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Ces exhalaisons paroissent comme un brouillard qui s’éleve dans les soûterreins des mines ; quelquefois elles ne s’élevent que jusqu’à cinq ou six pouces au dessus du sol de la mine ; d’autres fois elles s’annoncent en affoiblissant peu-à-peu, & même éteignant tout-à-fait les lampes des ouvriers : elles se manifestent aussi sous la forme de filamens ou de toiles d’araignées, qui en voltigeant s’allument à ces lampes, & produisent, comme nous l’avons remarqué à l’article Charbon fossile, les effets de la poudre à canon ou du tonnerre. Voyez cet article. Mais le phénomene le plus singulier que les exhalaisons nous présentent, c’est celui que les mineurs nomment ballon. On prétend qu’on voit à la partie supérieure des galeries des mines, une espece de poche arrondie, dont la peau ressemble à de la toile d’araignée. Si ce sac vient à se crever, la matiere qui y étoit renfermée se répand dans les soûterreins, & fait périr tous ceux qui la respirent. Voyez le dictionn. de Chambers. Les mineurs anglois croyent que ce ballon est formé par les émanations qui partent de leurs corps & de leurs lumieres ; s’élevent vers la partie supérieure des galeries soûterreines, s’y condensent, & se couvrent à la longue d’une pellicule, au-dedans de laquelle elles se corrompent & deviennent pestilentielles : au reste chacun est le maître d’en penser ce qu’il voudra.

Les exhalaisons minérales, quoique toûjours pernicieuses, n’ont cependant point toutes le même degré de malignité. Les minéralogistes allemands nomment schwaden les plus mauvaises ; elles se font sentir principalement dans les mines d’où l’on tire des minéraux sujets à se décomposer par le contact de l’air, telles que les terres alumineuses & sulphureuses ; & ceux dans la composition desquels il entre beaucoup d’arsenic, comme sont les mines d’argent rouges & blanches, les mines d’étain, les mines de fer arsénicales, les pyrites arsénicales blanches, les mines de colbalt, &c. d’où l’on voit que la malignité de ces exhalaisons ou mouphetes, vient de l’arsenic dont elles sont chargées ; & il y a lieu de croire que ce qui les excite, est l’espece de fermentation que cause la chaleur soûterreine.

Heureusement ces exhalaisons ne regnent pas toûjours dans les mines ; il y en a qui ne s’y font sentir que dans de certains tems ; d’autres ne se manifestent qu’accidentellement, c’est-à-dire lorsque les ouvriers viennent à percer avec leurs outils dans des fentes ou cavités, dans lesquelles des minéraux arsénicaux ont été décomposés, ou bien qui ont servi de retraite à des eaux croupies, à la surface desquelles ces exhalaisons se présentent quelquefois sous la forme d’une vapeur bleuâtre, qui sort par le mouvement causé à ces eaux, & se répand dans les soûterreins par les passages qu’on lui a ouverts ; elle est souvent accompagnée d’une odeur très-fétide. Il ne faut point confondre avec les mouphetes que nous venons de décrire, les exhalaisons qui regnent dans certaines mines, où l’on a été obligé de mettre le feu, afin de détacher le minéral de la roche dans laquelle il se trouve enveloppé ; comme cela se pratique quelquefois, & sur-tout dans les mines d’étain. On sent aisément que par cette opération il doit s’exciter dans les soûterreins des vapeurs & fumées, qu’il seroit très-dangereux de respirer.

Il y a d’autres exhalaisons minérales qui, sans être arsénicales, ne laissent point que d’être très-dangereuses, & de produire de funestes effets ; telles sont celles qui sont sulphureuses, & par lesquelles, pour parler le langage de la Chimie, l’acide sulphureux volatil est dégagé ; souvent elles font périr ceux qui ont le malheur d’y être exposés. Celles dont il est parlé dans l’article Charbon fossile sont de cette espece. Il y a lieu de croire qu’il en est de même de

celles qui se font sentir en Italie, dans la fameuse grotte du chien, &c.

Souvent il se fait à la surface de la terre, & dans son intérieur, des exhalaisons très-sensibles & très-considérables : elles se montrent sur-tout le matin, dans le tems que la rosée tombe ; & à la suite de ces exhalaisons, les mineurs trouvent les filons des mines qui sont dans le voisinage stériles, dépourvus du minéral qu’ils contenoient, & semblables à des os cariés ou à des rayons de miel ; pour lors ils disent qu’ils sont venus trop tard. C’est-là proprement ce qu’on nomme exhalaison, exhalatio, en allemand ausswitterng. Quelquefois l’effet en est plus rapide, les vapeurs paroissent enflammées, elles sortent de la terre accompagnées d’une épaisse fumée, & produisent des éruptions, à la suite desquelles les veines métalliques se trouvent détruites. Ces phénomenes semblent avoir la même cause que les volcans. Voyez cet article. Enfin il y a encore des exhalaisons ou vapeurs que l’on appelle inhalationes, en allemand einwitterung ; on désigne par-là les vapeurs qui regnent dans les soûterreins des mines qui ont été long-tems abandonnées, & à la suite desquelles quelques auteurs disent qu’on trouve une matiere visqueuse ou gélatineuse, attachée aux parois des soûterreins, dont par la suite des tems il se forme des minéraux métalliques. Quoi qu’il en soit, il paroît qu’il n’est point douteux que les exhalaisons qui s’excitent dans les entrailles de la terre, ne contribuent infiniment à la formation des métaux, ou du moins à la composition & décomposition des minéraux métalliques, puisqu’il est aisé de voir que par leur moyen il se fait continuellement des dissolutions, qui ensuite sont suivies de nouvelles combinaisons. Pour peu qu’on fasse réflexion à ce qui vient d’être dit, on verra que les exhalaisons minérales jouent un grand rôle dans la nature, & sur-tout pour la crystallisation & la minéralisation. Voyez ces deux articles. Il y a aussi tout lieu de croire que c’est à ces exhalaisons minérales que toutes les pierres colorées sont redevables de leurs couleurs ; parce que les parties métalliques mises dans l’état de vapeurs, sont atténuées au point de pouvoir pénétrer les substances les plus dures & les plus compactes. C’est le sentiment du célebre Kunckel.

M. Lehmann, savant minéralogiste, a fait un excellent commentaire allemand sur un assez mauvais traité des mouphetes de Théobald. Il finit son commentaire par conclure, que les exhalaisons minérales ou mouphetes ne sont autre chose « qu’un corps composé d’une terre très-atténuée, d’un soufre très-subtil, & d’un sel très-volatil, qui produit sur les roches & pierres, dans le sein de la terre, la même chose que le levain produit sur la pâte, c’est-à-dire qu’il pénetre, développe, mûrit, & augmente ».

Les exhalaisons minérales étant aussi dangereuses & incommodes qu’on l’a vû dans cet article, on prend un grand nombre de précautions pour en garantir les ouvriers, & pour faciliter la circulation de l’air dans les soûterreins. On se sert pour cela des percemens, quand il est possible de les pratiquer, c’est-à-dire qu’on ouvre une galerie horisontale au pié d’une montagne ; & cette galerie fait, avec les bures ou puits perpendiculaires de la mine, une espece de syphon qui favorise le renouvellement de l’air. Mais de toutes les méthodes qu’on puisse employer, il n’en est pas de plus sûre que la machine de Sutton Voyez cet article. (—)

* EXHALATOIRE, s. f. (Fontaine salante.) c’est une sorte de construction particuliere aux salines de Rosieres. Derriere les poesles il y a des poeslons qui ont vingt-un piés de long sur cinq de large ; & derriere ces poeslons, une table de plomb à-peu-près de même longueur & largeur, sur laquelle sont éta-