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ration à quatre travers de doigts de l’angle inférieur de l’omoplate. Le lieu étant choisi pour opérer, le chirurgien pince la peau transversalement avec les doigts indicateurs & les pouces de chaque main ; un aide prend le pli que l’opérateur tient avec les doigts de sa main droite ; ils soûlevent ensemble la peau ainsi pincée, & le chirurgien l’incise avec un bistouri droit qu’il tient de sa main droite ; on lâche ensuite les tégumens qui se trouvent divisés longitudinalement ; on porte le bout du doigt indicateur de la main gauche à l’endroit du bord supérieur de la troisieme fausse côte, & on incise le muscle grand dorsal, en portant le bistouri à plat sur l’ongle ; on avance ensuite l’extrémité de ce doigt, & on en appuie l’ongle immédiatement sur le bord supérieur & suivant la direction de la côte ; & avec le bistouri tenu à plat de la main droite comme une plume à écrire, on pénetre dans la poitrine, en perçant les muscles intercostaux & la plevre. Le doigt appuyé sur la côte sert de guide à l’instrument tranchant, & on est sûr de ne pas toucher à l’artere intercostale. L’incision des muscles intercostaux & de la plevre doit avoir cinq à six lignes de longueur. Lorsque l’incision est faite, on porte le doigt indicateur gauche dans la plaie pour s’assûrer de l’ouverture ; on le retire, & on procure le plus promptement qu’on le peut l’issue des matieres. On peut les délayer avec quelque injection, introduite à l’aide de la sonde de poitrine. Lorsque l’opération est faite, & qu’on a tiré le plus de matiere qu’il a été possible, on panse le malade, en faisant entrer dans la plaie une bandelette de linge en forme de séton ; elle est préférable à une tente de charpie qui s’oppose à l’issue des matieres, & qui cause de la douleur au malade, parce qu’elle écarte & irrite les parties au-travers desquelles elle passe, ce qui est suivi d’inflammation, & quelquefois de la carie des côtes. On panse le reste de la plaie à plat ; on applique deux ou trois compresses graduées & un bandage de corps soûtenus du scapulaire. (Voy. Bandage & Scapulaire.) Les pansemens se continuent jusqu’à ce que les matieres soient totalement évacuées ; on est souvent obligé de les réitérer deux & trois fois par jour quand l’abondance de la suppuration l’exige. Lorsqu’il s’agit de consolider la plaie, on supprime la bandelette qui entre dans la poitrine, & on couvre la plaie avec un linge fin sur lequel on met une pelote de charpie soutenue des compresses & du bandage, alors on cicatrise l’ulcere suivant les regles de l’art. Voyez Ulcere.

On fait l’opération de l’empyeme dans le lieu de nécessité, lorsqu’on ouvre un abcès à la poitrine dans le lieu où la matiere se présente. Le foyer de ces abcès se trouve ordinairement dans le tissu cellulaire qui unit la plevre aux muscles intercostaux internes ; il faut ménager cette cloison postérieure pour empêcher l’épanchement du pus dans la cavité de la poitrine, ce qui arrive assez souvent par l’érosion de la plevre, lorsqu’on differe trop à faire l’ouverture de ces abcès. Voyez Abcès. (Y)

Empyeme, opération, (Manége, Maréchallerie.) L’anatomie des animaux, trop négligée parmi nous, a frayé le chemin de l’anatomie de l’homme. La nature éclipsée, pour ainsi dire, dans les cadavres, se montre à découvert dans le vivant ; & le scalpel en des mains aussi intelligentes que celles des Hérophile, des Pecquet, des Harvey, &c. a été un instrument d’autant plus utile que nous ne devons qu’aux comparaisons exactes qu’ils ont faites & aux différences qu’ils ont observées, les grandes découvertes dans lesquelles consistent aujourd’hui les principales richesses de la Medecine du corps humain.

Après ces avantages, dont la réalité est généralement avoüée, la Chirurgie pourroit-elle méconnoître la source des biens dont elle joüit, & nous en

refuser le partage ? Il doit nous être sans doute d’autant plus permis d’y prétendre, que nous pouvons profiter du jour qui l’éclaire, sans lui en dérober la lumiere, & sans nous rendre coupables de la moindre usurpation.

Tous les cas qui peuvent engager le chirurgien à pratiquer l’empyeme, peuvent se présenter au maréchal. L’animal n’est pas moins exposé que l’homme à des pleurésies, à la péripneumonie, à des épanchemens de pus, à des épanchemens d’eau, conséquemment à une hydropisie, enfin à des épanchemens de sang causés par quelques plaies pénétrantes dans la poitrine, ou par l’ouverture d’une artere intercostale : mais de toutes ces circonstances, celles où l’opération dont il s’agit me paroît d’une plus grande efficacité, sont assûrément les blessures suivies d’une effusion dans la capacité.

Supposons donc un épanchement de sang produit par les dernieres causes que je lui ai assignées.

Je reconnoîtrai d’abord la plaie pénétrante par sa circonférence emphisémateuse, par le moyen de la sonde & du doigt, par l’air qui frappera ma main au moment que je l’en approcherai, par le sifflement qui accompagnera la sortie de ce même air, par la vacillation de la flamme d’une bougie que je lui présenterai, par le sang écumeux qui, poussé au-dehors avec plus ou moins d’impétuosité, me prouvera encore d’une maniere sensible que le poumon est intéressé, & dont la quantité m’apprendra de plus s’il y a réellement ouverture de quelques vaisseaux considérables. Je serai enfin convaincu de l’épanchement, dès qu’outre ces symptomes j’observerai un violent battement de flanc & une grande difficulté de respirer. Il est vrai que, vû la situation horisontale de l’animal, le diaphragme ne se trouve pas ainsi que dans l’homme surchargé par le poids de la matiere épanchée ; mais elle gêne constamment l’action des poumons, qui, dans une cavité proportionnée à leur jeu, ne peuvent que souffrir d’une humeur contre nature, toûjours capable de s’opposer à leur libre dilatation. Du reste, tous les autres signes qui attestent l’effusion dans le thorax humain, ne peuvent nous être d’aucune indication relativement à un animal qui ne sauroit nous rendre compte du siége des douleurs qu’il ressent, & que par cette raison nous placerions vainement dans des attitudes différentes, quand même nous en aurions la facilité & le pouvoir.

Quoi qu’il en soit, l’épanchement étant certain, & la ligature dans le cas où l’effusion a été provoquée par l’ouverture d’une artere intercostale, étant faite (voyez Ligature), il faut nécessairement vuider le thorax.

La plaie suffiroit à cet effet, si sa situation étoit telle qu’elle fût à la partie inférieure de la poitrine ; on pourroit alors, à l’imitation du chirurgien, en augmenter l’étendue, en la dilatant à l’aide de la sonde crénelée & du bistouri, selon le besoin, & pour faciliter l’écoulement hors de la capacité, après quoi on le hâteroit en comprimant les naseaux de l’animal, sur-tout si les vaisseaux du poumon avoient été attaqués, parce que ce viscere contenant ensuite de cette compression une plus grande abondance d’air, chasseroit avec plus de force le fluide dévoyé ; on passeroit de-là aux injections chaudes & douces, &c. mais dès que la plaie a été faite à la partie supérieure, il n’est possible de dégager la cavité du sang qui y nage, qu’en pratiquant une contr’ouverture, & c’est ce qu’on appelle proprement l’empyeme.

La différence de la position de l’homme & du cheval en établit une relativement au lieu où nous devons contr’ouvrir. Dans le premier, attendu sa situation & eu égard à l’inclinaison du diaphragme, l’humeur stagnante se porte en-bas & en-arriere, & dé-