Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/830

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou invétérée, &c. celles-ci sont plus importantes a établir ; elles consistent en ce que la maladie peut être idiopathique, c’est-à-dire, que la cause réside dans la tête & affecte le cerveau immédiatement ; ou sympathique, dont la cause existe dans toute autre partie que le cerveau, & ne l’affecte que par communication, comme dans l’estomac, la matrice, ou dans toute autre partie du corps.

Les symptomes de cette maladie sont si variés, si extraordinaires & si terribles, qu’on a crû anciennement ne pouvoir les attribuer qu’à des causes surnaturelles, comme au pouvoir des dieux, des démons, aux enchantemens, ou à l’influence des astres, comme à celle de la lune, &c.

Cependant toutes ces variétés ne dépendent que des différens mouvemens des parties qui en sont susceptibles ; par conséquent des muscles : elles consistent principalement, ces variétés, dans les différentes contractions musculaires ; celles-ci ne peuvent être excitées que par la différente distribution, le cours involontaire, irrégulier du fluide nerveux dans les organes du mouvement, cependant qu’il est empêché de se porter aux organes du sentiment ; & par ce qui peut produire ces effets.

Les causes en sont très-nombreuses, telles 1°. que les lésions du cerveau dans ses enveloppes, sa surface, sa substance, ses cavités, par commotion, contusion, blessure, par abcès, effusion ou épanchement de sang, de sanie, de pus, d’ichorosité, de lymphe acrimonieuse, par quelque excroissance osseuse de la surface interne du crane, par enfoncement de quelques-unes de ses parties, par quelque fragment ou quelque esquille d’os, ou quelque corps dur étranger qui blesse les meninges ou la substance de ce viscere ; par un amas de globules mercuriels qui soient portés, par quelque voie que ce soit, dans ses vaisseaux ou ses cavités ; la corruption de la substance même du cerveau par les suites d’une inflammation, de l’érosion de ses membranes ; de la carie de sa boîte osseuse. Ces différentes causes sont rendues plus actives par tout ce qui peut augmenter la quantité des humeurs qui se portent vers le cerveau, comme la pléthore, l’exercice immodéré, la chaleur, l’excès dans l’usage du vin, de la bonne chere, du coït, la contention d’esprit, les profondes méditations, les grands efforts de l’imagination, & sur-tout la crainte & la terreur.

2°. On doit encore placer, parmi les causes des contractions musculaires irrégulieres, tout ce qui affecte violemment le genre nerveux, comme les douleurs fortes & périodiques, la passion hystérique, les irritations & les érosions causées dans les enfans par l’effet des vers, par des humeurs acres ramassées dans les boyaux, par la qualité acre-acide du lait, & par sa coagulation, par le méconium, par la dentition difficile, par le levain de la petite vérole, les violentes douleurs d’estomac, la matiere d’un ulcere renfermée dans quelque partie, la trop grande abstinence de manger, comme aussi la crapule & l’usage des alimens, de boisson acre, de remedes & de poisons de même qualité.

3°. On doit attribuer les mêmes effets aux causes suivantes ; savoir, à la suppression de certaines évacuations qui se faisoient auparavant, comme des menstrues, des lochies, des hémorrhoïdes, de la sanie, du pus, d’urine ; à la répercussion de la galle, d’une dartre.

4°. On doit encore ranger parmi les causes des convulsions épileptiques, certaine vapeur dont le foyer a ordinairement son siége dans quelque partie des extrémités du corps, d’où elle semble s’élever au commencement de l’accès, en excitant le sentiment d’une espece d’air ou vapeur qui monte vers les parties supérieures jusqu’à ce qu’il soit parvenu

au cerveau ; ce qui est souvent l’effet d’un nerf comprimé par quelque cicatrice ou quelque tumeur, comme un skirrhe, un ganglion. Il n’est pas facile de rendre raison de ce phénomene ; il est cependant vraissemblable qu’il est produit par une contraction spasmodique qui resserre les vaisseaux des parties mentionnées (où se fait sentir cette espece d’aura frigida), y arrête le cours du sang, d’où le sentiment de froideur, & fait refluer les humeurs vers les parties supérieures ; d’où s’ensuit que la maladie, dans son commencement, ressemble souvent à une attaque d’apoplexie. Voyez une observation à ce sujet dans le recueil de celles de la société d’Edimbourg, tome IV. Voyez Vapeur.

5°. La plûpart de ces causes (I. II. III. IV.) peuvent être l’effet d’une mauvaise conformation des solides, d’un vice héréditaire transmis du pere ou de la mere, ou de quelques ancêtres ; en sorte qu’il arrive quelquefois que le fils n’en éprouve aucun mauvais effet, mais bien le petit-fils : peut-être peuvent-elles être aussi l’effet de l’imagination de la mere, qui ayant eu occasion de voir un épileptique pendant sa grossesse, en a eu l’esprit frappé.

Toute cette exposition des différentes causes de l’épilepsie, tirée de Boerhaave, est le résultat de ce qu’ont appris à cet égard l’observation des symptomes de cette maladie, & l’inspection des cadavres de ceux qui en ont été atteints ; en sorte qu’on peut en conclure que la cause prochaine dépend de la disposition du cerveau, dans laquelle les voies qui servent à distribuer le fluide nerveux aux organes du sentiment. sont fermées totalement, ou considérablement embarrassées, pendant que celles qui servent à distribuer le même fluide aux organes du mouvement, restent ouvertes & le reçoivent en abondance, avec beaucoup de célérité & sans ordre.

Les personnes qui sont sujetes aux attaques d’épilepsie, sentent qu’ils sont sur le point d’en souffrir une par les signes suivans : ils éprouvent d’abord une chaleur extraordinaire ; la vûe se trouble ; ils sentent des sursauts dans les tendons ; la mémoire est affoiblie. Des vertiges, des ébloüissemens, de mauvaises odeurs, du bruit dans les oreilles, des douleurs & des pesanteurs de tête, la pâleur du visage, un mouvement irrégulier dans la langue, une tristesse profonde, des ardeurs d’entrailles, sont aussi les avant-coureurs de cette maladie ; & lorsque l’accès commence, le malade est le plus souvent renversé tout-à-coup, ou, s’il est couché, les extrémités inférieures se plient & sont ramenées involontairement vers le tronc. Il fait d’abord de grands cris, & ensuite il respire avec peine & avec bruit, comme si on l’étrangloit ; il grince des dents ; il rend de l’écume par la bouche ; il fait des grimaces horribles ; il est agité par des convulsions dans tout son corps, & il éprouve des secousses violentes, qu’il n’est pas en son pouvoir d’empêcher ; il perd ordinairement l’usage de tous ses sens ; il se vuide involontairement des matieres fécales, de l’urine ; il se fait de même quelquefois un écoulement de semence, & il ne peut appercevoir rien de ce qui se présente autour de lui, pendant le paroxysme, dont il puisse se rappeller le souvenir après qu’il est fini : quelquefois cependant, lorsque l’attaque n’est pas forte, il n’a pas toutes les parties du corps en convulsion, & il ne tombe pas toûjours ; il n’a que quelques parties agitées ; sa tête, par exemple, éprouve des secousses, ou les yeux lui tournent, ou il jette ses bras & ses jambes de côté & d’autre, ou il tient opiniâtrement les poings fermés, ou il marche en tournant & court çà & là, sans parler cependant, sans rien entendre & sans rien sentir, ensorte qu’il ne se souvient aucunement de tout cela après l’accès. Marcellus Donatus a observé une épilepsie dans la-