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mille florins je promets payer en argent courant dans six mois après la date de la présente, franc & quitte de tous frais audit Sieur NN.... ou au porteur de la présente, avec intérêt d’icelle, à raison de quatre pour cent par an ; & en cas de prolongation, jusqu’au payement effectif du capital & de l’intérêt, engageant pour cet effet ma personne & tous mes biens, sans exception d’aucun, les soûmettant à tous juges & droits. En foi de quoi j’ai signé la présente de ma propre main. A Amsterdam, le 2 Novembre 1718. J. P. R. »

On ajoûte ensuite :

« Et pour plus grande assûrance du contenu ci-dessus, j’ai délivré & remis au pouvoir dudit Sieur NN... comme un gage volontaire, seize balles de caffé marqués J. P. R. de numero 1 à 16, pesant huit mille livres ou environ, desquels je le rends & fais maître dès-à-présent, l’autorisant de les vendre & faire vendre comme il trouvera à propos, même sans en demander aucune permission en justice, si je ne lui paye pas la susdite somme avec les intérêts & les frais au jour de l’échéance ; & au cas de prolongation, jusqu’à son entier remboursement. Promettant de plus de lui payer trois sols par livre à chaque fois que le caffé pourra baisser de deux ou trois sols par livre, & trois sols par chaque balle par mois pour le magasinage, & tous autres frais qu’il pourra faire sur lesdites balles, l’affranchissant bien expressément de la perte ou dommage qui pourroit arriver audit caffé, soit par eau, soit par feu, par vol, ou par quelqu’autre accident prévû ou imprévû. A Amsterdam, ce 2 Novembre 1718. J. P. R. »

Quand l’intérêt est trop haut, comme de six pour cent par an, on se garde bien de le spécifier dans l’obligation, parce qu’il est usuraire ; mais on met qu’il sera payé à un demi par mois, ce qui revient au même, mais qu’on tolere, parce que l’emprunteur est censé pouvoir retirer sa marchandise tous les mois.

Si un emprunteur veut retirer sa marchandise avant le terme stipulé, il n’en paye pas moins l’intérêt convenu pour tout le tems, parce qu’en ce cas on suppose qu’il trouve sur sa marchandise un bénéfice considérable qui suffit pour payer l’intérêt.

Si l’on convient d’une prolongation, on en fait mention au bas de l’obligation. Enfin si le préteur, après avoir averti l’emprunteur, veut avoir son argent à terme, & que celui-ci ne paye pas, les marchandises peuvent être vendues par autorité de justice en faveur du premier, jusqu’à concurrence du remboursement de la somme prêtée & des intérêts, l’excédant du prix qu’on en retire tournant au profit de celui qui a engagé la marchandise. Dictionn. de Commerce, de Trévoux, & de Chambers. (G)

Engagement, en fait d’escrime, c’est l’effort réciproque de deux épées qui se touchent. Il y a engagement, lorsqu’un escrimeur place le fort ou le talon de son épée sur le foible de celle de son ennemi, & la force de façon qu’il ne peut plus la détourner.

ENGAGER, v. act. mettre en gage. (Commerce.)

Engager, (Commerce.) signifie aussi disposer d’une chose : j’ai engagé mes fonds.

Engager, (Commerce.) joint au pronom personnel ou réciproque se, veut quelquefois dire s’endetter, quelquefois entrer dans une affaire, dans une société, d’autres fois cautionner quelqu’un, & souvent prendre parti avec un maître.

Dans toutes ces significations, on dit en termes de commerce, qu’un marchand s’est engagé de tous côtés, qu’on s’engage dans une entreprise, qu’un jeune homme s’est engagé en qualité d’écrivain avec la compagnie des Indes, qu’un tel s’est engagé de dix mille

écus pour tirer son associé d’affaire, qu’un compagnon s’est engagé chez un maître pour tel tems & à telles conditions. Diction. de Com. de Trévoux, & de Chambers. (G)

Engager, (Escrime.) c’est faire toucher son épée à celle de l’ennemi. On dit engagez quarte & tirez quarte, ou engagez quarte & tirez tierce, &c. On entend aussi par engager, saisir du fort ou du talon de son épée le foible de celle de l’ennemi, de maniere qu’il ne puisse plus détourner l’épée de son adversaire de sa direction. Voyez Engagement.

ENGAGISTE, (Jurisprud.) est celui qui jouit d’un bien à titre d’engagement : il y a deux sortes d’engagistes.

Les uns qui joüissent d’un bien par forme d’antichrese pour sûreté de leurs créances.

Les autres sont ceux qui joüissent d’un domaine de la couronne à titre d’engagement.

L’engagiste qui joüit à titre d’antichrèse, peut retenir le fonds qui lui a été engagé jusqu’à ce que le débiteur lui ait payé toutes les sommes qu’il lui doit, même au-delà du prix de l’engagement.

Aucune vente, soit pure & simple, ou à faculté de rachat, ou simplement des fruits, ne peut préjudicier au droit acquis antérieurement à l’engagiste.

Suivant le droit romain, l’engagiste peut stipuler qu’il retiendra les fruits de l’héritage, pour lui tenir lieu des intérêts de ses créances, ce qui s’observe au parlement de Toulouse ; mais au parlement de Paris cela n’est jamais permis, à moins que les fruits de l’héritage ne fussent fixes & certains ; comme si c’est une rente en argent, auquel cas l’engagiste seroit tenu d’imputer l’excédent, s’il y en a, sur le principal.

Ce ne sont pas seulement les fruits perçûs par l’engagiste dont il doit rendre compte, mais aussi ceux qu’il a pû percevoir.

Il est de son devoir de joüir comme un bon pere de famille, & par conséquent de faire toutes les réparations : mais aussi en cas de rachat, il est en droit de répéter toutes les dépenses utiles & nécessaires qu’il a faites à la chose engagée ; & jusqu’à ce qu’il en soit remboursé, il peut retenir le bien engagé. A l’égard des dépenses voluptuaires, il ne peut les répéter, à moins qu’il ne les eût faites de l’ordre du débiteur.

Les cas fortuits ne sont pas à la charge de l’engagiste, nisi culpa casum præcessit.

L’engagiste ne peut par aucun tems prescrire le fonds contre le débiteur, à moins que l’engagement ne fût coloré du nom de vente à faculté de rachat, auquel cas il pourroit prescrire par trente ans.

Il peut aussi, par une joüissance de trente ans, prescrire l’hypotheque contre les créanciers antérieurs de son débiteur.

S’il vend, comme propriétaire, le bien à lui engagé, le tiers acquéreur pourra prescrire de son chef, n’ayant pas succédé à son vendeur à titre d’engagement.

Les créanciers, soit antérieurs ou postérieurs à l’engagement, ne peuvent faire saisir sur l’engagiste les fruits du fonds engagé par leur débiteur ; ils ne peuvent s’en prendre qu’au fonds par la voie de la saisie réelle.

Tant que l’engagiste n’a pas encore prescrit l’hypotheque, le créancier antérieur peut agir directement sur le fonds engagé, sans être obligé de discuter les autres biens du débiteur ; mais les créanciers postérieurs au contrat d’engagement ne peuvent déposséder l’engagiste qu’en le remboursant de son principal, frais & loyaux coûts.

Pour savoir quel peut être l’effet du pacte commissoire à l’égard de l’engagiste, voyez Pacte commissoire.