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qui forment la longue pyramide supérieure avec sa base inférieure : les fausses vertebres composent l’os sacrum, & forment la courte pyramide inférieure avec sa base supérieure.

Les connexions de l’épine sont distinguées en communes & en propres. J’appelle connexions communes, celles qu’a l’épine avec les parties voisines, comme avec l’occipital, les côtes, & les os des îles : les propres sont celles que les différentes pieces qui les composent ont entre elles. Ces dernieres sont de deux sortes : la premiere est la connexion que l’os sacrum, le coccyx, & les vertebres ont ensemble par leur corps, & que l’on peut nommer syneuro-synchondrosiale, ou ligamenteuse mixte, puisque les ligamens n’y ont pas moins de part que les cartilages : la seconde est celle qu’elles ont par leurs apophyses obliques.

Les cartilages qui unissent les vertebres en recouvrant leur surface, ont plus d’épaisseur en-devant qu’en-arriere, & sont maintenus dans leur état par une espece de mucilage onctueux. Les ligamens qui affermissent ces mêmes vertebres, qui attachent étroitement leurs apophyses obliques, épineuses, & transverses, sont composés de fibres élastiques & très-fortes ; les uns de ces ligamens s’étendent extérieurement sur toute l’épine ; d’autres tapissent la surface interne du canal. Il y a encore quantité de petits ligamens, dont les uns attachent les bords de chaque vertebre, & recouvrent leurs cartilages ; d’autres sont attachés à la circonférence des apophyses, pour faciliter les mouvemens de l’épine, & s’opposer à l’écoulement de la synovie, qui humecte continuellement ces parties. Telle est en gros la structure de la colonne osseuse, dont les pieces sont en si grand nombre & si merveilleusement articulées ensemble, qu’on ne peut se lasser de l’admirer.

Il résulte de cette structure de l’épine plusieurs considérations très importantes : nous allons en exposer quelques-unes aux yeux des Physiciens.

1°. Il paroît de cette structure, que la premiere courbure de l’épine est formée par le poids de la tête, & pour la capacité de la poitrine. Comme la partie inférieure est chargée d’un très-pesant fardeau, on ne doit point être surpris que les vertebres des lombes s’avancent considérablement en-devant pour recevoir la ligne de direction de toute la masse qu’elle supporte, sans quoi nous ne saurions nous tenir debout. Il est aisé de remarquer cette méchanique dans les chiens qu’on a instruits à marcher sur deux piés ; leur épine dans cette attitude prend la courbure que nous observons dans celle des hommes, au lieu qu’elle est droite lorsqu’ils marchent sur leurs quatre jambes.

2°. Il suit de la structure de l’épine, que comme les jointures dont cette colonne est composée sont en très-grand nombre, la moëlle épiniere, les nerfs, & les vaisseaux sanguins, ne sont pas sujets à des compressions & à des tiraillemens lors des mouvemens du tronc ; & comme plusieurs vertebres sont employées à chaque mouvement de l’épine, il se fait toûjours alors une petite courbure à l’endroit où se joignent deux vertebres.

3°. Que l’attitude droite est la plus ferme & la plus assûrée ; parce que la surface de contact des points d’appui est plus large, & que le poids porte dessus plus perpendiculairement.

4°. Que les muscles qui meuvent l’épine ont plus de force pour amener le tronc à une attitude droite, que pour se prêter à aucune autre, car pour courber le tronc du corps en devant, en arriere, ou sur les côtés, il faut que les muscles qui concourent à ces actions, s’approchent des centres du mouvement ; & par conséquent leur levier est plus court que quand le centre du mouvement est sur la partie des vertebres, opposée à celle où ces muscles sont

insérés, comme il arrive quand le tronc est droit.

En effet, à mesure que l’épine s’écarte de la position perpendiculaire, le poids du corps l’incline bien-tôt du côté que nous voulons ; au lieu que quand nous nous tenons droits, ce grand poids est plus que contre-balancé.

5°. Qu’en calculant la force qu’employent les muscles qui meuvent l’épine, il en faut distribuer une partie pour l’action des cartilages d’entre les vertebres, lesquels cartilages, dans tout mouvement qui s’écarte de l’attitude droite, sont tirés d’un côté, & comprimés de l’autre ; au lieu que le tronc étant dans une attitude droite, ces mêmes cartilages y concourent par leur force naturelle.

6°. Il est aisé de déduire, de la structure de l’épine, la raison du phénomène observé par M. Wasse, que notre taille est allongée le matin, & diminuée le soir : cette raison est que les cartilages intermédiaires des vertebres, pressés tout le jour par le poids de notre corps, sont le soir plus compactes ; mais après qu’ils ont été remis de cette pression, par le repos de la nuit, ils reprennent leur état naturel. Voyez le mot Accroissement.

7°. Les différentes articulations, soit des corps, soit des processus obliques des vertebres, & le plus ou moins de force des différens ligamens, montre que leur destination est plûtôt de faciliter le mouvement en devant, que celui du mouvement en arriere : ce dernier est de difficile exécution, & même sujets dans les adultes à rompre, par un tiraillement excessif, les vaisseaux sanguins qui sont contigus aux corps des vertebres.

C’est un fait si vrai, que les danseurs de corde & les voltigeurs, qui plient leur corps en tant de manieres différentes, ne le font que parce qu’ils y sont accoûtumés, & même façonnés dès la plus tendre enfance, cet âge de la vie où les apophyses & les bords des vertebres ne sont encore que des cartilages flexibles, & où les ligamens sont d’une extrème souplesse. Cette flexibilité & cette souplesse continuent de se maintenir par un exercice & une habitude perpétuellement répétée ; & c’est peut-être par cette raison que dans la dissection des cadavres de deux danseurs de corde, âgés d’environ vingt ans, Riolan observa que leurs épiphyses n’étoient pas encore devenues apophyses.

8°. Du méchanisme général de l’épine on peut déduire aisément toutes les différentes courbures contre nature dont l’épine est capable ; car si une ou plusieurs vertebres sont d’une épaisseur inégale à des côtés opposés, il faudra que l’épine panche sur le côté le plus mince, qui ne soûtenant que la moindre partie du poids du corps, sera de plus en plus comprimée, & par conséquent ne pourra pas s’étendre autant que l’autre côté, qui étant bien moins chargé, aura toute l’aisance propre à le laisser grossir excessivement.

Les causes d’où provient cette inégalité d’épaisseur dans différens côtés des vertebres sont différentes ; car l’inégalité peut procéder ou d’une distension trop forte des vaisseaux d’un côté, ou d’un accroissement contre nature de l’épaisseur de cette partie, ou, ce qui est encore plus commun, de l’obstruction des vaisseaux, qui empêche l’application de la substance alimentaire nécessaire à l’os. Cette obstruction dépend, 1°. de la disposition vicieuse des vaisseaux ou des fluides, 2°. d’une pression méchanique inégale, occasionnée par la foiblesse paralytique des muscles & des ligamens, 3°. de l’action spasmodique des muscles sur un côté de l’épine, 4°. d’une longue continuité, ou de la reprise fréquente d’une posture éloignée de la droite.

Dans tous ces cas il arrive également que les vertebres s’épaissiront du côté que les vaisseaux sont