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Article V.
De la maniere de doubler les rangs & les files d’une troupe ou d’un bataillon, & de les dédoubler.

Doubler les rangs d’une troupe, ce n’est pas lui en donner huit lorsqu’elle n’en a que quatre ; & doubler les files, ce n’est pas non plus si elles sont, par exemple, au nombre de 120 en former 240 ; mais doubler les rangs, c’est doubler le nombre d’hommes de chaque rang ; & doubler les files, c’est également doubler le nombre d’hommes dont elles sont composées.

Ainsi si l’on a un bataillon dans lequel les rangs soient de 120 hommes ; doubler les rangs de ce bataillon, c’est les mettre à 240 ; & doubler les files, si elles sont à quatre hommes, c’est les mettre à huit.

Il est évident qu’en doublant les rangs, on augmente le front du bataillon de moitié, mais qu’on diminue aussi ses files de moitié, & qu’en doublant les files, on diminue le front du bataillon de moitié, mais qu’on augmente sa hauteur de moitié : car comme le bataillon est composé de deux dimensions, savoir, de son étendue de front, & de sa hauteur ou profondeur, & que dans les différens mouvemens, dont nous venons de parler, on n’y ajoûte pas de nouveaux soldats ; il est clair qu’on ne peut augmenter une dimension qu’aux dépens de l’autre, c’est-à-dire le front que par la hauteur, & celle-ci par le front.

Comme ces manœuvres d’augmenter & de diminuer les rangs & les files du bataillon se font plus commodément, & par cette raison plus ordinairement en les augmentant ou diminuant de la moitié, que si on les augmentoit ou diminuoit de toute autre partie, elles ont été appellées doublemens & dédoublemens : de-là vient qu’on les énonce par ces expressions, doubler & dédoubler les rangs, doubler & dédoubler les files.

Ces différentes évolutions ont pour objet d’étendre ou de resserrer le bataillon, pour augmenter la force de l’une ou de l’autre de ses dimensions, suivant le terrein qu’il doit occuper, & la position de l’ennemi qu’il doit combattre. On va donner la maniere de les exécuter.

On peut doubler les rangs en avant & en arriere, & les différentes manœuvres de faire ce mouvement, peuvent, suivant M. Bottée, se réduire à cinq principales.

1°. Par rangs.

2°. Par demi-files.

3°. Par quart de files.

4°. Sur les aîles.

5°. En-dedans ou dans le centre.

Par le premier doublement, on double l’intervalle des rangs en doublant leur étendue.

Par le deuxieme, on conserve le même intervalle des rangs en les doublant.

Par le troisieme, on partage la troupe en deux parties, lorsqu’elle a beaucoup de hauteur, ensorte qu’il y a entre ces deux parties un intervalle capable de contenir plusieurs rangs.

Par le quatrieme, on ouvre les files lorsqu’elles sont trop serrées, de maniere qu’on puisse passer dans les intervalles, & l’on met les chefs de demi-files au premier rang.

Enfin le cinquieme, c’est lorsque les files sont trop serrées, & qu’on veut que le premier rang occupe les aîles ou les flancs du bataillon.

Premier Problème.
Doubler les rangs à droite en-avant.

On commandera au premier & au troisieme rangs de ne point bouger, & au deuxieme & au dernier

de marcher ensemble ; savoir, le second, pour entrer dans les intervalles des hommes du premier, & le quatrieme, pour entrer de même dans le troisieme.

Pour entrer ainsi les uns dans les autres, chaque soldat du second rang va se placer à la droite de son chef de file dans le premier, de même chaque soldat du quatrieme à la droite du troisieme rang qui est dans la même file.

Si le doublement se faisoit à gauche, chaque soldat du deuxieme & quatrieme rang se placeroit à la gauche du soldat qui est vis-à-vis de lui dans le rang qui doit être doublé.

Si la troupe étoit sur un plus grand nombre de rangs que quatre, par exemple sur six, il faudroit ordonner alors au premier, au troisieme & au cinquieme de ne point bouger, ou ce qui est plus commode, ordonner, comme on le fait dans l’usage ordinaire, aux rangs impairs de ne point bouger, & aux autres, c’est-à-dire aux rangs pairs, de doubler, &c.

On double plus communément les rangs à gauche qu’à droite, mais ce mouvement n’a pas plus de difficulté d’un côté que de l’autre.

Soit la troupe ou le bataillon ABCD (fig. 18.), dont on veut doubler les rangs à droite, on commandera donc au premier AB, & au troisieme EF, ou aux rangs impairs, de ne point bouger, & aux deux autres, de doubler ; savoir, le second GH, dans le premier AB, & le dernier DC, dans le troisieme EF ; alors les soldats de GH iront se mettre chacun à la droite de leur chef de file dans le rang AB, pendant que ceux de DC feront de même dans EF.

Pour faire remettre cette troupe dans sa premiere position, on dira : rangs qui avez doublé, remettez-vous ; alors les rangs qui ont doublé, font demi-tour à droite sur le talon droit, lorsque le doublement a été fait à droite, comme on le suppose ici, & à gauche sur le talon gauche, lorsqu’il a été fait à gauche ; & au mot de marche, les soldats des rangs qui ont doublé, partant du pié gauche, font autant de pas pour reprendre les places qu’ils occupoient d’abord, qu’ils en ont fait pour joindre les rangs qu’ils ont doublés.

Lorsqu’ils y sont parvenus, on leur ordonne de s’arrêter, & ensuite de faire face en tête par un demi-tour à droite sur le pié droit, ou par un demi-tour à gauche sur le talon gauche.

On doublera de la même maniere les rangs en arriere ; & pour cet effet, on fera entrer le troisieme rang dans le quatrieme, & le premier dans le second.

Remarques.

I. Plusieurs officiers font remettre par un à-droite ou par un à-gauche, les rangs qui ont doublé ; & cela, parce que les soldats de ces rangs n’ont pas ordinairement assez de place dans les rangs qu’ils ont doublés, pour faire commodément le demi-tour à droite ou à gauche d’ailleurs la marche en devient un peu plus aisée, le soldat se présentant alors plus directement à la ligne oblique qu’il doit décrire pour se remettre, & que de plus, il ne s’agit plus, lorsqu’il est parvenu à son premier poste, que de faire un à-gauche sur le talon gauche, pour faire face à son chef de file.

II. Il est évident que pour doubler les rangs, il faut qu’ils soient en nombre pair dans le bataillon ; c’est pourquoi s’il devient en nombre impair, comme, par exemple, cinq ou sept, on supprimeroit le dernier rang, & l’on en formeroit des files à la droite ou à la gauche du bataillon.