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III. Le peloton composé des soldats surnuméraires, se placera en S derriere la colonne, à quatre pas de deux piés en-arriere de son dernier rang : ce peloton sera sur trois rangs.

IV. La compagnie G de grenadiers du bataillon AB de la droite, ayant fait à-gauche au commandement de marche, occupera successivement le vuide que le départ des pelotons laissera à sa gauche, & elle arrivera ainsi sur le flanc droit de la queue de la colonne, au dernier rang de laquelle elle appuiera la file gauche de son premier rang à deux pas de deux piés, en-dehors de l’éloignement du flanc droit de la colonne ; comme on le voit en G. A l’égard des grenadiers du bataillon de la gauche CD, ils viendront se placer de même en G sur le front gauche, à la queue de la colonne. Ces deux compagnies ont dans la figure plus de front que les pelotons, parce qu’elles sont à trois de hauteur, & qu’elles sont plus nombreuses que les autres du bataillon.

V. Les tambours, à l’exception de deux qui se tiendront aux deux côtés de la colonne, se placeront à droite & à gauche du peloton surnuméraire S.

VI. La colonne ainsi formée, aura deux pelotons de front & six de profondeur ; c’est-à-dire environ vingt-quatre soldats de front, & trente-six de profondeur.

VII. La colonne se divise en trois sections ; la premiere, composée des premiers & troisiemes pelotons ; la seconde, des cinquiemes & sixiemes ; & la derniere, des quatriemes & deuxiemes. Ces sections, soit en marchant ou lorsque la colonne est arrêtée, doivent toûjours conserver quatre pas de deux piés, de distance entr’elles.

On peut voir dans l’ordonnance du 6 Mai 1755, que nous avons presque copiée jusqu’ici, quels sont les signaux prescrits pour la faire marcher de différens sens, & la maniere de la rompre pour la remettre en bataille.

Ceux qui connoissent le traité de la colonne de M. le chevalier de Folard, s’appercevront aisément que la précédente a beaucoup de rapport à celle que propose cet habile officier. Elle n’en differe guere.

1°. Qu’en ce que M. de Folard compose la sienne depuis un bataillon jusqu’à six, & que celle dont il s’agit n’en doit avoir que deux.

Et 2°. En ce que cet auteur veut qu’on introduise des armes de longueur dans les corps qui composent sa colonne, comme des especes de piques ou de pertuisanes de onze piés de long. Ces armes doivent être dispersées, de maniere qu’au premier rang de chaque section, & aux deux premieres files des flancs, ou (comme l’auteur les appelle) des faces de la colonne, il y ait un piquier entre deux fusiliers, afin de fraiser ainsi d’armes de longueur les côtés extérieurs de la colonne, pour en rendre l’approche plus respectable à la cavalerie.

Il est certain qu’un corps d’infanterie comme la colonne, armé & disposé de même, ne pourra être entamé que très-difficilement par de la cavalerie, qu’il pourra percer, & culbuter les autres corps qui lui seront opposés, rangés à la méthode ordinaire sur un grand front & peu de profondeur : c’est principalement dans ces sortes de cas, c’est-à-dire lorsqu’on peut approcher de l’ennemi & le charger, que l’on peut tirer de grands avantages de la colonne : car s’il s’agit d’action de feu, elle y est moins propre que le bataillon ordinaire, à cause de l’épaisseur de ses files, & du peu d’étendue de son front. « Aussi M. de Folard dit-il, que le propre de la colonne est dans l’action ; qu’il ne s’agit pas de tirailler, mais d’en venir d’abord aux coups d’armes blanches, & de joindre l’ennemi ; parce qu’alors le feu n’a plus lieu & qu’il n’y en a aucun à essuyer ». Traité de la colonne, pag. 18.

Pour former la colonne, suivant M. le chevalier de Folard, il ne s’agit que de doubler, tripler, quadrupler, & quintupler les files ; c’est-à-dire les hausser ou les baisser, selon la force & la foiblesse des corps.

La méthode qui lui paroît la plus simple pour cet effet, consiste à diviser le bataillon en autant de sections & sur autant de files ou de rangs de front, qu’on en veut mener à la charge.

M. de Folard suppose le bataillon de 550 fusiliers, les grenadiers compris. Ce nombre lui paroît le plus parfait pour former le bataillon. Il suppose aussi qu’il est à cinq de hauteur ; ce qui est la moindre que le bataillon puisse avoir pour le choc.

Cela posé, l’armée étant en bataille sur deux lignes & une reserve, « la cavalerie sur les ailes, & l’infanterie au centre ; la distribution, l’ordonnance des troupes, & le choix des corps qui doivent former les colonnes sur le front étant fait, on séparera les grenadiers de chacun de ces corps ; on commencera par ce commandement :

» A vous bataillons.

» Attention.

» À droite par manches[1] triplez vos files.

» Au commandement, premierement la manche du centre du bataillon rentre dans celle de la droite, le premier rang derriere le premier, le second derriere le second, & ainsi des autres.

» En même tems la manche de la gauche entre dans les deux premieres manches jointes ensemble ; le premier rang derriere le premier de la manche du centre, le deuxieme derriere le deuxieme, & ainsi du reste : de sorte que chaque bataillon se trouve à quinze de hauteur, étant rare qu’il y ait des surnuméraires ».

M. de Folard suppose que le bataillon ainsi mis en colonne, aura trente files de front. Il est évident qu’il en auroit trente-trois au lieu de trente : mais ce savant officier prend ici un nombre rond, qui approche très-sensiblement de la force du bataillon.

« Au commandement précédent, les deux ou les trois compagnies de grenadiers, supposé que la colonne soit de plus de deux bataillons, se porteront à la queue de la derniere section, chacune à cinq ou six de hauteur ». Voyez cette colonne, figure 66. des évolutions, divisée en trois sections avec les grenadiers à la queue.

Si les grenadiers ne font pas corps avec la colonne, c’est qu’il faut toûjours, dit M. de Folard, séparer un corps d’élite & de réputation ; que d’ailleurs comme les bataillons ordinaires ne peuvent résister au choc de la colonne, quand même leur épaisseur seroit triple de celle qu’on leur donne communément, lorsqu’elle les a rompus, on peut faire partir les grenadiers après les fuyards, les jetter dans les intervalles des bataillons ou des escadrons, ou pour tout autre usage que les commandans des colonnes jugeront à-propos.

« Si l’on veut former deux colonnes d’une seule, ou la couper en deux de tête à queue, on fait ce commandement :

» À droite & à gauche formez deux colonnes.

» Marche.

» Halte.

» Ce commandement se fait lorsqu’après avoir percé une ligne, on veut profiter de cet avantage pour tomber à droite & à gauche sur les flancs des bataillons qui sont à côté, & qui soûtiennent encore contre ceux qui leur sont opposés. Ce mouvement ne doit se faire que lorsque la premiere ligne tient ferme encore aux endroits où il n’y a

  1. M. de Folard appelle manche, le tiers du front du bataillon : ainsi le bataillon a trois manches ; savoir celle de la droite, celle du centre, & celle de la gauche.