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senter aux soldats, que si un cheval s’effarouche d’un homme qui tient ferme, n’ayant qu’un bâton à la main, à plus forte raison ils trouveront que les efforts de la cavalerie sont inutiles contre des bataillons serrés, dont les bayonnettes, les balles & l’éclat des armes, la fumée & le bruit de la poudre sont plus capables d’épouvanter les chevaux ». Reflex. milit. tom. III. pag. 85.

A l’exercice concernant le maniement des armes, on a ajoûté l’exercice du feu, comme le nomme l’instruction du 14 Mai 1754 : exercice très-essentiel, qui consiste à accoûtumer les troupes à tirer ensemble, ou séparément, par section, pelotons, &c. suivant qu’on le juge à-propos. Voyez Feu.

Le fond & la forme de notre exercice ordinaire est fort ancien. Il paroît être imité de celui des Grecs, rapporté par Elien dans son traité de Tactique. Le P. Daniel croit que nous l’avons rétabli & perfectionné sur le modele des Hollandois ; & cela sur ce que M. de Montgommeri de Corboson, qui vivoit sous Charles IX. & Henri III. parlant dans son traité de la milice françoise, de l’exercice particulier des soldats décrit par Elien, le compare avec celui qui se faisoit alors en Hollande sous le comte Maurice, & non point avec celui qui se faisoit en France.

On trouve dans le livre intitulé le Maréchal de bataille, par Lostelneau, imprimé en 1647, l’exercice & les évolutions en usage dans les troupes du tems de Louis XIII.

Louis XIV. donna un reglement sur ce sujet en 1703. Comme les troupes avoient encore alors des mousquets & des piques, on fut obligé de le réformer peu de tems après, à cause de la suppression de ces deux armes, ce qui arriva vers l’année 1704. Ce reglement accommodé à l’usage des troupes armées de fusils, qu’on trouve dans le code militaire de M. Briquet & dans beaucoup d’autres livres, a été assez constamment & uniformément observé par toute d’infanterie, jusqu’à l’ordonnance du 7 Mai 1750, qui a introduit beaucoup de changemens dans l’ancien exercice. Voyez cette ordonnance, l’instruction concernant son exécution donnée en 1753 ; celle du 14 Mai 1754, qui rassemble tout ce qui avoit été précédemment ordonné sur cette matiere ; & l’ordonnance du 6 Mai 1755. Voyez aussi, page 131 de l’art de la guerre par M. le maréchai de Puysegur, com. I. à quoi l’on peut réduire le maniement des armes, pour ne rien faire d’inutile.

Les majors des places doivent, suivant les reglemens militaires, faire faire l’exercice général aux troupes de la garnison une fois le mois ; & les majors des régimens d’infanterie, deux fois la semaine aux soldats des compagnies qui ne sont pas de garde. Ordonn. de Louis XIV. du 12 Oct. 1661.

A cet exercice, nécessaire pour apprendre aux soldats le maniement des armes dont ils se servent, M. le Marquis de Santa-Crux voudroit qu’on ajoûtât les exercices généraux qui peuvent les rendre plus propres aux différens travaux qu’ils ont à faire dans les armées. « Il faut, dit cet auteur, accoûtumer les soldats à remuer la terre, à faire les fascines & à les poser ; à planter des piquets, à savoir se servir de gabions pour se retrancher en formant le fossé, le parapet, & la banquette dans l’endroit que les ingénieurs auront tracé, ou le parapet & la banquette seulement, prenant la terre en-dedans de la même maniere que cela se pratique dans les tranchées pour les attaques des places ; car lorsqu’il est besoin de faire de semblables travaux, sur-tout à la vûe de l’ennemi, les troupes qui ne s’y sont pas exercées se trouvent embarrassées & les font imparfaitement ou trop lentement ». Reflexions milit. tom. I. p. 393. de la trad. de M. de Vergy.

Ce même auteur veut aussi qu’on accoûtume les

soldats à conserver dans les marches, le pain qu’on leur distribue pour un certain tems, parce qu’on voit dans divers corps un si grand desordre à ce sujet, « que dès le premier jour les soldats vendent leur pain ou le jettent pour n’avoir pas la peine de le porter ; & après ils sont obligés de voler pour vivre, ou ils sont bien malades faute de nourriture, ou la faim les fait deserter ». Même vol. que ci-devant, p. 398.

Cet auteur veut encore qu’on instruise les fantassins à monter en croupe de la cavalerie, parce que cela est souvent nécessaire pour les passages des rivieres, les marches précipitées, &c. Il observe aussi « que les anciens apprenoient aux soldats à manier les armes des deux mains, & qu’il ne seroit pas inutile que le soldat sût tirer de la main gauche dans les défenses des murailles & des retranchemens qui ont un angle fort obtus vers la droite, ou lorsqu’étant à cheval il est nécessaire de tirer vers le côté droit : qu’il y auroit également de l’avantage à exercer les cavaliers à se servir de la main gauche pour le sabre, sur-tout lorsque dans les escarmouches l’ennemi lui gagne ce côté-là, parce qu’alors ils ne peuvent pas se servir du sabre avec la main droite, à moins qu’il ne soit si long, qu’il puisse blesser de la pointe.

» Les Germains, du tems qu’ils n’étoient pas moins guerriers qu’ils le sont aujourd’hui, dit toûjours M. de Santa-Crux, accoûtumoient leurs troupes à souffrir la faim, la soif, la chaleur, & le froid. Platon ajoûte à ce conseil celui de les accoûtumer à la dureté du lit ; à l’égard de ce dernier, les entrepreneurs ont grand soin qu’il soit observé : quant aux autres, quoique les accidens de la guerre y exposent assez de tems en tems, il est certain que si dans une longue paix on n’est pas exposé nécessairement à essuyer quelque fatigue, il faudroit s’accoûtumer à celle que le métier force souvent d’endurer, &c. ».

Quant à la cavalerie, M. de Santa-Crux veut que les cavaliers exercent leurs chevaux à franchir des fossés, à grimper sur des montagnes, & à galoper dans les bois, afin que ces différens obstacles ne les arrêtent point dans l’occasion ; que les chevaux soient habitués à tourner promptement de l’une & de l’autre main ; qu’on les empêche de ruer, de peur qu’ils ne mettent les escadrons en desordre ; qu’on évite avec soin qu’ils ne prennent le mords aux dents, & qu’ils ne jettent les cavaliers par terre ou qu’ils ne les emportent malgré eux au milieu des ennemis. A ces avis généraux, tirés de Xénophon dans son traité du général de la Cavalerie, M. de Santa-Crux ajoûte qu’il faut accoûtumer les chevaux à ne pas s’épouvanter de la fumée, du bruit de la poudre, de celui des tambours & des trompettes dont on se sert dans les armées : il propose aussi de mettre aux chevaux des brides qui les obligent à tenir la tête un peu élevée, afin que les cavaliers soient plus couverts ; d’avoir des étriers un peu courts, parce qu’en s’appuyant dessus on a plus de force, & qu’on peut alonger plus facilement le corps & le bras pour frapper, &c. Voyez le xxviij. & le xxjx. chapitres des réflex. milit. de M. de Santa-Crux, com. I.

Les exercices de la cavalerie dont on vient de parler, sont des exercices généraux qui peuvent lui être très-utiles ; mais à l’égard de celui qui concerne le maniement des armes, soit à pié soit à cheval, qu’on appelle ordinairement l’exercice de la cavalerie, nous renvoyons à l’ordonnance du 22 Juin 1755. Nous observerons seulement ici sur ce sujet, qu’un point très-essentiel dans cet exercice, c’est de bien accoûtumer la cavalerie à marcher ensemble, de maniere que les différens rangs de l’escadron se meuvent comme s’ils formoient un corps solide, sans déranger leur