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doit pas de don gratuit (c’est-à-dire le don qui se paye ordinairement tous les cinq ans), le clergé ne demanderoit point au roi les intérêts de ces vingt-quatre millions. Ces dernieres expressions paroissent justifier ce que nous avons d’abord annoncé, que le sens naturel de ces termes don gratuit, est que c’est une somme que l’on donne sans en tirer d’intérêt.

Louis XIV. ayant par sa déclaration du 14 Octobre 1710, établi la levée du dixieme des revenus de tous les biens du royaume sur tous ses sujets, le clergé n’y fut pas compris nommément, & obtint au mois d’Octobre 1711 une déclaration qui l’exempta de la retenue du dixieme. Le roi fit dans le même tems demander au clergé une subvention de huit millions, qui lui fut accordée par contrat du 13 Juillet de ladite année ; les députés du clergé en parlant de l’exemption du dixieme, dirent que ce nouveau bienfait de S. M. demandoit seul toute leur reconnoissance, rien ne leur étant plus sensible que la juste distinction que le roi faisoit des biens ecclésiastiques, des biens temporels, & la bonté que S. M. avoit de laisser au clergé la liberté de lui offrir volontairement ce qui dépend de lui, & de vouloir bien recevoir de sa part comme des dons, ce qu’il exige de ses autres sujets comme des tributs… que l’assemblée connoissoit les pressans besoins de l’état, & étoit disposée à y contribuer autant qu’elle pourroit ; qu’elle n’opposeroit point pour s’en défendre que le clergé avoit été déchargé l’année précédente du don gratuit, & que cette décharge n’avoit pas été gratuite, puisqu’elle fut le prix de la renonciation que fit l’assemblée à l’intérêt au denier 20 des vingt-quatre millions donnés pour le rachat de la subvention : c’est ainsi que les députés du clergé parlerent de leurs dons.

L’assemblée suivante du clergé qui fut en 1715, accorda au roi douze millions de don gratuit ; & l’on voit dans le contrat qui fut passé à ce sujet le 31 Octobre, que les commissaires du roi se servirent eux-mêmes du terme de don gratuit ; mais ils se servirent des mêmes termes, en parlant de ce que devoient payer les autres sujets du roi, ajoûtant que S. M. ne doutoit point qu’à l’exemple du clergé, les pays d’états, les généralités taillables, & les bonnes villes du royaume, se porteroient volontiers à fournir des dons gratuits proportionnés à la libéralité du clergé.

Pendant la régence qui vint ensuite, il n’y eut qu’une seule assemblée du clergé en 1723, dans laquelle il fut accordé au roi douze millions aussi par forme de don gratuit. Dans le contrat qui fut passé le 19 Août, les commissaires dirent qu’ils venoient exposer au clergé les besoins de l’état, & lui demander une partie des secours nécessaires pour les soulager ; que les dons du clergé devoient être proportionnés à la situation présente de ses affaires ; .. que le clergé étoit le premier ordre de l’état, & qu’il s’étoit toûjours empressé de donner l’exemple aux deux autres ; … que tout le tems de la minorité s’étoit écoulé, sans qu’il eût été demandé aucun secours au clergé.

Le contrat du 8 Décembre 1726, par lequel le clergé accorda au roi cinq millions par forme de don gratuit, ne contient rien de particulier par rapport à cette qualification. Nous remarquerons seulement ici qu’à la séance du 18 Novembre 1726, il fut dit que les dons gratuits qui se payent par voie d’emprunt à constitution de rente, sans aucun fond pour le remboursement du capital, ont toûjours été imposés un tiers, & même quelquefois davantage sur le pié du département de 1516, & le surplus sur le pié de celui de 1646 ; que les dons gratuits payés par voie d’emprunt à constitution de rente, avec un fond annuel pour le remboursement du capital, sont imposés à raison d’un quart sur le pié de 1516, &

trois quarts sur le pié de 1646 : enfin que les dons gratuits qui se levent par impositions, sont imposés en entier sur le pié du département de 1641, rectifié en 1646.

Le don gratuit accordé au roi en 1730, ne fut que de quatre millions : on voit dans le contrat qui fut passé le 17 Septembre, que les commissaires du roi, après avoir observé que le clergé est de tous les corps de l’état celui qui a le plus d’intérêt à l’entretien de la paix, & qu’aucuns des sujets du roi ne doivent plus justement que le clergé fournir une partie des secours, dont la destination n’a d’autre but que la conservation de ceux à qui il les demande : les députés du clergé répondirent que le premier corps du royaume se feroit toûjours gloire de donner aux autres sujets, l’exemple de la fidélité & de la soûmission qui sont dûes (au roi), &c. que comme ministres du Seigneur ils croyoient toûjours juste & légitime l’usage qu’ils feroient des biens, dont ils ne sont que les dépositaires, en les employant au secours du protecteur de la religion ; que comme citoyens ils s’étoient fait dans tous les tems un devoir de partager les charges de l’état avec les autres membres qui le composent..... que les besoins de l’état pour assurer la paix dont ils jouissoient, étant le motif de la demande faite de la part de S. M. il étoit juste qu’ils y contribuassent afin de se conserver un bien pour lequel ils ne cessoient de faire des prieres.

La guerre qui commença en 1733 ayant obligé le roi de demander au clergé un secours extraordinaire, le clergé accorda, en 1734, un don gratuit de 12 millions : les députés du clergé en passant le contrat, le 19 Mars, observerent seulement, que malgré les dettes immenses contractées par le clergé dans les dernieres guerres, il ne consultoit que son empressement à donner à S. M. des preuves éclatantes de son fidele & respectueux attachement.

Lors de l’assemblée ordinaire du clergé, tenue en 1735, la guerre continuoit encore ; ce fut un double motif pour demander au clergé un don gratuit de dix millions : le clergé allégua d’abord l’épuisement de ses facultés, & néanmoins il accorda ce qui étoit demandé, comme il paroît par le contrat du 14 Septembre de ladite année.

Le contrat du 18 Août 1740, est encore plus simple que le précédent : les députés du clergé disent seulement que le clergé a été dans tous les tems jaloux de mériter la protection de ses souverains.... ils prient les commissaires du roi d’assûrer S. M. de toute la reconnoissance du clergé, & en conséquence l’assemblée accorde au roi trois millions cinq cents mille livres par forme de don gratuit.

La guerre qui avoit recommencé dès 1741, obligea encore le roi de demander au clergé, en 1742, un don gratuit extraordinaire de douze millions ; il fut accordé par le clergé ; & le roi, pour rendre ce don gratuit moins à charge au clergé, lui remit sur le don gratuit accordé en 1740 100000 livres pour l’année 1742, autant pour l’année 1743, & autant pour 1744 ; il promit même, si la guerre finissoit avant 1745, de remettre au clergé tout ce qu’il devroit en ce moment du don gratuit de 1740 ; mais cette clause demeura sans effet, la paix n’ayant été conclue qu’en 1748.

Nous ne nous arrêterons pas sur les derniers contrats passés par le clergé, qui ne contiennent rien de particulier pour notre objet ; nous dirons seulement que l’assemblée ordinaire du clergé, tenue en 1745, accorda au roi un don gratuit de quinze millions ; que le clergé assemblé extraordinairement en 1747, accorda encore au roi un don gratuit de onze millions, & que l’assemblée de 1748 en accorda un autre de seize millions ; toutes ces subventions paroissent avoir été qualifiées de don gratuit, tant de la part