Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le talc, le mica, la pierre de corne (hornstein), &c.

Les mines d’étain d’Angleterre se trouvent fréquemment jointes avec une substance, que les mineurs anglois appellent mundic ; ce n’est autre chose qu’une pyrite arsénicale, & qui est quelquefois un peu cuivreuse. Avant donc que de traiter la mine d’étain au fourneau, il faut la séparer autant qu’on peut de toutes ces matieres étrangeres, qui rendroient l’étain impur & lui ôteroient sa ductilité. On se sert pour cela du bocard, on y fait écraser la mine, & l’eau des lavoirs entraîne les particules étrangeres, tandis que la mine d’étain qui, comme on l’a remarqué, est très-pesante, reste au fond du lavoir. Les Anglois nomment black-tin, étain noir, la mine d’étain, lorsqu’elle a été ainsi préparée : les Allemands la nomment zinnstein, pierre d’étain. Mais ce lavage ne suffit pas ; il faut encore outre cela que la mine, après avoir été écrasée & lavée, soit grillée, afin d’en dégager la partie arsénicale. Ce grillage se fait dans un fourneau de reverbere qui est quarré : ce fourneau est fermé en-haut par une large pierre qui a 6 piés de long & 4 piés de large, au milieu de laquelle est une ouverture quarrée d’un demi-pié de diametre. Cette pierre sert à en couvrir une autre semblable, qui est à un pié de distance au-dessous ; mais cette derniere est moins longue qu’elle d’un demi-pié, parce qu’il ne faut point qu’elle aille jusqu’au fond du fourneau, attendu qu’il faut y laisser une ouverture pour le passage de la flamme qui vient de dessous, où l’on fait un grand feu de fagots. La partie antérieure ressemble à un four ordinaire à cuire du pain. Lorsque ce fourneau a été bien échauffé, on verse l’étain noir par l’ouverture quarrée qui est à la pierre supérieure, il tombe sur la seconde pierre ; & quand elle en est couverte à trois ou quatre doigts d’épaisseur, on bouche l’ouverture de la pierre supérieure, afin que la flamme puisse rouler sur la matiere qu’on veut griller. Pendant ce tems, un ouvrier remue continuellement cette matiere avec un rable de fer, afin que tout le mundic soit entierement consumé ; ce que l’on reconnoît lorsque la flamme devient jaune, & par la diminution des vapeurs : car tant que le mundic brûle, la flamme est d’un bleu très-vif. Pour lors on pousse toute la matiere grillée dans le foyer du fourneau par l’ouverture qui est au fond, & l’on retire le mêlange de mine, de charbon & de cendres, par une ouverture quarrée qui est pratiquée à un des côtés du foyer. On laisse refroidir le tout à l’air libre pendant trois jours ; ou si l’on n’a pas le tems d’attendre, on l’éteint avec de l’eau, & ce mêlange devient comme du mortier. Il faut l’écraser de nouveau, avant que de le porter au fourneau de fusion. Voy. les Transactions philosophiques, n°. 69.

Cependant il y a des mines d’étain assez pures pour pouvoir être traitées au fourneau de fusion, sans qu’il soit besoin de les griller auparavant. Quelquefois les mines d’étain sont mêlées d’une si grande quantité de parties ferrugineuses, qu’il est impossible de les en séparer entierement par le lavage ; celle de Breytenbrunn en Saxe est dans ce cas. Voici, suivant M. Saur, la maniere dont on s’y prend pour la dégager de son fer : elle est assez singuliere pour trouver place ici. D’abord on brise la mine en morceaux à-peu-près de la grosseur d’un œuf, puis on la calcine & on l’écrase au boccard ; on la lave ensuite & on la calcine de nouveau dans un fourneau de reverbere : après quoi on met environ 50 livres de la mine ainsi préparée dans une bassine, & on passe par-dessus un aimant pour attirer le fer qu’on sépare à mesure que l’aimant s’en est chargé ; & l’on continue cette longue manœuvre jusqu’à ce qu’on ait enlevé le fer autant qu’on a pû. La même chose se pratique en Boheme ; mais il suffit que la mine ait été pilée & lavée, sans qu’il soit besoin qu’elle soit calcinée. Voy.

le traité de la fonte des mines de Schlutter, page 586. tome II. de la traduction françoise.

Dans les mines d’étain d’Allemagne, on sait encore tirer parti du soufre & de l’arsenic qui sont dégagés dans la calcination de la mine ; pour cet effet la fumée qui en part est reçue dans une cheminée de 40 ou 50 toises de longueur qui va horisontalement, & aux parois de laquelle l’arsénic s’attache sous la forme d’une poussiere blanche. La même chose se pratique pour la calcination des mines de cobalt. Voyez l’article Cobalt.

Lorsque la mine d’étain a été préparée de la maniere qui vient d’être décrite, elle est en état d’être traitée au fourneau de fusion. Nous allons donner le détail de cette opération, telle qu’elle est décrite dans l’ouvrage allemand de Roessler, qui a pour titre, speculum Metallurgia politissimum.

Le fourneau où l’on fait fondre l’étain, est un fourneau à manche de la même espece que celui où l’on traite la mine de plomb, excepté qu’il est plus petit, parce que l’étain se fond plus aisément que le plomb. Il faut que le sol du fourneau soit élevé d’environ quatre piés au-dessus du rez-de-chaussée de l’attelier ou de la fonderie ; le sol du fourneau se fait avec une table de pierre sur laquelle on éleve les murs latéraux : le tout doit être fait avec des pierres propres à résister au feu, que l’on maçonne avec de la glaise mêlée d’ardoise pilée ; en fermant le fourneau on laisse par-devant un œil ou ouverture d’environ deux doigts, pour que l’étain & ses scories puissent tomber dans la casse ou le bassin que l’on aura pratiqué à environ un demi-pié au-dessous de l’œil pour les recevoir. Il faut que l’ouverture par où passe la tuyere soit disposée de façon que le vent des soufflets aille donner directement sur l’œil par où la matiere fondue doit passer ; quand la fusion sera en train, l’étain fondu tombera dans la casse accompagné de ses scories, que l’on a soin d’enlever continuellement, & de mettre à part. L’étain se purifie dans cette casse ; on a soin qu’il y soit toûjours tenu en fusion ; c’est pourquoi on y met continuellement de la poussiere de charbon, & il faut que le vent des soufflets vienne donner sur cet étain fondu en passant par l’œil du fourneau ; c’est pour cela que la casse ne doit point être placée trop bas au-dessous de l’œil. Sur le rez-de-chaussée, au pié de la casse, on pratique un creux ou fosse oblongue que l’on forme avec de la pierre & de la terre grasse ; ce creux sert à mettre l’étain pur que l’on puise à mesure avec des cuilleres de fer dans la casse, quand il s’est un peu refroidi ; ou bien on fait un trou de communication de la casse avec la fosse ; & quand la casse est assez pleine, on débouche ce trou pour laisser couler l’étain fondu qui va s’y rendre. Au haut du fourneau on pratique une chambre sublimatoire (c’est une espece de caisse de bois que l’on enduit par-dedans avec de la terre grasse, pour que le feu ne puisse pas s’y mettre) ; on y laisse quelques ouvertures ou fenêtres pour le passage de la fumée : cette chambre est destinée à retenir les particules les plus légeres de la mine d’étain que la violence du feu pourroit entraîner en l’air ; quelquefois on forme une seconde chambre au-dessus de la premiere ; on fait des degrés à côté du fourneau pour pouvoir monter à ces chambres, & une porte pour pouvoir charger le fourneau. On ne se sert point de brasque, c’est-à-dire d’un enduit de terre & de charbon pour garnir ces fourneaux ; on y employe seulement un mélange de terre grasse & d’ardoise pilée. Pour charger le fourneau, on y met des couches alternatives de charbon & de mine mouillée ; on fait fondre brusquement, afin que l’étain n’ait point le tems de se calciner, de se dissiper ou de se réduire en chaux, & pour qu’il ne fasse, pour ainsi dire, que passer au-travers du fourneau ; la mine qui