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leurs dans un escadron sur deux rangs seroient trop éloignés les uns des autres ; & ce seroit perdre un des avantages les plus considérables des escadrons françois sur ceux de leurs ennemis, dont le nombre des officiers est moins grand, mais qui placés sur un front plus étroit & plus convenable, deviendroient à proportion plus forts que le nôtre, dispersés sur un front trop étendu.

Si le premier rang de l’escadron qui n’en a que deux, est une fois entamé, peut-on présumer que le second composé de ce qu’il y a de moindre en hommes & en chevaux, puisse opposer une grande résistance ? il n’en est pas ainsi de l’escadron sur trois rangs, les vuides du premier sont remplis par les cavaliers du second ; & ce qui manque à celui-ci se prend dans le troisieme rang.

On peut encore se procurer d’autres grands avantages d’un troisieme rang, en ne le faisant pas participer au choc, & le faisant rester un peu derriere les deux premiers ; il sert en ce cas à fixer un point de ralliement ; & ce dernier objet mérite une grande considération, puisqu’un escadron, comme l’on sait, lorsqu’il est une fois rompu, ne se rallie qu’avec beaucoup de peine. Ce troisieme rang peut encore dans le même cas se rompre à droite & à gauche, par le centre, & se porter sur les flancs & les derrieres de l’escadron ennemi, ou s’opposer à de pareilles petites troupes qu’il détacheroit pour la même opération.

Les seuls avantages que présente l’escadron sur deux rangs, c’est que plus de gens y combattent à la fois, & qu’il peut espérer de déborder celui de l’ennemi par la plus grande étendue de son front, sans craindre d’être débordé lui-même ; mais ces avantages, à les examiner de près, ne sont point si réels qu’ils paroissent ; car enfin on veut qu’il embrasse, & que même il déborde le front de l’escadron qui lui est opposé : mais que deviendra son centre attaqué par un ennemi, dont l’escadron plus leger dirigeant toute son action dans cette partie, l’aura infailliblement ouvert, avant qu’il ait eu le tems de courber ses flancs ? que lui servira-t-il alors d’avoir débordé l’ennemi, & que deviendront ses aîles debordantes après la déroute de leur centre ? Ces prétendus avantages ne séduisent jamais que les gens accoûtumés à juger des choses sur les apparences & dans le cabinet ; pour les gens du métier que l’habitude continuelle des exercices rend seuls juges compétens de cette matiere, ils ne s’y laisseront point surprendre ; ils pensent tous que de toutes les formes à donner à un escadron de cavalerie, celle des trois rangs à quarante-huit cavaliers est sans contredit la meilleure. On ne doit cependant pas pour cela négliger d’exercer les escadrons de cavalerie sur deux rangs ; car comme dans cet ordre ils sont plus difficiles à manier, cette méthode rendra plus aisée les évolutions de l’escadron sur trois rangs. L’intention du Roi expliquée par l’instruction du 14 Mai 1754, est que toute la cavalerie soit exercée, tantôt sur deux rangs, tantôt sur trois, & qu’elle sache combattre de ces deux manieres.

Tout ce qui vient d’être dit touchant l’obligation de former les escadrons sur trois rangs, ne doit cependant s’entendre que de ceux qui auront un front

assez étendu, c’est-à-dire de quarante ou de quarante-huit maîtres ; car pour ceux qui ne pourroient avoir que trente-deux cavaliers de front, il faut, pour qu’ils ayent une juste proportion, qu’ils soient sur deux rangs de quarante-huit chacun.

Aujourd’hui, suivant l’instruction du 14 Mai 1754, les escadrons de cavalerie se forment sur deux ou trois rangs, à proportion de la force des compagnies, & comme l’ordonne celui qui commande. Ils sont chacun de quatre compagnies : la premiere d’un régiment composé de douze compagnies faisant trois escadrons, forme la droite du premier escadron ; la seconde, la droite du second ; & la troisieme, celle du troisieme ; la quatrieme prend la gauche du premier escadron ; la cinquieme, celle du second, & la sixieme, celle du troisieme : la septieme se met à la gauche de la premiere compagnie au premier escadron ; la huitieme à la gauche de la deuxieme au second escadron, & la neuvieme à la gauche de la troisieme au troisieme escadron ; la dixieme se place entre la septieme & la quatrieme ; la onzieme entre la huitieme & la cinquieme, enfin la douzieme entre la neuvieme & la sixieme.

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Quand le régiment est plus fort ou plus foible, on suit le même ordre, en plaçant alternativement les compagnies suivant leur ancienneté[1] dans chaque escadron. Le commandant de chaque escadron se tient seul en avant du premier rang vis-à-vis le centre, entre la troisieme & la quatrieme compagnie de l’escadron ; en suivant l’ordre ci-dessus, le commandant du premier escadron est en avant de l’intervalle entre la septieme & la dixieme compagnie du régiment, & ainsi dans les autres.

Les majors & aides-majors n’ont point de place fixe ; ils se divisent & se tiennent à portée des commandans, pour recevoir leurs ordres.

Les capitaines & lieutenans sont dans le premier rang : savoir les deux capitaines des compagnies de la droite à la droite de leur compagnie, & les deux de la gauche à la gauche ; les deux lieutenans des compagnies de la droite à la gauche de leur compagnie, & ceux de la gauche à la droite ; les uns & les autres sont couverts sur la droite de deux brigadiers, & sur la gauche de deux carabiniers, ceux-ci devant fermer les gauches des premiers rangs de chaque compagnie.

Les maréchaux-des-logis se tiennent en serre-file derriere le centre du dernier rang.

Les deux étendards se placent au premier rang à la cinquieme file, lorsque l’escadron est sur trois rangs ; mais s’il est sur deux, on le met à la septieme.

Les quatre trompettes sont sur un rang à la droite de l’escadron, & les timballes derriere les trompettes du premier escadron.

  1. Le régiment Colonel général a depuis la paix douze compagnies ; celui de Royal des carabiniers en a quarante, & chacun des autres en a huit. Ce nombre augmente à la guerre.