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ces éponges, où il est comme enchâssé par deux ràinures qui l’assujettissent & l’empêchent de se détourner quand le plombier le pousse jusqu’au bout de la table ou moule. Voyez Plombier, & les fig. l. & 10. Pl. I. du Plombier.

Eponges, pl. (Vener.) c’est ce qui forme le talon des bêtes.

EPONGER, v. act. en terme de Pain-d’épicier, c’est passer une éponge imbibée d’une composition de jaunes d’œufs battus ensemble, pour donner de la couleur au pain-d’épice.

* EPONIME, f. m. (Hist. anc.) c’étoit le chef des Archontes. Voyez Archontes.

EPONTILLER, v. act. c’est, parmi les Tondeurs, ôter avec des pinces la bourre ou la paille qui se sont introduites dans le drap en l’ourdissant. Voy. Laine.

EPONTILLES, SPONTILLES, s. m. pl. (Mar.) ce sont des étais ou pieces de bois posées perpendiculairement de deux en deux bancs pour fortifier les ponts & les gaillards. Celles qui sont voisines du grand & du petit cabestan sont à charniere, pour qu’on puisse les ôter quand il faut virer, mais aussitôt après on les remet à leur place : on met une forte épontille sous le mât d’artimon, & dans tous les endroits où les ponts sont chargés d’un grand poids. Voyez Pl. IV. de Marine fig. 1, les épontilles ou étances des gaillards, n° 135, & celles d’entre deux ponts, n° 110. (Z)

EPOPÉE, s. f. (Belles-Lettres.) c’est l’imitation, en récit, d’une action intéressante & mémorable. Ainsi l’épopée differe de l’histoire, qui raconte sans imiter, du poëme dramatique, qui peint en action ; du poëme didactique, qui est un tissu de préceptes ; des fastes en vers, de l’apologue ; du poëme pastoral, en un mot de tout ce qui manque d’unité, d’intérêt, ou de noblesse.

Nous ne traitons point ici de l’origine & des progrès de ce genre de poésie : la partie historique en a été développée par l’auteur de la Henriade, dans un essai qui n’est susceptible ni d’extrait, ni de critique. Nous ne reveillerons point la fameuse dispute sur Homere : les ouvrages que cette dispute a produits sont dans les mains de tout le monde. Ceux qui admirent une érudition pédantesque, peuvent lire les préfaces & les remarques de madame Dacier, & son essai sur les causes de la décadence du goût. Ceux qui se laissent persuader par un brillant enthousiasme & par une ingénieuse déclamation, goûteront la préface poétique de l’Homere anglois de Pope. Ceux qui veulent peser le génie lui-même dans la balance de la Philosophie & de la Nature, consulteront les réflexions sur la critique par la Motte, & la dissertation sur l’Iliade par l’abbé Terrasson.

Pour nous, sans disputer à Homere le titre de génie par excellence, de pere de la Poésie & des dieux ; sans examiner s’il ne doit ses idées qu’à lui-même, ou s’il a pû les puiser dans les poëtes nombreux qui l’ont précédé, comme Virgile a pris de Pisandre & d’Apollonius l’aventure de Sinon, le sac de Troye, & les amours de Didon & d’Enée ; enfin sans nous attacher à des personnalités inutiles, même à l’égard des vivans, & à plus forte raison à l’égard des morts, nous attribuerons, si l’on veut, tous les défauts d’Homere à son siecle, & toutes ses beautés à lui seul : mais après cette distinction nous croyons pouvoir partir de ce principe ; qu’il n’est pas plus raisonnable de donner pour modele en Poésie le plus ancien poëme connu, qu’il le seroit de donner pour modele en Horlogerie la premiere machine à roüage & à ressort, quelque mérite qu’on doive attribuer aux inventeurs de l’un & de l’autre. D’après ce principe, nous nous proposons de rechercher dans la nature même de l’épopée, ce que les regles qu’on lui a prescrites ont d’es-

sentiel ou d’arbitraire. Les unes regardent le choix

du sujet, les autres la composition.

Du choix du sujet. Le P. le Bossu veut que le sujet du poëme épique soit une vérité morale, présentée sous le voile de l’allégorie ; ensorte qu’on n’invente la fable qu’après avoir choisi la moralité, & qu’on ne choisisse les personnages qu’après avoir inventé la fable : cette idée creuse, présentée comme une regle générale, ne mérite pas même d’être combattue.

L’abbé Terrasson veut que sans avoir égard à la moralité, on prenne pour sujet de l’épopée l’exécution d’un grand dessein, & en conséquence il condamne le sujet de l’Iliade, qu’il appelle une inaction. Mais la colere d’Achille ne produit-elle pas son effet, & l’effet le plus terrible, par l’inaction même de ce héros ? Ce n’est pas la premiere fois qu’on a confondu, en Poésie, l’action avec le mouvement. Voy. Tragédie.

Il n’y a point de regle exclusive sur le choix du sujet. Un voyage, une conquête, une guerre civile, un devoir, un projet, une passion, rien de tout cela ne se ressemble, & tous ces sujets ont produit de beaux poëmes : pourquoi ? parce qu’ils réunissent les deux grands points qu’exige Horace ; l’importance & l’intérêt, l’agrément & l’utilité.

L’action d’un poëme est une, lorsque du commencement à la fin, de l’entreprise à l’évenement, c’est toûjours la même cause qui tend au même effet. La colere d’Achille fatale aux Grecs, Itaque délivrée par le retour d’Ulysse, l’établissement des Troyens dans l’Ausonie, la liberté romaine défendue par Pompée & succombant avec lui, toutes ces actions ont le caractere d’unité qui convient à l’épopée ; & si les Poëtes l’ont alteré dans la composition, c’est le vice de l’art, non du sujet.

Ces exemples ont fait regarder l’unité d’action comme une regle invariable ; cependant on a pris quelquefois pour sujet d’un poëme épique tout le couts de la vie d’un homme, comme dans l’Achilléïde, l’Heracléïde, la Théséïde, &c.

M. de la Motte prétend même que l’unité de personnage suffit à l’épopée, par la raison, dit-il, qu’elle suffit à l’intérêt : mais c’est-là ce qui reste à examiner. Voyez Intérêt.

Quoi qu’il en soit, l’unité de l’action n’en détermine ni la durée ni l’étendue. Ceux qui ont voulu lui prescrire un tems, n’ont pas fait attention qu’on peut franchir des années en un seul vers, & que les évenemens de quelques jours peuvent remplir un long poëme. Quant au nombre des incidens, on peut les multiplier sans crainte ; ils formeront un tout régulier, pourvû qu’ils naissent les uns des autres, & qu’ils s’enchaînent mutuellement. Ainsi quoiqu’Homere pour éviter la confusion, n’ait pris pour sujet de l’Iliade que l’incident de la colere d’Achille, l’enlevement d’Helene vengé par la ruine de Troye n’en seroit pas moins une action unique, & telle que l’admet l’épopée dans sa plus grande simplicité.

Une action vaste a l’avantage de la fécondité, d’où résulte celui du choix : elle laisse à l’homme de goût & de génie la liberté de reculer dans l’enfoncement du tableau ce qui n’a rien d’intéressant, & de présenter sur les premiers plans les objets capables d’émouvoir l’ame. Si Homere avoit embrassé dans l’Iliade l’enlevement d’Helene vengé par la ruine de Troye, il n’auroit eu ni le loisir ni la pensée de décrire des tapis, des casques, des boucliers, &c. Achille dans la cour de Déidamie, Philoctete à Lemnos, & tant d’autres incidens pleins de noblesse & d’intérêts, parties essentielles de son action, l’auroient suffisamment remplie ; peut-être même n’auroit-il pas trouvé place pour ses dieux, & il y auroit perdu peu de chose.

Le poëme épique n’est pas borné comme la tragé-