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levé, & il le joindra plus loin en parcourant la ligne AO ; mais si le vaisseau chassé reste de l’arriere, il reste plus à l’oüest : alors il faudra que le vaisseau A arrive, jusqu’à ce qu’il remette le vaisseau B au sud, rumb rhelevé, & il le joindra au point M en parcourant la ligne AM ; ce qui prouve qu’il faut avoir à chaque instant l’œil sur le compas.

Il faut remarquer que si le vaisseau A se doit mettre par le travers du vaisseau B dans une autre colonne, il faut tenir le bâtiment B au même air de vent, comme nous venons de dire ; & quand il sera à la distance requise, il tiendra la route du général : mais s’il doit se mettre dans la même ligne, & si c’est de l’avant du vaisseau B, il doit le tenir un peu plus sous le vent ; s’il doit se mettre de l’arriere, il le tiendra un peu plus au vent : l’expérience de l’officier doit décider cette route sans erreur sensible, par un coup-d’œil réglé par la pratique.

Maniere de connoître si on est au vent ou sous le vent d’un autre vaisseau à la voile, figure 2. Dans les différens mouvemens d’une armée navale, une des principales attentions qu’on doit avoir, est d’éviter les abordages : ils sont rares de vent arriere ou largue, un coup de gouvernail en garantit ; mais lorsque deux vaisseaux courent au plus près, l’un amuré stribord, & l’autre bas-bord, & qu’ils sont l’un contre l’autre ; l’entêtement de vouloir passer au vent, ou l’incertitude de la manœuvre que l’on doit faire, si l’on n’a pas de l’expérience, jette souvent dans de fâcheux accidens, & dans des embarras dont on a que trop de peine à se tirer.

Pour ne courir aucun risque, il faut relever de bonne-heure, avec un compas de variation, le navire qui vient à votre rencontre ; s’il vous reste dans la perpendiculaire au lit du vent, les deux vaisseaux sont également au vent, & se rencontreroient, si l’un des deux ne prenoit le parti d’arriver ; ce qu’il faut cependant toûjours faire sans balancer. Cette figure fera mieux connoître ce qui en est. Les vaisseaux A & B vont au plus près d’un vent du nord, l’un amuré stribord, & l’autre bas-bord ; ils se trouvent est & oüest l’un de l’autre, qui est la ligne AB perpendiculaire au lit du vent FG ; s’ils font toûjours la même route, & qu’ils parcourent l’un la ligne AE, & l’autre la ligne BE, avec des circonstances semblables, c’est-à-dire tenant également le plus près, & allant également vîte, ils se rencontreront au point E, puisqu’ils parcourent deux lignes égales, & que les angles EBG & EAG sont égaux.

Si le vaisseau C va à l’encontre du vaisseau B avec les mêmes circonstances, & que la ligne CH qui est tirée du vaisseau C perpendiculaire au vent, ne rencontre pas le vaisseau B, & que cette ligne passe du côté d’où le vent vient ; le vaisseau C fera la ligne CF, & arrivera au point F, lorsque l’autre sera au point E, & il se trouvera au vent de la quantité FE égale à la ligne BH ; au contraire, le vaisseau D dont la ligne DI tirée perpendiculaire au vent, ne rencontre pas le vaisseau B, & passe sous le vent, c’est-à-dire du côté du sud, sera sous le vent du vaisseau B, & viendra au point G lorsque le vaisseau B arrivera au point E, & il sera sous le vent de la quantité GE, égale à BI.

Ainsi lorsqu’on fera exactement toutes ces observations, & qu’on relevera de bonne-heure le vaisseau qui court sur vous, on aura le tems d’arriver pour éviter l’abordage ; ce qu’on doit faire sans obstination, sur-tout lorsqu’il est question d’un pavillon, ou d’un capitaine plus ancien. Il est dangereux d’attendre trop tard pour arriver ; on n’y est plus à tems, lorsqu’on est à une certaine distance ; & pour lors le seul parti qu’il y ait à prendre, c’est que les deux vaisseaux donnent vent devant.

Figure 3. Cette figure sert à démontrer que le

plus court chemin qu’on puisse faire pour aller à un vaisseau qu’on chasse, & sur lequel on peut mettre le cap sans lovoyer, est de se tenir toûjours au même air de vent auquel on l’a relevé aussi-tôt qu’on l’a découvert. Je suppose que le vent est à l’est, & que le navire qu’on chasse est au nord-oüest de vous à six lieues, c’est-à-dire que le chasseur est au point A, & le chassé en B ; s’il prend chasse en faisant le nord-oüest, dont la ligne A2 marque le chemin, en faisant le nord oüest comme lui, il reste toûjours au même air de vent ; & le plus court chemin d’aller à lui, est de suivre la même ligne. Si vous lui gagnez une lieue sur trois lieues, quand il aura fait ses trois, vous en aurez fait quatre ; il est certain que quand il en aura fait dix huit, vous en aurez fait vingt-quatre, & que vous aurez gagné sur lui les six lieues qu’il avoit d’avance sur vous, & que vous le joindrez au point 2 : on voit par-là qu’il vous faut faire plus de chemin sur cet air de vent pour le joindre, que sur tous les autres qu’il peut courir : qu’il fasse, par exemple, le nord nord-oüest en parcourant la ligne BR ; lorsqu’il arrivera au point N, le chasseur sera en S ; & il lui restera au nord-oüest, la ligne NS étant parallele à la ligne BA, qui est au nord-oüest ; lorsqu’il sera au point L, l’autre arrivera en T, & ils seront toûjours sud-est & nord-oüest l’un de l’autre.

Il n’y a qu’à jetter la vûe sur ces différentes positions & figures, pour voir que toutes les lignes des différens triangles sont toutes des nord-oüest ; & lorsque le vaisseau chassé seroit au point R, le chasseur l’y joindra, l’ayant toûjours tenu au même air de vent : mais il aura fait moins de chemin pour l’attraper, puisque le vaisseau B n’aura fait que seize lieues & demie, & le navire A un peu plus de vingt-deux. Il arrivera la même chose, lorsque le navire B prendra chasse à l’oüest-nord-oüest, en parcourant la ligne B10 ; parce que cet air de vent est à la même distance du nord-oüest, que le nord-nord-oüest dont je viens de parler : toute la différence qu’il y aura, c’est que dans la chasse du nord-nord-oüest, le chasseur fera sa route entre le nord-oüest quart de nord & le nord-nord-oüest, & dans la chasse de l’oüest-nord-oüest, le chasseur courra entre le nord-oüest quart d’oüest, & l’oüest-nord-oüest. L’on voit par cette démonstration, que plus le vaisseau chassé s’éloignera de la ligne du nord-oüest, moins le chasseur aura de chemin à faire pour le joindre ; s’il veut s’enfuir en faisant le nord, il parcourt BG, où il sera joint, & le chasseur fera le nord quart de nord-oüest prenant quelques degrés vers le nord-oüest, décrivant la ligne AG, où vous voyez qu’il lui reste toûjours au nord-oüest, & qu’il le joindra après avoir couru dix-huit lieues , pendant que le chassé n’en fera que quatorze : mais s’il prenoit chasse au nord-nord-est, il décriroit la ligne B3, & le chasseur, A3 qui est le nord prenant un peu de l’oüest, & il le joindra quand il aura fait près de quatorze lieues, & l’autre dix &  ; mais il reste toûjours au nord-oüest, comme il est facile à remarquer. Il faut avec le compas le relever à chaque instant, & tenir le vent, ou arriver, selon qu’on supposeroit que le vaisseau chassé va de l’avant, ou reste de l’arriere.

Utilité du quarré pour les mouvemens d’une armée navale, fig. 4. Pour faciliter les mouvemens d’une armée, & pour éviter l’embarras d’avoir toûjours un compas devant les yeux, il faut avoir sur le gaillard de l’arriere un grand quarré ABCD, dont la ligne EF réponde à la quille du vaisseau, de telle maniere que le point E soit du côté de la proue, & le point F du côté de la poupe : la ligne FE représente donc toûjours la route que tient le vaisseau ; la ligne GH marque son travers ; & quand le vaisseau est au plus près, les diagonales CA, DB, marquent, l’une la route que tiendra le vaisseau quand il aura reviré,