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Elle a presque les mêmes qualités & la même odeur que l’encens, aussi fait-on entrer cette écorce dans la composition des parfums enflammables ; mais on n’en apporte plus guere, & l’on substitue à sa place l’encens des Juifs.

Le galipot s’appelle gros encens ou encens commun, à la différence de l’oliban, qu’on nomme encens fin.

L’encens marbré est une des especes de barras. Voyez Barras.

L’encens des Indes, qu’on appelle vulgairement encens de Mocha, quoiqu’il ne vienne point de cette ville d’Arabie, arrive en Europe par les vaisseaux des compagnies des Indes ; on l’apporte en masse, quelquefois en petites larmes, mais toûjours fort chargé d’ordure. Il est rougeâtre, & d’un goût un peu amer. Quelques épiciers-droguistes le vendent pour vrai oliban : c’est de leur part une erreur ou une tromperie.

L’encens de Thuringe est, comme on le dit dans le dictionnaire de Trévoux, la résine que fournissent les pins de la Thuringe, & sur-tout du territoire de Saxe, qui abonde en forêts de ces sortes d’arbres. Les fourmis sauvages en retirent de petits grumeaux qu’elles enfoüissent dans la terre quelquefois jusqu’à quatre piés de profondeur. Là cette poix, par la chaleur soûterreine, reçoit un nouveau degré de coction, & se réduit en masse : on la tire ensuite de terre par gros morceaux, & c’est ce qu’on appelle encens de Thuringe, qu’on vend hardiment pour de l’encens. Voyez l’Orictographie de M. Schut. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Encens, (Pharmacie & Mat. méd.) Cette résine entre dans beaucoup de compositions pharmaceutiques officinales. Les Grecs, & les Arabes sur-tout, l’employoient fréquemment ; ils regardoient l’encens pris intérieurement, comme bon contre différentes maladies de la tête, de la poitrine, le flux de ventre, & les fleurs blanches : ils le recommandoient pour la toux, le crachement de sang, la diarrhée, & la dyssenterie.

Quercetanus (Duchêne), in arte med. pract. vante beaucoup contre la pleurésie, une pomme creusée dans laquelle on a mis une dragme d’encens en poudre, & que l’on fait cuire au feu ; il la fait prendre au malade, & lui donne trois onces d’eau de chardon beni : ensuite il le fait bien couvrir pour le faire suer. Riviere assûre qu’il a vû plusieurs personnes guéries par ce remede.

Quelques auteurs recommandent l’encens dans les fumigations de la tête, pour les catarrhes, le vertige, le corryza, & celles de l’anus pour la chûte de cette partie.

Les anciens brûloient l’encens, & en recevoient la suie ou le noir de fumée, qu’ils estimoient beaucoup dans les inflammations des yeux.

Mathiole recommande pour la chassie & la rougeur des yeux, de l’eau-rose dans laquelle on a éteint en différentes fois trente grains d’encens allumés à une bougie. On passe cette eau à-travers un linge blanc, & on frote le coin des yeux avec une plume.

Quelques personnes se servent d’un grain d’encens qu’ils appliquent sur une dent douloureuse, dans l’intention de la faire pourrir.

Nous employons aujourd’hui fort rarement l’encens, & on ne s’en sert guere dans les boutiques que pour les préparations officinales où il est demandé. Il entre dans les eaux antinéphrétiques & thériacales, dans le mithridate, dans les trochisques de karahé, dans les pilules de cynoglosse & de styrax, dans les baumes de Fioraventi & du Commandeur, & dans un grand nombre d’emplâtres. (b)

ENCENSEMENT, s. m. (Hist. ecclés.) c’est dans l’Église romaine l’action d’encenser pendant l’office divin, à l’autel, au clergé, & au peuple.

On voit, dit M. Aubry, par les anciens ordres romains, que l’encens a été introduit comme un parfum pour purifier l’air & les personnes. L’on a commencé de s’en servir dans les tems où les fideles obligés de se cacher, s’assembloient en secret dans des lieux soûterreins, humides & mal-sains ; l’haleine d’un si grand nombre de personnes renfermées produisoit une mauvaise odeur, que l’on tâchoit de dissiper par le moyen de l’encens, ou de quelques autres parfums : telle est l’origine de l’encens dans l’Église.

En effet, il seroit aisé d’établir, que l’encensement n’est point une partie du culte, mais qu’il a été durant plusieurs siecles une simple purification de l’air & des personnes, occasionnée par la nécessité dans les lieux de leurs assemblées religieuses. Tertullien le dit positivement dans son apologétique, chap. xxx. il remarque encore dans un autre endroit, que les anciens chrétiens n’usoient point d’encens pendant l’office divin, & que l’on ne s’en servoit que dans les funérailles : au témoignage de Tertullien, on pourroit joindre ceux d’Athénagore, de Lactance & autres peres, s’il s’agissoit de confirmer cette vérité.

Quand le christianisme fut établi sur les ruines du paganisme, l’usage de l’encens continua dans les temples ; ce ne fut plus alors par le besoin absolu de la purification de l’air, des personnes & des lieux, moins encore pour honorer les hommes ; ce fut pour imiter l’exemple des mages, qui présenterent de l’or & de l’encens à Notre-Seigneur, afin de lui marquer leurs respects & leur soûmission ; l’on se servit aussi de ce moyen pour inviter les chrétiens à détacher leurs pensées de la terre, & à les porter au ciel avec la fumée de l’encens.

Mais ce qui n’étoit qu’un type dans la religion, & qu’un hommage d’oblation au Sauveur du monde, changea bien-tôt de nature, & devint une oblation honorifique aux princes de la terre & aux ministres de l’autel. Le premier exemple eut lieu en faveur des empereurs de Constantinople. Codin nous apprend que dans les fêtes solennelles, le patriarche encensoit à deux différentes fois l’empereur, lorsqu’il assistoit aux offices, & qu’il remettoit après cela l’encensoir à son diacre, pour aller donner l’encensement au clergé.

Dans la suite des tems, les grands seigneurs pour se distinguer de la foule, affecterent de s’attribuer l’encensement ; & voulant de plus en plus marquer leur rang & leur dignité dans l’Église même, ils exigerent deux coups d’encensement, tandis qu’on n’en donneroit qu’un seul à tous les autres assistans pendant le sacrifice.

Voilà comme il est arrivé que le plus ou le moins de coups d’encensement désignent aujourd’hui la qualité de la personne encensée ; & l’on sait bien que les usages fondés sur l’orgueil & l’ambition ne s’abolissent guere : aussi l’honneur futile de l’encensement produit tous les jours en France des procès que l’on juge ordinairement par les titres & les coûtumes des lieux ; c’est pourquoi l’on ne manque point d’arrêts fort singuliers sur cette matiere. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* ENCENSOIR, s. m. vase qui a passé du temple des Juifs dans nos temples. Il est divisé en deux parties : l’inférieure est une espece de grande saliere revêtue d’une taule, qui contient le feu sur lequel on met l’encens ; & la supérieure, une espece de dôme qui couvre la partie inférieure, & qui est percé d’un grand nombre de petites ouvertures par lesquelles la fumée de l’encens peut s’échapper : l’inférieure est à pié ; il en part trois ou quatre longues chaînes, qui traversent autant de tenons, ou anneaux, ou petites douilles fixées sur la partie supé-