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signons d’autre dans celui-ci que l’éminence, qui est à la partie latérale interne & supérieure du canon. Quant à sa consistance, j’avoue ingénuement que jamais l’éparvin ne m’a paru mol dans son commencement & lors de sa naissance : ainsi, sans prétendre nier la possibilité de l’existence de cette tumeur humorale dans le jarret du cheval, si elle s’y rencontre, je l’envisagerai comme une tumeur d’une nature qui n’a rien de particulier, & qui peut arriver indistinctement à d’autres parties.

Je nommerai par conséquent seulement éparvin la tumeur ou le gonflement de l’éminence osseuse même dont j’ai parlé ; & dans le cas où le jarret sera affecté d’une tumeur pareille à celle qui se montre quelquefois sur le jarret du bœuf, je la considérerai comme une maladie totalement différente de l’éparvin, soit qu’elle soit molle, soit qu’elle soit endurcie ; parce que ce qui caractérise l’éparvin est sa situation, & que dans la maladie que je reconnois pour telle, je ne vois de gonflement qu’à la portion de l’os du canon, que l’on a nommée ainsi ; & c’est un mal dont le siége, ainsi que celui de la courbe, est dans l’os même.

La courbe n’est en effet autre chose qu’une tumeur ou un gonflement du tibia : elle est située supérieurement à l’éparvin, à la partie interne inférieure de cet os ; c’est-à-dire, qu’elle en occupe le condile de ce même côté, & elle en suit la forme, puisqu’elle est oblongue & plus étroite à sa partie supérieure & à son origine qu’à sa partie inférieure. Le gonflement, en augmentant, ne peut que gêner l’articulation ; ce qui produit insensiblement & peu-à-peu la difficulté du mouvement : il contraint aussi les tendons & les ligamens qui l’environnent ; ce qui, outre la difficulté du mouvement, excitera & occasionnera la douleur. Aussi voyons-nous que l’animal qui est attaqué de cette maladie boite plus ou moins, selon les degrés & les progrès du mal : sa jambe est roide, la flexion du jarret n’est point facile, & il souffre, de maniere enfin qu’elle est presque entierement interrompue ; cette indisposition dégénere alors en fausse anchylose. Il faut encore observer qu’elle paroît souvent accompagnée d’un gonflement au pli du jarret, à l’endroit où surviennent les varices : mais, en premier lieu, ce gonflement peut n’être qu’une tension plus grande de la peau ; tension qui résulte de l’élévation formée par la courbe ou par la tumeur de l’os : en second lieu, il peut être une suite du gênement de la circulation.

Le véritable éparvin & la courbe ont un même principe ; les causes en sont communément externes, & peuvent en être internes : quelquefois les unes & les autres se réunissent.

Les premieres seront des coups, un travail violent & forcé ; & les secondes seront produites par le vice de la masse.

Les coups donneront lieu à ces tumeurs ou à ces gonflemens, parce qu’ils occasionneront une dépression, qui sera suivie de l’extravasion des sucs & de la perte de la solidité des fibres osseuses : ces sucs répandus, non-seulement la partie déprimée se relevera, mais elle augmentera en volume, selon l’abord des liqueurs.

Le trop grand exercice, un travail violent & forcé contribueront aussi à leur arrêt & à leur stagnation : 1°. par le frotement fréquent de ces os, avec lesquels ils sont articulés ; frotement suffisant pour produire le gonflement : 2°. par la disposition que des humeurs éloignées du centre de la circulation, & obligées de remonter contre leur propre poids, ont à séjourner, sur-tout celles qui sont contenues dans des veines & dans des canaux qui ne sont point exposés à l’action des muscles ; action capable d’en accélérer le mouvement progressif & le cours, &

telles sont celles qui sont dans les os & dans les extrémités inférieures de l’animal.

Enfin si à défaut des causes externes nous croyons ne devoir accuser que le vice du sang, nous trouverons que des sucs épaissis ne pourront que s’arrêter dans les petites cellules qui composent les têtes ou le tissu spongieux des os, qu’ils écarteront les fibres osseuses à mesure qu’ils s’y accumuleront, qu’ils s’y durciront par leur séjour ; & de-là l’origine & l’accroissement de la courbe & de l’éparvin, lorsque ces tumeurs ne reconnoissent que des causes internes.

L’une & l’autre cedent à l’efficacité des mêmes médicamens. Si elles sont le résultat de ces dernieres causes, on débutera par les remedes généraux, c’est-à-dire par la saignée, le breuvage purgatif, dans lequel on fera entrer l’aquila alba : on mettra ensuite l’animal à l’usage du crocus metallorum, à la dose d’une once, dans laquelle on jettera quarante grains d’éthiops minéral, que l’on augmentera chaque jour de cinq grains, jusqu’à la dose de soixante.

A l’égard du traitement extérieur, borné jusqu’à présent à l’application inutile du cautere actuel, application qui, n’outre-passant pas le tégument, ne peut rien contre une tumeur résidente dans l’os, on aura soin d’exercer sur le gonflement un frotement continué, par le moyen d’un corps quelconque dur, mais lissé & poli, afin de commencer à diviser l’humeur retenue. Aussi-tôt après on y appliquera un emplâtre d’onguent de vigo, au triple de mercure, & on y maintiendra cet emplâtre avec une plaque de plomb très-mince, qui sera elle-même maintenue par une ligature, ou plûtôt par un bandage fait avec un large ruban de fil : on renouvellera cet emplâtre tous les trois jours, & ces tumeurs s’évanoüiront & se résoudront incontestablement. Il est bon de raser le poil qui les recouvre, avant d’y fixer le résolutif que je prescris, & dont j’ai constamment éprouvé les admirables effets.

Le même topique doit être employé dans le cas où ces gonflemens devroient leur naissance aux causes externes ; la saignée néanmoins sera convenable, mais on pourra se dispenser d’ordonner la purgation, le crocus metallorum, & l’étiops minéral.

La cure de la tumeur humorale, en supposant qu’elle se montre dans le cheval, n’aura rien de différent de celle de toutes les autres tumeurs : ainsi, ensuite des remedes généraux, & après avoir, selon l’inflammation & la douleur, eu recours aux anodyns, aux émolliens, on tentera les résolutifs. Si néanmoins la tumeur se dispose à la suppuration, & paroît fuir la voie premiere que nous avons voulu lui indiquer, on appliquera des suppurans, après quoi on procédera à son ouverture : & si elle incline à se terminer par induration, on usera des émolliens, qui seront suivis par degrés des médicamens destinés à résoudre, lorsqu’on s’appercevra de leurs effets, &c. On ne doit point aussi oublier le régime que nous avons prescrit en parlant des maladies qui demandent un traitement intérieur & méthodique.

Celui du prétendu éparvin sec, que j’ai démontré n’exister en aucune façon dans le jarret, n’est pas encore véritablement connu. J’ai vainement eu recours à tous les remedes innombrables que j’ai trouvé décrits dans les ouvrages des auteurs anciens & modernes de toutes les nations, & qu’ils conseillent dans cette circonstance, aucun d’eux ne m’a réussi : j’y ai substitué, conformément à la saine pratique, les topiques, les médicamens gras, adoucissans, émolliens : j’ai employé ensuite la graisse de cheval, la graisse humaine, la graisse de blaireau, de castor, de viperes, auxquelles j’ai ajoûté les huiles distillées de rue, de lavande, de marjolaine, de muscade, de romarin, & que j’ai cherché à rendre plus pénétran-