & leurs descendans, les ascendans & les freres germains ou consanguins, turpi personâ institutâ ; il ordonna qu’il suffiroit de leur laisser la légitime à quelque titre que ce fût, même de leur faire quelque libéralité moindre que la légitime, pour que le testament ne pût être argué d’inofficiosité. Cette loi, au surplus, ne changea rien par rapport aux enfans étant en la puissance du testateur.

Ce qui vient d’être dit ne concernoit que le pere & l’ayeul paternel, car il n’en étoit pas de même de la mere & des autres ascendans maternels ; ceux-ci n’étoient pas obligés d’instituer ou deshériter leurs enfans & descendans ; ils pouvoient les passer sous silence, ce qui opéroit à leur égard le même effet que l’exhérédation prononcée par le pere. Les enfans n’avoient d’autre ressource en ce cas, que la plainte d’inofficiosité, en établissant qu’ils avoient été injustement prétérits.

La novelle 115, qui forme le dernier état du droit romain sur cette matiere, a suppléé ce qui manquoit aux précédentes lois : elle ordonne, ch. iij. que les peres, meres, ayeuls & ayeules, & autres ascendans, seront tenus d’instituer ou deshériter nommément leurs enfans & descendans ; elle défend de les passer sous silence ni de les exhéréder, à moins qu’ils ne soient tombés dans quelqu’un des cas d’ingratitude exprimés dans la même novelle ; & il est dit que le testateur en fera mention, que son héritier en fera la preuve, qu’autrement le testament sera nul quant à l’institution ; que la succession sera déférée ab intestat, & néanmoins que les legs & fideicommis particuliers, & autres dispositions particulieres, seront exécutées par les enfans devenus héritiers ab intestat.

Suivant cette novelle, il n’y a plus de différence entre les ascendans qui ont leurs enfans en leur puissance, & ceux qui n’ont plus cette puissance sur leurs enfans ; ce qui avoit été ordonné pour les héritiers siens, a été étendu à tous les descendans sans distinction.

A l’égard des causes pour lesquelles les descendans peuvent être exhérédés, la novelle en admet quatorze.

1°. Lorsque l’enfant a mis la main sur son pere ou autre ascendant pour le frapper, mais une simple menace ne suffiroit pas.

2°. Si l’enfant a fait quelqu’injure grave à son ascendant, qui fasse préjudice à son honneur.

3°. Si l’enfant a formé quelqu’accusation ou action criminelle contre son pere, à moins que ce ne fût pour crime de lese-majesté ou qui regardât l’état.

4°. S’il s’associe avec des gens qui menent une mauvaise vie.

5°. S’il a attenté sur la vie de son pere par poison ou autrement.

6°. S’il a commis un inceste avec sa mere : la novelle ajoûte, ou s’il a eu habitude avec la concubine de son pere ; mais cette derniere disposition n’est plus de notre usage, comme on l’a déjà observé en parlant de l’exhérédation des ascendans.

7°. Si l’enfant s’est rendu dénonciateur de son pere ou autre ascendant, & que par-là il lui ait causé quelque préjudice considérable.

8°. Si l’enfant mâle a refusé de se porter caution

pour délivrer son pere de prison, soit que le pere y soit detenu pour dettes ou pour quelque crime, tel qu’on puisse accorder à l’accusé son élargissement en donnant caution ; & tout cela doit s’entendre supposé que le fils ait des biens suffisans pour cautionner son pere, & qu’il ait refusé de le faire.

9°. Si l’enfant empêche l’ascendant de tester.

10°. Si le fils, contre la volonté de son pere, s’est associé avec des mimes ou bateleurs & autres gens de théatre, ou parmi des gladiateurs, & qu’il ait persévéré dans ce métier, à moins que le pere ne fût de la même profession.

11°. Si la fille mineure, que son pere a voulu marier & doter convenablement, a refusé ce qu’on lui proposoit pour mener une vie desordonnée ; mais si le pere a négligé de marier sa fille jusqu’à 25 ans, elle ne peut être deshéritée, quoiqu’elle tombe en faute contre son honneur, ou qu’elle se marie sans le consentement de ses parens, pourvû que ce soit à une personne libre.

Les ordonnances du royaume ont reglé autrement la conduite que doivent tenir les enfans pour leur mariage : l’édit du mois de Février 1556 veut que les enfans de famille qui contractent mariage sans le consentement de leurs pere & mere, puissent être exhérédés sans espérance de pouvoir quereller l’exhérédation ; mais l’ordonnance excepte les fils âgés de 30 ans & les filles âgées de 25, lorsqu’ils se sont mis en devoir de requérir le consentement de leurs pere & mere : l’ordonnance de 1639 veut que ce consentement soit requis par écrit, ce qui est encore confirmé par l’édit de 1697.

12°. C’est encore une autre cause d’exhérédation, si les enfans négligent d’avoir soin de leurs pere, mere, ou autre ascendant, devenus furieux.

13°. S’ils négligent de racheter leurs ascendans detenus prisonniers.

14°. Les ascendans orthodoxes peuvent deshériter leurs enfans & autres descendans qui sont hérétiques. Les exhérédations prononcées pour une telle cause avoient été abolies par l’édit de 1576, confirmé par l’article 31 de l’édit de Nantes ; mais ce dernier édit ayant été révoqué, cette regle ne peut plus guere être d’usage en France.

Il n’est pas nécessaire en pays coûtumier, pour la validité du testament, d’instituer ou deshériter nommément les enfans & autres descendans ; mais ils peuvent y être deshérités pour les mêmes causes que la novelle 115 admet ; & lorsque l’exhérédation est declarée injuste, tout le testament est nul comme fait abirato, à l’exception des legs pieux faits pour l’ame du défunt, pourvû qu’ils soient modiques. Voy. au digeste liv. XXVIII. tit. ij. au code liv. VI. tit. xxviij. aux instit. liv. II. tit. xiij. Furgole, tr. des testamens, tom. III. ch. viij. sect. 2. (A)

Exhérédation des Freres & Sœurs. Voyez ci-devant Exhérédation des Collatéraux.

Exhérédation Officieuse, est celle qui est faite pour le bien de l’enfant exhérédé, & que les lois mêmes conseillent aux peres sages & prudens, comme dans la loi 16. §. 2. ff. de curator. furioso dandis.

Suivant la disposition de cette loi, qui a été étendue aux enfans dissipateurs, le pere peut deshériter son enfant qui se trouve dans ce cas, & instituer ses petits-enfans, en ne laissant à l’enfant que des alimens, & cette exhérédation est appellée officieuse. V. Furieux & Prodigue. (A)

Exhérédation des Pere & Mere. Voyez ci-devant Exhérédation des Ascendans.

Exhérédation Tacite, est celle qui est faite en passant sous silence dans le testament, celui qui devoit y être institué ou deshérité nommément ; c’est ce que l’on appelle plus communément prétérition. Voyez Prétérition. (A)