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dent, nous allons faire sentir pourquoi les chevaux anglois, & sur-tout le chevaux de selle, sont plus sujets à cette maladie que ceux des autres nations.

Dans les courses violentes qu’on fait faire à un cheval, avant qu’il ait atteint l’âge & les forces propres à résister à ces fatigues, telles que les Anglois en font soûtenir à leurs chevaux, les muscles & les ligamens n’ayant point encore acquis la consistance nécessaire pour supporter les extensions que ces parties éprouvent dans ces mouvemens forcés, il arrive que ces ligamens & ces muscles se relâchent ; la synovie perd sa fluidité, les petits vaisseaux lymphatiques & les petits cordons nerveux se distendent ; la lymphe ne pouvant plus circuler dans ses petits tuyaux, non plus que les esprits (s’il en existe réellement), les fibres perdent de leur mouvement & de leur ressort, faute d’être tenus bandés & raccourcis par l’élasticité des nerfs, & l’animal est perclus. Cet accident augmente encore par le passage du chaud au froid, après ces violens exercices ; alors les corpuscules de l’air s’insinuant dans les pores de la peau, que la chaleur a dilatés, coagulent la lymphe, & causent des obstructions dans toute la substance des muscles & des ligamens de l’épaule : d’où suit que la sérosité ne pouvant plus être contenue dans ses petits tuyaux, s’épanche, ne circule que difficilement, & acquiert cette acidité qui cause une éréthisme aux fibres membraneuses, ce qui gêne le mouvement.

Mais comme l’obstruction ne se fait que par degrés, l’affoiblissement & l’engourdissement qu’elle cause ne sont pas tout-à-coup sensibles : quelque palliatif même, & un travail modéré, fait disparoître pour un tems cette lésion dans les épaules des chevaux ; de sorte que celui qui a envie de les acheter n’en peut rien appercevoir. En effet quel est le connoisseur qui peut deviner qu’un cheval périra par les épaules, lorsqu’il voit ces parties bien conformées & libres en apparence, & que l’animal est d’ailleurs gai, vigoureux, potelé ? car malheureusement l’acquéreur n’a point la liberté de le travailler assez pour le tâter à fond, & de le voir le lendemain troter après qu’il est refroidi. Il ne peut donc que l’acheter au hasard, à moins qu’il n’oblige le marchand à lui donner le tems de l’éprouver & de le connoître ; précaution que celui-ci a intérêt d’éluder, mais qu’on a encore plus d’intérêt à prendre. Au défaut de cet examen, quand on vient, après l’avoir acquis, à le faire travailler un peu fort, on commence par degrés à s’appercevoir de la foiblesse des épaules, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, & quelquefois des deux en même tems : enfin le cheval s’engourdit tellement, & va si près du tapin, qu’il bronche à chaque instant, & devient par succession des tems si perclus, qu’il paroît comme fourbu au sortir de l’écurie.

On voit par cet exposé, 1°. pourquoi les chevaux anglois sont plus sujets que d’autres à avoir les épaules froides ou entreprises : 2°. quel danger on court en les achetant, puisque l’on n’a pas le tems de les éprouver à fond. Pour être convaincu de ce danger, il suffit de voir qu’entre ceux que l’on achette pour les remontes des écuries royales, qui sont sans contredit choisis, soignés & montés par d’excellens écuyers, cependant il en est beaucoup qui périssent par ces parties, sans que tout l’art & toute l’expérience possible ait pû les faire prévoir dans les achats.

Cette maladie reconnoît encore pour cause seconde, le trop de repos donné au cheval, nommément au cheval anglois, qui a presque toûjours subi ces violens exercices dès sa tendre jeunesse : car les muscles & les ligamens restant long-tems dans l’inaction, après ces courses outrées, deviennent

roides & inflexibles ; parce que le suc nourricier que leurs fibres fatiguées & distendues reçoivent en cet état, remplit leurs petites cellules, s’y épaissit, s’y condense, & comprime les petits cordons nerveux, ce qui prive ces parties organiques de leur souplesse naturelle, ainsi que de leur élasticité ; d’où résulte cet engourdissement qu’on appelle épaule froideentreprise.

Le défaut des épaules chevillées est, comme nous l’avons dit, un vice de conformation de ces parties : car il résulte nécessairement qu’un cheval qui a les épaules & le garrot fort gros & fort charnus, doit avoir le mouvement moins libre que celui qui a ces parties bien faites & bien conformées ; car les muscles & les ligamens propres à mouvoir ces parties étant enveloppées de chair & de graisse, n’exécutent qu’avec peine leurs divers mouvemens.

Les épaules serrées & étroites sont de même un vice de conformation ; car un cheval qui est fort serré & fort étroit des épaules a par conséquent le sternum très-étroit : les omoplates & les humerus appliqués & collés sur le sternum laissent si peu de distance d’un avant-bras à l’autre, qu’à peine l’animal peut troter ou galoper sans se croiser les jambes & se couper ; ce vice fait tomber les épaules du cheval dans un amaigrissement total. Cette espece d’atrophie influe non seulement sur les graisses, mais encore sur les muscles, sur les ligamens & sur les articulations ; ces parties n’étant pas assez enduites par un nouveau suc nourricier, deviennent si seches & si arides, qu’elles ne peuvent que difficilement agir.

On voit, par ce que nous venons de dire de ces maladies, que celles qui sont produites par vice de conformation sont incurables ; elles ont seulement servi, & servent encore de regle presque générale, pour prédire ce qui doit résulter de l’un ou l’autre. Quoique cette regle souffre des exceptions, il est toûjours très-prudent de ne point s’en écarter, surtout dans l’achat des chevaux de selle, & encore plus de ceux qu’on destine à la chasse & à des exercices violens.

Nous finissons à regret l’article de ces maladies, particulierement de celle des épaules froides ou entreprises, sans pouvoir indiquer aucun spécifique propre à la vaincre : on a fait mille tentatives infructueuses qui n’annoncent que trop notre insuffisance à la guérir : on y a essayé quantité de remedes internes & externes ; les internes sont les fondans, les sudorifiques, les diurétiques, les panacées mercurielles & antimoniales ; & pour remedes externes, les fomentations, les frictions, les emplâtres, les onguens, les sétons, les cauteres potentiels & actuels, & tout cela fort inutilement ; car si quelques chevaux entrepris des épaules se sont trouvés guéris, on doit plûtôt l’attribuer au repos modéré qu’on leur a donné, qu’aux remedes : mais nous dirons de cette maladie ce que nous avons dit de l’éparvin, que le bon moyen de la guérir c’est de ne pas la causer. Cet article est de M. Genson.

Epaule, en terme de Fortification, est la partie du bastion où la face & le flanc se joignent ensemble, & où ils font un angle qu’on appelle l’angle de l’épaule. Voyez Bastion. (Q)

Epaule de Mouton, (Charpent.) la plus grande des coignées dont se servent ces ouvriers pour dresser & équarrir leurs bois.

Epaules d’un Vaisseau, (Marine.) virures de l’avant : ce sont les parties du bordage qui viennent de l’éperon vers les hauts bans de misene, où il se forme une rondeur qui soûtient le vaisseau sur l’eau. (Z)

EPAULÉE, s. f. en Maçonnerie. Ce terme a lieu, orsqu’un bâtiment, au lieu d’être levé de suite & le niveau, est repris par redens, c’est-à-dire à di-