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adjuge la demande, & dont il n’y ait point d’appel, ou qui soit passé en force de chose jugée. (A)

EVIRÉ, adj. en termes de Blason, se dit d’un lion ou autre animal qui n’a point de marque par où l’on puisse connoître de quel sexe il est.

EVITÉE, s. f. (Marine.) c’est la largeur que doit avoir le lit ou le canal d’une riviere pour fournir un libre passage aux vaisseaux. C’est aussi un espace de mer où le vaisseau peut tourner à la longueur de ses amarres. Chaque vaisseau qui est à l’ancre doit avoir son évitée, c’est-à-dire de l’espace pour tourner sur son cable, sans que rien l’en empêche. (Z)

EVITER, v. neut. (Marine.) On dit qu’un vaisseau a évité, lorsqu’étant mouillé il a changé de situation bout pour bout à la longueur de son cable, sans avoir levé ses ancres ; ce qui arrive au changement de vent ou de marée : & dans les ports où il y a beaucoup de vaisseaux & pas assez d’espace pour qu’ils puissent éviter sans se choquer les uns contre les autres, on les amarre devant & derriere, pour les retenir & les empêcher de tourner ; ce qu’ils feroient s’ils n’avoient que leurs ancres devant le nez.

Eviter au vent, se dit d’un vaisseau lorsqu’il présente sa proue au vent.

Eviter à marée, c’est lorsque le vaisseau présente l’avant au courant de la mer, à la longueur de ses amarres. (Z)

* EVITERNE, s. m. (Myth.) divinité à laquelle les anciens sacrifioient des bœufs roux : c’est tout ce que nous en savons. Les dieux de Platon, ceux qu’il regardoit comme indissolubles, & comme n’ayant point eu de commencement & ne devant point avoir de fin, sont appellés par cet auteur Eviternes ou Evintegres.

EVITERNITÉ, s. f. (Métaphys.) durée qui a un commencement, mais qui n’a point de fin.

EULOGIE, s. f. dans l’histoire de l’Église. Quand les Grecs ont coupé un morceau de pain pour le consacrer, ils taillent le reste en petits morceaux, & les distribuent à ceux qui n’ont pas encore communié, ou les envoyent à ceux qui sont absens ; & ces morceaux sont ce qu’ils appellent eulogies.

Ce mot est grec, composé de εὖ, bene, bien, & λέγω, je dis ; c’est-à-dire benedictum, béni.

Pendant plusieurs siecles l’église latine a eu quelque chose de semblable aux eulogies, & c’est de-là qu’est venu l’usage du pain béni.

On donnoit pareillement le nom d’eulogie à des gateaux que les fideles portoient à l’église pour les faire bénir.

Enfin l’usage de ce terme passa aux présens qu’on faisoit à quelqu’un, sans aucune bénédiction. Voyez le Jésuite Greetser dans son traité de benedictionibus & maledictionibus, liv. II. ch. xxij. xxjv. &c. où il traite à fond des eulogies.

Il paroît par un passage de Bollandus sur la vie de S. Melaine, ch. jv. que les eulogies étoient non-seulement du pain, mais encore toutes sortes de mets bénis, ou présentés pour l’être. Depuis, toutes sortes de personnes bénissoient & distribuoient les eulogies ; non-seulement les évêques & les prêtres, mais encore les hermites, quoique laïcs, le pratiquoient. Les femmes pouvoient aussi envoyer des eulogies, comme il paroît par la vie de S. Vaulry, ch. iij. n°. 14 ; dans les Bollandistes, Acta sanct. Jan. tom. I. page 20.

Le vin envoyé en présent étoit aussi regardé comme eulogie. De plus, Bollandus remarque que l’Eucharistie même étoit appellée eulogie. Acta sanct. Jan. tom. II. p. 199. Chambers. (G)

EUMECES, (Hist. nat.) pierre fabuleuse qui se trouvoit dans la Bactriane ; elle ressembloit à un caillou : on croyoit que mise sous la tête elle rendoit des oracles, & apprenoit à celui qui dormoit, ce qui

s’étoit passé pendant son sommeil. Pline, Hist. nat. lib. XXXVII. cap. x.

* EUMÉNIDÉES, adj. pris sub. (Mythol.) fêtes que les Athéniens célébroient en l’honneur des Euménides. La seule chose que nous en sachions, c’est qu’il étoit défendu aux esclaves & autres domestiques d’y prendre part.

* EUMÉNIDES, s. f. (Myth.) On dit que les furies furent ainsi appellées après qu’Oreste eut expié le meurtre de sa mere. Il est vrai qu’elles cesserent alors de le tourmenter, à la sollicitation de Minerve ; mais elles avoient ce surnom long-tems avant cet évenement. Jupiter se sert des Euménides pour châtier les vivans, ou plûtôt pour tourmenter les morts. Elles ont dans les Poëtes une figure effrayante ; elles portent des flambeaux, des serpens sifflent sur leurs têtes, leurs mains sont ensanglantées. Il y avoit près de l’Aréopage un temple consacré aux Eumenides : les Athéniens les appelloient les déesses vénérables.

EUMETRES, (Hist. nat.) pierre d’un verd de porreau, consacrée à Bélus & vénérée par les Assyriens, qui s’en servoient à des superstitions.

* EUMOLPIDES, s. m. (Myth.) prêtres de Cérès : ils avoient le pouvoir dans Athenes d’initier aux mysteres de cette déesse, & d’en exclure. Cette excommunication se faisoit avec des sermens exécrables ; elle ne cessoit que quand ils le jugeoient à-propos. Ils étoient appellés Eumolpides, d’Eumolpe roi des Thraces, qui fut tué dans un combat où il secouroit les Eleusins contre les Athéniens.

EUNOFIUS, (Hist. nat.) pierre connue des anciens, qu’on croit être la même chose que l’ætite ou pierre d’aigle.

EUNUQUE, s. m. (Medecine, Hist. anc. & mod.) Ce mot est synonyme de châtré ; il est employé par conséquent pour désigner un animal mâle à qui l’art a ôté la faculté d’engendrer : il est cependant d’usage que l’on ne donne le nom d’eunuque qu’aux hommes à qui l’on a fait subir cette privation, & on se sert ordinairement du mot châtré pour les animaux. Voyez Castration. Toutefois les Italiens ont retenu les mots castrato, castrati, par lesquels ils distinguent les hommes qui ont été faits eunuques dans leur enfance, pour leur procurer une voix nette & aiguë. Voyez Castrati.

Eunuque est un mot grec, qui signifie proprement celui à qui les testicules ont été coupés, détruits : les Latins l’appellent castratus, spado.

Comme celui d’eunuque est particulierement employé pour signifier un homme châtré, ainsi qu’il vient d’être dit, c’est sous cette acception qu’il va faire la matiere de cet article ; & pour ne rien laisser à desirer, elle sera tirée pour la plus grande partie de l’Histoire naturelle de M. de Buffon, tome IV. de l’édition in-12.

La castration, ainsi que l’infibulation, ne peuvent avoir d’autre origine que la jalousie, dit cet illustre auteur ; ces opérations barbares & ridicules ont été imaginées par des esprits noirs & fanatiques, qui, par une basse envie contre le genre humain, ont dicté des lois tristes & cruelles où la privation fait la vertu, & la mutilation le mérite.

Les Valésiens, hérétiques arabes, faisoient un acte de religion, non-seulement de se châtrer eux-mêmes, d’après Origene, mais encore de traiter de la même façon, de gré ou de force, tous ceux qu’ils rencontroient. Epiphan. hæres. lviij.

On ne peut rien imaginer de bisarre & de ridicule sur ce sujet que les hommes n’ayent mis en pratique, ou par passion ou par superstition. La castration est aussi devenue un moyen de punition pour certains crimes ; c’étoit la peine de l’adultere chez les Egyptiens.