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pointues, qui lui donnent une figure étoilée. Cette roue est très-mobile sur son axe ; elle est portée verticalement par la tige, qui conserve une situation presqu’horisontale : ses pointes peuvent donc être, vû sa mobilité & sa position, successivement imprimées sur l’animal, puisqu’elle a dès-lors la facilité de rouler sur son flanc. On peut dire néanmoins que tous ces changemens n’operent rien de bien avantageux. L’incommodité de ne pouvoir appliquer cet éperon à une autre botte, subsiste toûjours ; les impressions fâcheuses qui résultoient du choc des pointes fixes contre le corps du cheval, peuvent encore avoir lieu, si la vis vient à se relâcher, & que conséquemment à ce relâchement la roue ou la poulie, que nous appellerons dans un moment par son vrai nom, de verticale qu’elle étoit & qu’elle doit toûjours être, devenoit horisontale. Enfin je ne pense pas que la facilité de pouvoir ôter la tige de dedans la platine pour marcher avec plus d’aisance, puisse n’être pas balancée par les risques de perdre cette tige ou cette armure. Ce dernier évenement a été prévû ; il a suggéré de nouvelles corrections, & l’idée des éperons à ressort.

Dans ceux-ci la platine, au lieu d’écrou, porte deux anneaux quarrés l’un au-dessus de l’autre, & distans entr’eux de sept ou huit lignes. La tige est prolongée par un petit bras quarré, retourné d’équerre en contre-bas pour enfiler ces deux anneaux, & y être reçû avec justesse. Un petit ressort qui recouvre une partie de sa face antérieure, lui laisse la liberté d’entrer, mais s’oppose à sa sortie aussi-tôt qu’il est en place. En effet, il se sépare alors par le haut de la face sur laquelle l’anneau le tenoit collé, & porte sous ce même anneau jusqu’à ce qu’en le pressant avec le doigt, on le repousse contre cette même face, pour le désaisir & pour dégager l’éperon. Cette construction n’est point exempte de défaut ; le talon se trouve souvent desarmé, le moindre choc déforme ces anneaux, & l’éperon ne peut y rentrer qu’après que l’ouvrier a réparé le mal. Dès qu’ils sont déplacés on les perd facilement, attendu leur petitesse : en un mot ils ne peuvent être changés & servir à une autre chaussure, à moins que la platine n’y soit transportée.

Les éperons préférables à tous égards à ceux que nous venons de décrire, sont ceux dans lesquels nous distinguons le collier, les branches, le collet & la mollette. Le collier est cette espece de cerceau qui embrasse le talon. Il est des épéronniers qui croyent devoir l’appeller le corps de l’éperon. Les branches ; qu’ils nomment alors les bras, sont les parties de ce même collier, qui s’étendent des deux côtés du pié jusque sous la cheville. Le collet est la tige qui semble sortir du collier, & qui se propage en-arriere. Enfin la mollette n’est autre chose que cette sorte de roue dont j’ai parlé, qui est engagée comme une poulie dans le collet refendu en chappe, & qui est refendue elle-même en plusieurs dents pointues. Le collier & le collet, & quelquefois les branches, sont tires de la même piece de métal, par la forge, ou par le même jet de fonte. Ce collier & ces branches doivent être plats en-dedans ; les arrêtes doivent en être exactement abattues & arrondies. Quant à la surface extérieure, elle peut être à côtes, à filets, ou ornée d’autres moulures que je sacrifierois néanmoins à un beau poli ; car-elles ne servent communément qu’à offrir une retraite à la boue. La largeur du collier sera de cinq ou six lignes à son appui sur le talon, & elle diminuera insensiblement, de maniere qu’elle sera réduite à deux ou trois lignes à l’extrémité de chaque branche. Cet appui se fera & sera fixé à l’origine du talon, directement au-dessous de la saillie du tendon d’Achille, afin que d’un côté cette partie sensible ne soit pas exposée à l’impres-

sion douloureuse de la réaction, lorsque le cavalier

attaque vivement son cheval ; & que de l’autre on ne soit pas obligé d’allonger le collet pour faciliter cette attaque, & d’élever la mollette, dont la situation contraindroit le cavalier, si le collier portoit plus bas, à décoller sa cuisse de dessus les quartiers de la selle, ou à s’efforcer de chercher l’animal sous le ventre, pour l’atteindre & pour le frapper. Du reste il est nécessaire que le collier & les branches soient sur deux plans différens, c’est-à-dire que le collier embrasse parfaitement le talon, & que les branches soient legerement rabaissées au-dessous de la cheville, sans qu’elles s’écartent néanmoins de leur parallélisme avec la plante du pié ; parallélisme qui fait une partie de la grace de l’éperon.

Elles doivent de plus être égales dans leurs plis & en toutes choses dans la même paire d’éperons ; mais elles sont souvent terminées diversement dans différentes paires. Dans les unes elles finissent par une platine quarrée de dix lignes ; cette platine étant toûjours verticale, & refendue en une, & plus fréquemment en deux châsses longues, égales, paralleles & horisontales, au-travers desquelles, & dans ce cas, une seule courroie passe de dedans en-dehors & de dehors en-dedans, pour ceindre ensuite le pié, & pour y assujettir l’éperon. Dans les autres, & cette méthode est la meilleure, chaque carne de leurs extrémités donne naissance à un petit œil de perdrix : cet œil est plat. Le supérieur est plus éloigné de l’appui que l’inférieur, quoiqu’ils se touchent en un point de leur circonférence extérieure. Dans chaque œil de la branche intérieure est assemblé mobilement par S fermée, ou par bouton rivé, un membret à crochet ou à bouton. Dans l’œil inférieur de la branche extérieure est assemblé de même un autre membret semblable aux deux premiers ; & l’œil supérieur de cette même branche porte par la chappe à S fermée ou à bouton rivé, une boucle à ardillon. Les deux membrets inférieurs saisissent une petite courroie qui passe sous le pié, & que par cette raison j’appellerai le sous-pié, par ses bouts qui sont refendus en boutonnieres, tandis que le membret supérieur & la boucle en saisissent un autre fort large dans son milieu, qui passant sur le cou du pié, doit être appellé le sus-pié. En en engageant le bout plus ou moins avant dans la boucle, on assujettit plus ou moins fermement l’éperon.

Le membret à S est le plus commun : il est banni des ouvrages de prix. Ce n’est autre chose qu’un morceau de fer long de dix-huit ou vingt lignes, contourné en S, dont la tête seroit ramenée jusqu’à la pance pour former un chaînon, dont la queue restante en crochet seroit élargie & épatée par le bout pour rendre sa sortie de la boutonniere plus difficile ; dont le plein seroit applati & élargi, pour présenter au pié une plus large surface, précaution sans-laquelle il pourroit le blesser ; dont les déliés enfin seroient ronds sur une ligne de diametre.

Le membret à boutons est plus recherché : c’est une petite lame de métal arrondie par plan à ses deux extrémités ; elle est ébauchée du double plus épaisse qu’elle ne doit rester. L’un de ses bouts est ravalé à moitié épaisseur, pour recouvrir extérieurement l’œil de l’éperon, ravalé lui-même à moitié de l’épaisseur de la branche. Ils sont assemblés par un clou rond, dont la tête formée en bouton reste en-dehors, & dont la tige, après avoir traversé librement le membret, est rivée immobilement à l’œil. L’autre extrémité du membret est ravalée à demi-épaisseur de dehors en-dedans, pour racheter l’épaisseur de la courroie qui doit recouvrir cette extrémité, & le bouton fortement arrêté au centre de la portion du cercle qui termine le membret. La mesure de la longueur de cette tige entre la superficie du mem-