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bués sur un espace beaucoup plus grand que celui qu’ils devroient naturellement occuper : ainsi épars est encore un terme relatif ; & les deux termes de la comparaison sont le nombre & le lieu, ou les distances des objets les uns à l’égard des autres.

EPARTS, s. m. pl. terme de Charron, sont des morceaux de bois plat, de l’épaisseur d’un bon pouce, long environ de cinq piés, qui joignent les deux limons & les assujettissent à pareille distance : c’est dessus les éparts que l’on assujettit les planches du fond.

EPARVIN ou EPERVIN, s. m. (Manége. Maréch.) tumeur qui affecte les jarrets, & qui ne doit être regardée que comme un gonflement de l’éminence osseuse qui est à la partie latérale interne & supérieure de l’os du canon : les anciens ont donné à cette éminence le nom d’éparvin ou d’épervin ; & c’est en conséquence de cette dénomination que l’on a appellé ainsi la tumeur dont il s’agit, & sur laquelle je ne peux me dispenser de m’étendre dans cet article.

Presque tous les auteurs ont distingué trois sortes d’éparvins ; l’éparvin sec, l’éparvin de bœuf, & l’éparvin calleux.

Par l’éparvin sec ils ont prétendu désigner une maladie qui consiste dans une flexion convulsive & précipitée de la jambe qui en est attaquée lorsque l’animal marche. Ce mouvement irrégulier que nous exprimons, d’un commun accord, par le terme harper, est très-visible dès les premiers pas que fait le cheval, & continue jusqu’à ce qu’il soit échauffé ; après quoi on ne l’apperçoit plus : si néanmoins la maladie est à un certain période, l’animal harpe toûjours. Un cheval crochu avec ce défaut doit être absolument rejetté : ceux dans les deux jambes desquels il se rencontre, n’ont pas été rebutés & proscrits des manéges, quand ils ont eu des qualités d’ailleurs ; parce qu’au moyen de ces deux prétendus éparvins, leurs courbettes ont paru plus trides, & leurs battues plus sonores. On doit encore observer que ce mal ne suscite aucune claudication, & s’il arrive que l’animal boite au bout d’un certain tems, c’est en conséquence de quelque autre maladie qui survient au jarret, fatigué par la continuité de l’action forcée qui résulte de la flexion convulsive dont j’ai parlé.

On ne doit chercher la raison de cette flexion que dans les muscles mêmes qui servent à ce mouvement, c’est-à-dire dans les muscles fléchisseurs, ou dans les nerfs qui y aboutissent, car les nerfs sont les renes, par le moyen desquelles les corps sont mûs, tournés & agités en divers sens, & ce n’est qu’à eux que les parties doivent véritablement leur action & leur jeu. C’est aussi dans leur tension irréguliere, & dans la circulation précipitée des esprits animaux, que nous découvrons le principe & la source des convulsions & des mouvemens convulsifs : mais alors ces mouvemens se remarquent indistinctement dans plusieurs parties, & ont lieu de différentes manieres & en toutes sortes de tems ; tandis qu’ici ils se manifestent constamment, & toûjours dans les seuls muscles fléchisseurs de la jambe, & qu’ils ne sont sensibles qu’autant que l’animal chemine. Or pour déterminer quelque chose dans une matiere aussi abstraite & aussi embarrassante, je dirai que cette maladie arrivera, lorsqu’en conséquence d’un exercice violent & réitéré, ces muscles, & même le tissu des fibres nerveuses qui en font partie, auront souffert une distention telle qu’il en résultera une douleur plus ou moins vive, au moindre mouvement de contraction qu’ils seront sollicités de faire ; & c’est précisément cette douleur que l’animal ressent dans le moment qui l’oblige à hâter, à précipiter son mouvement, à harper : que si la maladie n’est pas parvenue à un degré considérable, cette sensation douloureuse n’existera que

pendant les premiers mouvemens, c’est-à-dire dans les premiers instans où ces muscles entreront en contraction, après lesquels elle cessera, & l’action de la partie s’opérera dans l’ordre naturel, comme si l’on pouvoit dire que les fibres souffrantes s’accoûtument & se font à ce mouvement. Nous avons un exemple de cette diminution & de cette cessation de sensibilité & de douleur dans certains chevaux qui boitent de l’épaule, & qui sont droits après un certain tems de travail, c’est-à-dire lorsque cette partie est échauffée.

Il est donc de toute impossibilité d’assigner raisonnablement à cette maladie une place dans le jarret ou dans les parties qui l’environnent. 1°. Son siége n’est point apparent, & elle ne s’annonce par aucun signe extérieur. 2°. J’ai vû trois chevaux harper du devant, au moment où ils fléchissoient le genou. 3°. Dans ce cas l’animal boiteroit infailliblement, & retarderoit son action, loin de la hâter. Que le jeu d’une articulation quelconque soit en effet traversé par quelque obstacle d’où puisse résulter une impression douloureuse ; qu’il y ait dans le jarret une courbe accrue à un certain point ; qu’un osselet ou boulet gêne & contraigne les tendons dans leur passage, le cheval, pour échapper à la douleur, & pour diminuer la longueur du moment ou il la ressent, ne précipitera point son mouvement, ou s’il le précipite, ce ne sera qu’en se rejettant promptement sur la partie qui n’est point affectée, pour soulager celle qui souffre, & non en hâtant & en forçant l’action à laquelle il étoit déterminé. C’est aussi ce qui me confirme dans l’idée que je me suis formée des causes de la flexion convulsive dont il est question. Le premier moment de la contraction des muscles est l’instant de la douleur, & la preuve en est palpable, si l’on fait attention qu’avant l’influx des esprits animaux qui produisent la contraction, les fibres dans une situation ordinaire n’étoient point agitées, & l’animal ne souffroit point : or si le premier moment de la contraction est celui de la douleur, il faut donc conclure que le siége du mal est dans la partie qui se contracte, c’est-à-dire dans la portion charnue des muscles, & non dans les tendons qui sont simplement tirés par le moyen de la contraction, ainsi que les autres parties auxquelles ces muscles ont leurs attaches, & conséquemment cette flexion convulsive, ce mouvement irrégulier & extraordinaire ne peut être imputé à un vice dans les jarrets.

Les deux autres especes d’éparvin peuvent véritablement affecter cette partie, mais les idées que l’on en a conçûes jusqu’ici ne sont pas exactement distinctes.

Le premier est appellé éparvin de bœuf, parce que les bœufs d’un certain âge, & après un certain tems de travail, y sont extrèmement sujets. Dans ces animaux, selon la dissection que j’en ai faite moi-même, on apperçoit une tumeur humorale d’un volume extraordinaire, située à la partie latérale interne du jarret, & qui occupe presque toute cette portion : elle est produite par des humeurs lymphatiques arrêtées dans les ligamens de l’articulation, & notamment dans le ligament capsulaire. Cette humeur molle dans son origine, mais s’endurcissant par son séjour, devient platreuse ; de maniere que la tumeur qu’elle forme est extrèmement dure. Il s’agiroit donc de savoir si dans le cheval c’est cette même tumeur que l’on appelle éparvin : pour cet effet considérons-en la situation, le volume & la consistance, soit dans son principe, soit dans ses progrès. Quant à sa situation, elle occupe, ainsi que je viens de le remarquer, toute la partie latérale interne du jarret : son volume est donc plus considérable dans le bœuf que dans le cheval, & son siége n’est pas précisément le même, puisque nous ne lui en as-