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soit comme ces statues qui ornent nos jardins, & qui n’ont qu’un long pié ; & c’est de-là qu’on a fait le mot empuse.

EMPYEME, s. f. terme de Chirurgie qui se prend pour une maladie, ou pour une opération. L’empyeme, maladie, est en général un amas de pus dans quelque cavité du corps, dans la tête, dans le bas-ventre, ou ailleurs. Mais parce que cet amas se fait plus souvent dans la poitrine que dans toute autre cavité, on a donné particulierement le nom d’empyeme à la collection du pus dans la capacité de la poitrine. L’empyeme, opération, est une ouverture qu’on fait entre deux côtes, pour donner issue aux matieres épanchées dans la poitrine.

Ce mot est grec ; il vient de la particule ἐν, in, dans, & de πῦον, pus, pus ; ἐμπύημα, collectio puris, amas de pus.

L’épanchement de matieres dans la poitrine peut se faire par cause externe, à la suite d’une plaie ou d’un coup ; ou par cause interne, à la suite de quelque maladie. Une plaie qui ouvre quelques vaisseaux sanguins, ou un coup violent qui en cause la rupture, occasionnent un épanchement de sang. L’ouverture de l’œsophage ou du canal thorachique cause l’épanchement des matieres alimentaires ou du chyle, voyez Plaies de poitrine. L’épanchement d’eau est l’effet d’une hydropisie de poitrine, voyez Hydropisie, & celui du pus est la suite d’une pleurésie ou d’une péripneumonie terminées par suppuration. Voyez Pleurésie & Péripneumonie.

On ne doit faire l’opération de l’empyeme que lorsqu’on a des signes certains d’un épanchement dans la cavité de la poitrine. Il y en a qui nous font connoître qu’il y a épanchement, & d’autres nous désignent l’espece de matiere épanchée. Ceux qui dénotent l’épanchement, sont 1°. la respiration courte & laborieuse, parce que le liquide qui remplit une partie de la poitrine, empêche que le poumon ne subisse toute la dilatation dont il est susceptible. 2°. L’inspiration est beaucoup plus facile que l’expiration ; parce que dans ce dernier mouvement, il faut que le diaphragme soûleve le liquide épanché, dont le poids est capable d’aider l’inspiration. 3°. Le malade, en se remuant, sent quelquefois le flot du liquide épanché. 4°. Lorsque l’épanchement n’est que d’un côté, ce côté de la poitrine a plus d’étendue que l’autre, ce qu’on reconnoît par l’examen du dos du malade qu’on met sur son séant. 5°. Le côté où est l’épanchement, est souvent œdémateux. 6°. Le malade respire mieux couché sur un plan horisontal que debout ou assis, & il ne peut rester couché que du côté de l’épanchement ; par ce moyen, les matieres épanchées ne compriment point ce côté du poumon, & lui laissent quelque liberté qu’il n’auroit point si le malade se couchoit sur le côté sain. Ce signe prouve l’épanchement ; mais son défaut ne prouve pas qu’il n’y en a point, parce que le poumon pourroit être adhérent au médiastin & à la plevre. Dans ce cas, le malade pourroit se coucher sur le côté de la poitrine où il n’y auroit point d’épanchement, sans que les matieres épanchées dans le côté opposé augmentassent la difficulté de respirer. 7°. S’il y a épanchement dans les deux cavités de la poitrine, le malade ne peut rester couché d’aucun côté ; il faut qu’il soit debout ou assis, de façon que son dos décrive un arc. Dans cette situation, les matieres épanchées se portent vers la partie antérieure & supérieure du diaphagme, & laissent quelque liberté au poumon.

On jugera de la nature de la liqueur épanchée par les maladies ou les accidens qui auront précédé ou qui accompagnent l’épanchement. Si les signes de l’épanchement paroissent peu de tems après que le malade a reçû une plaie pénétrante à la poitrine, &

s’il a des foiblesses fréquentes, on ne peut pas douter que ce ne soit le sang qui soit épanché. S’il y a eu maladie inflammatoire à la poitrine, accompagnée des signes ordinaires de suppuration ; si la fievre qui étoit aigue est devenue lente ; si la douleur vive est un peu appaisée, mais qu’il subsiste un malaise à la partie ; si le malade a des frissons irréguliers & des sueurs de mauvais caractere, & qu’avec tous ces symptomes il paroisse des signes d’épanchement, il n’est pas douteux que ce ne soit du pus qui en soit la matiere. Il y a tout lieu de croire que l’épanchement est lymphatique, si l’on remarque les signes de l’hydropisie de poitrine. Voyez Hydropisie de poitrine.

On ne peut guérir le malade qu’en évacuant les matieres épanchées. La nature aidée des médicamens peut quelquefois y parvenir sans opération : on a vû des épanchemens de sang rentrer dans le torrent de la circulation, & se vuider par les urines, & même, ce qui est encore plus rare, par les selles. L’usage des remedes diurétiques, des hydragogues & des sudorifiques a souvent dissipé les épanchemens d’eau ; voyez la cure des hydropisies de poitrine. Lorsque le régime & les médicamens ne soulagent point le malade, & que les accidens persistent, il faut faire l’opération de l’empyeme.

Si l’épanchement de sang dans la poitrine est la suite d’une plaie, il faut, avant que d’en venir à l’opération, essayer de donner issue à ce fluide, en situant le malade de façon que la plaie soit la partie la plus déclive de la poitrine ; on lui ordonne alors de retenir un peu son haleine, & de se pincer le nez ; on peut aussi tâcher de pomper les matieres épanchées avec une seringue dont la cannule est courbe. Si par ces moyens on n’a pû vuider la poitrine, il faut faire une ouverture pour donner issue au fluide épanché. Il y a deux façons pour y parvenir ; l’une, en dilatant la plaie, & l’autre, en faisant une contre-ouverture.

Pour dilater la plaie, on fait avec un bistouri une incision longitudinale d’un pouce de longueur perpendiculairement à la partie inférieure de la plaie : cette incision qui ne doit intéresser que la peau & la graisse, forme une gouttiere qui procure la facilité de la sortie du sang ; on introduit ensuite une sonde cannelée dans l’ouverture de la poitrine, & on dilate cette plaie avec un bistouri dont la pointe coule le long de la cannelure de la sonde, ayant soin d’éviter l’artere intercostale. On peut mettre une sonde de poitrine dans l’ouverture, pour que le sang s’écoule avec plus de facilité, observant de mettre le malade dans une situation convenable & qui favorise cette sortie.

Si la plaie n’étoit pas située favorablement, ou qu’elle fût déjà cicatrisée lorsque les signes d’épanchement se manifestent, il seroit plus à propos de faire l’operation de l’empyeme par forme de contre-ouverture, de même qu’elle se pratique dans le cas où il y a des matieres épanchées sans plaie, comme dans les suppurations de poitrine, & c’est ce qu’on appelle opération de l’empyeme dans le lieu d’élection.

On fait asseoir le malade sur une chaise ou sur le bord de son lit, le dos tourné du côté de l’opérateur & des assistans ; on lui met dans ce dernier cas un coussin sous les fesses pour qu’il soit plus commodément ; deux serviteurs le soûtiennent sur les côtés, & lui relevent sa chemise. Le chirurgien doit examiner l’endroit où il fera l’incision ; ce doit être entre la troisieme & la quatrieme des fausses côtes, en comptant de bas en haut, & à quatre ou cinq travers de doigts de l’épine du dos. (On entend que les doigts du malade seront la mesure de cette distance.) Si l’embonpoint du malade ou l’œdématie des tégumens empêchent de compter les côtes, on fait l’opé-