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converties en argent. En effet, Charles VI. par des lettres du 17 Mars 1395, pour certaines causes & considérations, permit à Guillaume de Sens, Pierre Boschet, Henri de Marle, & Ymbert de Boisy, présidens au parlement, & à quelques conseillers de cette cour, que chacun d’eux pût sans aucune offense prendre une certaine quantité de queues de vin à eux données par la reine de Jérusalem & de Sicile, tante du roi.

Papon, en ses arrêts, tit. des épices, rapporte un arrêt du 7 Mai 1384, qu’il dit avoir jugé qu’en taxant les dépens de la cause principale, on devoit taxer aussi les épices de l’arrêt.

Cependant du Luc, liv. V. de ses arrêts, tit. v. art. 1. en rapporte un postérieur du 17 Mars 1403, par lequel il fut décidé que les épices, qu’il appelle tragemata, n’entroient point en taxe, lorsqu’on en accordoit aux rapporteurs.

Il rapporte encore un autre arrêt de la même année, qui énonce que dans les affaires importantes & pour des gens de qualité, on permettoit aux rapporteurs de recevoir deux ou trois boîtes de dragées ; mais l’arrêt défend aux procureurs de rien exiger de leurs parties sous ombre d’épices.

Ces boîtes de dragées se donnoient d’abord avant le jugement pour en accélérer l’expédition : les juges regarderent ensuite cela comme un droit, tellement que dans quelques anciens registres du parlement on lit en marge, non deliberetur donec solvantur species ; mais comme on reconnut l’abus de cet usage, il fut ordonné par un arrêt de 1437, rapporté par du Luc, liv. IV. tit. v. art. 10. qu’on ne payeroit point les épices au rapporteur, & qu’on ne lui distribueroit point d’autre procès qu’il n’eût expédié celui dont il étoit chargé. Il appelle en cet endroit les épices dicastica, ce qui feroit croire qu’elles étoient alors converties en argent.

On se plaignit aux états de Tours, tenus en 1483, que la vénalité des offices induisoit les officiers à exiger de grandes & excessives épices, ce qui étoit d’autant plus criant qu’elle ne passoient point encore en taxe ; cependant l’usage en fut continué, tellement que par un arrêt du 30 Novembre 1494, il fut décidé que les épices des procès jugés, sur lesquels les parties avoient transigé, devoient être payées par les parties & non par le roi ; & ce ne fut que par un réglement du 18 Mai 1502 qu’il fut ordonné qu’elles entreroient en taxe.

L’ordonnance de Roussillon, art. 31, & celle de Moulins, art. 14, défendirent aux juges présidiaux, & autres juges inférieurs, de prendre des épices, excepté pour le rapporteur.

La chambre des comptes fut autorisée à en prendre par des lettres patentes du 11 Décembre 1581, régistrées en ladite chambre le 24 Mars 1582.

Il y a cependant encore plusieurs tribunaux où l’on ne prend point d’épices, tels que le conseil du roi, les conseils de guerre.

Les épices ne sont point accordées pour le jugement, mais pour la visite du procès.

L’édit du mois d’Août 1669 contient un réglement général pour les épices & vacations.

Il ordonne que par provision, & en attendant que S. M. se trouve en état d’augmenter les gages des officiers de judicature, pour leur donner moyen de rendre la justice gratuitement, les juges, même les cours, ne puissent prendre d’autres épices que celles qui auront été taxées par celui qui aura présidé, sans qu’aucun puisse prendre ni recevoir de plus grands droits, sous prétexte d’extraits, de sciendum, ou d’arrêts ; ce qui est conforme à ce qui avoit déja été ordonné par l’art. 127 de l’ordonnance de Blois, qui veut que la taxe en soit faite sur les extraits des rapporteurs qu’ils auront faits eux-mêmes, & que l’on y use de modération.

Celui qui a présidé, doit écrire de sa main au bas de la minute du jugement la taxe des épices, & le greffier en doit faire mention sur les grosses & expéditions qu’il délivre.

M. Duperray, en son traité des dixmes, chap. xij. fait mention d’une déclaration du roi, dont il ne dit pas la date, qui remit, à ce qu’il dit, aux juges subalternes les épices mal-prises, en payant une taxe. Il paroît être d’avis que cette taxe ne dispense pas ces juges de faire restitution à ceux dont ils ont exigé indûement des épices.

On ne doit taxer aucunes épices pour les procès qui sont évoqués, ou dont la connoissance est interdite aux juges, encore que le rapporteur en eût fait l’extrait, & qu’ils eussent été mis sur le bureau, & même vûs & examinés.

Il en est de même de tous les jugemens rendus sur requête & des jugemens en matiere bénéficiale, lorsqu’après la communication au parquet toutes les parties sont d’accord de passer appointemens sur la maintenue du bénéfice contentieux, s’il intervient arrêt portant que les titres & capacités des parties seront vûes.

Il fut créé en 1581 & 1586 des offices de receveurs des épices dans les différens tribunaux du royaume : ceux de Beaujolois furent supprimés en 1588, & tous les autres furent supprimés en 1626, & réunis aux offices de greffiers & de maîtres-clercs des greffes. Mais par édit du mois de Février 1629, on rétablit tous ceux qui avoient été reçûs & installés, & qui n’avoient point été remboursés. Ensuite on en créa d’alternatifs & de triennaux, qui ont été supprimés ou réunis. Il y a eu encore nombre d’autres créations & suppressions dont le détail seroit trop long ; il suffit d’observer que dans quelques tribunaux ces officiers sont en titre d’office, dans d’autres ils sont par commission.

L’édit de 1669 porte que les épices seront payées par les mains des greffiers, ou autres personnes chargées par l’ordre des compagnies qui en tiendront registres, sans que les juges ou leurs clercs puissent les recevoir par les mains des parties ou autres personnes.

Il est défendu aux greffiers, sous peine d’amende, de refuser la communication du jugement, quoique les épices & vacations n’ayent pas été payées.

Louis XII. avoit donné une ordonnance qui autorisoit les juges à user de contrainte contre les parties pour leurs épices ; mais cette ordonnance ne fut pas vérifiée, on permettoit seulement aux juges de se pourvoir par requête, suivant les arrêts rapportés par Guenois : usage qui a été aboli, aussi-bien que celui de faire consigner les épices avant le jugement, comme cela s’observoit dans quelques parlemens ; ce qui fut abrogé par une déclaration du 26 Février 1683, & autres à-peu-près du même tems.

Présentement les juges, soit royaux, ou des seigneurs, ne peuvent décerner en leur nom, ni en celui de leurs greffiers, aucun exécutoire pour les épices, à peine de concussion ; mais on peut en délivrer exécutoire à la partie qui les a déboursées.

Les épices ne sont pas saisissables.

Les procureurs généraux & procureurs du roi, & leurs substituts, sont aussi autorisés à prendre des épices pour les conclusions qu’ils donnent dans les affaires de rapport. Voyez Pasquier en ses recherches de la France, liv. II. ch. jv. Loyseau, des offic. ch. viij. Joly, des offic. tit. des épices. Bornier, sur l’édit de 1669. Bouchel, au mot Epices, & les arrêts de réglemens des 10 Avril 1691 & 8 Août 1714. (A)

EPICIER, s. m. On appelle à Paris le corps d’Epiciers, celui des six corps de marchands où se fait le commerce des drogues, & autres marchandises com-