fixé le bout de la piece. On les laisse pendre pour être encroisés de nouveau, & pour être de même placés sur les chevilles. Voyez l’article Ourdir.
ENCROIX, s. m. (Manufact. en soie, fil, laine, &c.) Ce sont trois chevilles placées à demeure sur les traverses de deux des ailes du moulin, en-haut. Ces chevilles sont boutonnées par le bout, pour retenir les soies, qui sans cela s’échapperoient. Une de ces chevilles est fixée sur une autre aile, & c’est ordinairement sur l’aile la plus prochaine des deux dont on vient de parler. Cette derniere cheville reçoit le bout de la piece ; les deux autres qui sont auprès, portent les soies encroisées, ainsi qu’on verra aux articles Ourdir & Encroiser. Ces chevilles se trouvent répétées au bas de ce moulin, puisqu’il faut aussi encroiser en-bas. Si l’on ourdit de l’un à l’autre de ces encroix, la piece contiendra 144 aulnes de long ; c’est la mesure la plus ordinaire, & l’étendue des ourdissoirs. Il y a encore un encroix mobile, qui consiste en une tringle de même forme que les traverses qui portent les encroix fixes dont on vient de parler. Celui-ci n’est pas plus long qu’il ne faut pour pouvoir entrer entre deux ailes du moulin : il est chantourné par les bouts, suivant le contour des ailes, qui étant les mêmes dans tout l’ourdissoir, on posera où l’on voudra. Il doit être fait de façon qu’il entre juste, & même un peu serré Les ailes par leur délicatesse pouvant aisément reculer un peu pour lui faire place, il est mis communément au milieu ; en ce cas ses bouts reposent sur les traverses de ce milieu : mais si on le vouloit mettre ailleurs, il faudroit avoir soin de lier les deux bouts avec les ailes qui le porteroient, de crainte qu’ils n’échappassent malgré la petite gêne avec laquelle ils sont entrés. Cet encroix mobile donne la facilité d’ourdir de telle longueur que l’on veut au-dessous de 144 aulnes ; mais lorsqu’on emplit l’ourdissoir en totalité, cet encroix est vacant, & doit être ôté de dessus le moulin, où il nuiroit.
ENCROUÉ, adj. (Jurispr.) terme d’eaux & forêts, qui se dit d’un arbre lequel en tombant s’embarrasse dans les branches d’un autre arbre qui est sur pié. L’ordonnance des eaux & forêts, tit. xv. art. 43. porte que les arbres seront abattus, ensorte qu’ils tombent dans les ventes sans endommager les arbres retenus, à peine de dommages & intérêts contre le marchand ; que s’il arrivoit que les arbres abattus demeurassent encroüés, les marchands ne pourront faire abattre l’arbre sur lequel celui qui sera tombé se trouvera encroüé, sans la permission du grand maître ou des officiers, après avoir pourvû à l’indemnité du roi. (A)
* ENCYCLOPÉDIE, s. f. (Philosoph.) Ce mot signifie enchaînement de connoissances ; il est composé de la préposition greque ἐν, en, & des substantifs ϰύϰλος, cercle, & παιδεία, connoissance.
En effet, le but d’une Encyclopédie est de rassembler les connoissances éparses sur la surface de la terre ; d’en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, & de le transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siecles passés n’aient pas été des travaux inutiles pour les siecles qui succéderont ; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même tems plus vertueux & plus heureux, & que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain.
Il eût été difficile de se proposer un objet plus étendu que celui de traiter de tout ce qui a rapport à la curiosité de l’homme, à ses devoirs, à ses besoins, & à ses plaisirs. Aussi quelques personnes accoutumées à juger de la possibilité d’une entreprise, sur le peu de ressources qu’elles apperçoivent en elles-mêmes, ont prononcé que jamais nous n’acheverions la nôtre. Voyez le Dict. de Trévoux, derniere
édit. au mot Encyclopédie. Elles n’entendront de nous pour toute réponse, que cet endroit du chancelier Bacon, qui semble leur être particulierement adressé. De impossibilitate ità statuo ; ea omnia possibilia & proestabilia esse censenda quæ ab aliquibus perfici possunt, licèt non à quibusvis ; & quæ à multis conjunctim, licèt non ab uno ; & quæ in successione sæculorum, licèt non eodem œvo ; & denique quæ multorum curâ & sumptû, licèt non opibus & industriâ singulorum. Bac. lib. II. de augment. scient. cap. j. pag. 103.
Quand on vient à considérer la matiere immense d’une Encyclopédie, la seule chose qu’on apperçoive distinctement, c’est que ce ne peut être l’ouvrage d’un seul homme. Et comment un seul homme, dans le court espace de sa vie, réussiroit-il à connoître & à développer le système universel de la nature & de l’art ? tandis que la société savante & nombreuse des académiciens de la Crusca a employé quarante années à former son vocabulaire, & que nos académiciens françois avoient travaillé soixante ans à leur dictionnaire, avant que d’en publier la premiere édition ! Cependant, qu’est-ce qu’un dictionnaire de langue ? qu’est-ce qu’un vocabulaire, lorsqu’il est exécuté aussi parfaitement qu’il peut l’être ? Un recueil très-exact des titres à remplir par un dictionnaire encyclopédique & raisonné.
Un seul homme, dira-t-on, est maître de tout ce qui existe, il disposera à son gré de toutes les richesses que les autres hommes ont accumulées. Je ne peux convenir de ce principe ; je ne crois point qu’il soit donné à un seul homme de connoître tout ce qui peut être connu ; de faire usage de tout ce qui est ; de voir tout ce qui peut être vû ; de comprendre tout ce qui est intelligible. Quand un dictionnaire raisonné des sciences & des arts ne seroit qu’une combinaison méthodique de leurs élémens, je demanderois encore à qui il appartient de faire de bons élémens ; si l’exposition élémentaire des principes fondamentaux d’une science ou d’un art, est le coup d’essai d’un éleve, ou le chef-d’œuvre d’un maître. Voyez l’article Elemens des sciences.
Mais pour démontrer avec la derniere évidence, combien il est difficile qu’un seul homme exécute jamais un dictionnaire raisonné de la science générale, il suffit d’insister sur les seules difficultés d’un simple vocabulaire.
Un vocabulaire universel est un ouvrage dans lequel on se propose de fixer la signification des termes d’une langue, en définissant ceux qui peuvent être définis, par une énumération courte, exacte, claire & précise, ou des qualités ou des idées qu’on y attache. Il n’y a de bonnes définitions que celles qui rassemblent les attributs essentiels de la chose désignée par le mot. Mais a-t-il été accordé à tout le monde de connoître & d’exposer ces attributs ? L’art de bien définir est-il un art si commun ? Ne sommes nous pas tous, plus ou moins, dans le cas même des enfans, qui appliquent avec une extrème précision, une infinité de termes à la place desquels il leur seroit absolument impossible de substituer la vraie collection de qualités ou d’idées qu’ils représentent ? De-là, combien de difficultés imprévues, quand il s’agit de fixer le sens des expressions les plus communes ? On éprouve à tout moment que celles qu’on entend le moins, sont aussi celles dont on se sert le plus. Quelle est la raison de cet étrange phénomene ? C’est que nous sommes sans cesse dans l’occasion de prononcer qu’une chose est telle ; presque jamais dans la nécessité de déterminer ce que c’est qu’être tel. Nos jugemens les plus fréquens tombent sur des objets particuliers, & le grand usage de la langue & du monde suffit pour nous diriger. Nous ne faisons que répéter ce que nous avons en-