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le supplément de la légitime se prend d’abord sur la derniere donation, & subsidiairement sur les précédentes, en suivant l’ordre des donations ; & si quelqu’un des donataires sujets à ce recours se trouve du nombre des légitimaires, il a droit de retenir les biens donnés jusqu’à concurrence de sa légitime, & n’est tenu de celle des autres enfans, que pour l’excédent des biens qu’il possede comme donataire.

Les dots, même celles qui ont été fournies en deniers, sont aussi sujettes au retranchement pour la légitime, dans le même ordre que les autres donations ; & cela a lieu, soit que la légitime des enfans soit demandée pendant la vie du mari, ou qu’elle ne le soit qu’après sa mort, & quand il auroit joüi de la dot pendant plus de trente ans, ou quand même la fille dotée auroit renoncé à la succession par son contrat de mariage ou autrement, ou qu’elle en seroit excluse de droit, suivant la disposition des lois du pays.

Dans le cas d’une donation de tous biens présens & à venir, laquelle se peut faire par contrat de mariage, le donataire est tenu indéfiniment de payer les légitimes des enfans du donateur, soit qu’il en ait été chargé nommément par la donation, soit que cette charge n’y ait pas été exprimée : quand la donation n’est que d’une partie des biens présens & à venir, le donataire n’est obligé de payer les légitimes au-delà de ce dont il peut être tenu de droit, qu’en cas qu’il en ait été expressément chargé par la donation & non autrement ; & dans le cas où il en a été chargé, il est tenu directement & avant tous les autres donataires, quoique postérieurs, d’acquitter les légitimes, suivant qu’il en a été chargé ; & si l’on n’a pas expliqué pour quelle portion, elle sera fixée à une portion semblable à celle pour laquelle les biens présens & à venir se trouvent compris dans la donation, sauf au donataire dans tous les cas, à renoncer à la donation.

Mais si celui qui est donataire par contrat de mariage du tout ou de partie des biens présens & à venir, déclare qu’il s’en tient aux biens qui appartenoient au donateur au tems de la donation, & qu’il renonce aux biens acquis depuis par le donateur, comme il en a l’option, en ce cas les légitimes des enfans se prendront sur les biens postérieurement acquis, s’ils suffisent ; sinon, ce qui s’en manquera sera pris sur tous les biens qui appartenoient au donateur au tems de la donation. Si elle comprend la totalité des biens, & si elle n’est que d’une partie des biens & qu’il y ait plusieurs donataires, les légitimaires auront leur recours contr’eux suivant l’ordre des donations, en commençant par les dernieres, comme il a été dit ci-devant.

La prescription ne commence à courir en faveur des donataires contre les légitimaires que du jour de la mort de ceux sur les biens desquels la légitime est demandée.

Tels sont les principes communs aux donations en général ; il ne reste plus qu’à donner quelques notions des différentes especes de donations. (A)

Donation alimentaire, est celle qui est faite à quelqu’un pour lui tenir lieu d’alimens. On ne peut faire que des donations alimentaires aux concubins & concubines & aux bâtards ; mais on peut aussi en faire à des personnes non-prohibées en leur donnant à ce titre, afin que la chose donnée ait la faveur des alimens, & ne soit pas saisissable. (A)

Donation antenuptiale, donatio ante nuptias, étoit dans l’ancien droit Romain la donation que les fiancés se faisoient en considération de leur futur mariage. Avant Constantin le Grand il n’y avoit aucune différence entre les donations en faveur de mariage & les donations ordinaires. On ne suppléoit point, comme on a fait depuis, dans les donations en

faveur de mariage la condition tacite qu’elles n’auront lieu qu’en cas que le mariage s’accomplît, dès que les fiancés s’étoient fait une donation, même en faveur de leur futur mariage, elle étoit irrévocable comme toute autre donation entre-vifs, encore que le mariage n’eût pas suivi, à moins qu’il n’y eût clause expresse que la donation seroit révoquée si le mariage n’avoit pas lieu. Constantin fut le premier qui ordonna que les donations en faveur de mariage seroient révoquées de plein droit, en cas que le mariage n’eût pas lieu ; & comme les conjoints ne pouvoient plus se faire aucune donation, les fiancés étoient obligés de se donner avant le mariage tout ce dont ils vouloient s’avantager ; c’est pourquoi Constantin nomma ces sortes de donations entre fiancés donationes ante nuptias ; elles différoient des donations appellées propter nuptias, que les conjoints faisoient depuis le mariage, mais qui ne furent permises que par les empereurs Justin & Justinien. Voy. ci-après Donation à cause de noces. (A)

Donation en avancement d’hoirie, c’est ce que les pere & mere & autres ascendans donnent entre-vifs à leurs enfans & autres descendans. Ces sortes de donations sont toûjours réputées faites d’avance & en déduction sur la future succession des donateurs ; c’est pourquoi elles sont sujettes à rapport. Voyez Rapport. (A)

Donation de biens présens et à venir. Ricard & autres auteurs ont prétendu que ces sortes de donations étoient nulles pour le tout, parce qu’on ne peut pas donner entre-vifs des biens à venir, & que la donation ne peut pas se diviser. D’autres, du nombre desquels est Henrys, ont pensé que la donation devoit se diviser ; qu’elle étoit bonne pour les biens présens, & nulle pour les biens à venir, & cette opinion a paru autorisée par plusieurs arrêts conformes.

La nouvelle ordonnance des donations a tranché cette question, en défendant de faire dorénavant aucune donation de biens présens & à venir à peine de nullité de ces donations, même pour les biens présens.

Les donations qui ne comprendroient que les biens présens, sont pareillement déclarées nulles, lorsqu’elles sont faites à condition de payer les dettes & charges de la succession du donateur en tout ou en partie, ou autres dettes & charges que celles qui existoient lors de la donation, même de payer les légitimes des enfans du donateur au-delà de ce dont le donataire peut en être tenu de droit.

La même chose est ordonnée pour toutes les donations dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur.

Mais les donations faites par contrat de mariage en faveur des conjoints ou de leurs descendans, même par des collatéraux ou par des étrangers, peuvent comprendre, tant les biens à venir que les biens présens en tout ou en partie, auquel cas il est au choix du donataire de prendre les biens tels qu’ils se trouvent au jour du décès du donateur, payant toutes les dettes & charges, même celles qui seroient postérieures à la donation, ou de s’en tenir aux biens qui existoient dans le tems qu’elle aura été faite, en payant seulement les dettes & charges qui existoient alors.

Les donations de biens présens faites à condition de payer indistinctement toutes les dettes & charges de la succession du donateur, même les légitimes indéfiniment ou sous d’autres conditions dont l’exécution dépendroit de la volonté du donateur, sont aussi valables dans les contrats de mariage en faveur des conjoints ou de leurs descendans par quelques personnes que les donations soient faites, & le donataire est tenu d’accomplir ces conditions, si mieux il n’aime