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point, se gonflent extrèmement dans toutes leurs parties, & acquierent un tel volume, qu’ils deviennent plus legers spécifiquement que l’eau dans laquelle ils flotent & surnagent : c’est-là un véritable emphyseme général produit par la putréfaction, qui peut seule (à moins que l’on ne regarde comme une cause de cette nature l’effet de la bupreste ou enfle-bœuf prise intérieurement, voyez Bupreste) en produire de semblables dans l’animal vivant, à en juger par analogie, & même par les faits. L’on a vû des phlyctenes emphysémateuses sur les parties affectées de gangrene, qui étant crevées, rendoient une vapeur élastique avec impétuosité. De la Mure, thes. jv. disp. cathed. Montpell. 1749. On trouve, mém. de l’académ. des Sciences, 1704, l’observation d’une fille de cinq ans qui devint emphysémateuse par tout son corps trois jours avant sa mort, à la suite d’une maladie de langueur qui l’avoit consumée peu-à-peu. Lorsque l’on voulut faire l’ouverture du cadavre, la tumeur se dissipa entierement après le premier coup de scalpel qui ouvrit la peau du ventre, & donna issue à l’air, qui sortit avec une puanteur insupportable, n’y ayant point eu de cause externe de cet emphyseme, on ne peut guere l’attribuer qu’à la putréfaction, qui avoit dissous les humeurs, remis en liberté l’air qu’elle contenoit, ou fourni une matiere flatueuse élastique, d’où avoit pû résulter le même effet que de l’air même. Halles dans sa statique des végétaux, établit par des expériences incontestables, que l’air ou toute autre substance élastique analogue, produit par ces sortes de mouvemens intestins, a toutes les propriétés essentielles de l’air commun.

On distingue l’emphyseme de toute autre espece de tumeur, en ce que la partie qui en est affectée, étant pressée avec le doigt, il s’y fait une espece de bruit, de craquement ; elle résiste quelquefois à la pression par ressort, & d’autres fois elle cede aisément, & se remet promptement dans son précédent état. D’ailleurs cette tumeur, même universelle, ne rend pas sensiblement le corps plus pesant.

L’emphyseme qui est produit par une cause externe, est ordinairement sans danger, à moins que l’enflure ne soit si considérable, sur-tout au cou, qu’elle presse la trachée-artere, & menace de suffocation ; & dans ce cas même, si on se hâte de donner issue à la matiere élastique renfermée sous la peau, le danger cesse. L’emphyseme qui est causé par une blessure du poumon, n’est pas susceptible d’un traitement aussi aisé, parce que l’on ne peut pas aisément faire cesser l’épanchement de l’air dans la cavité du thorax, & tarir la source de l’emphyseme. Celui qui peut survenir par l’introduction de l’air thorachique dans le tissu cellulaire, à la faveur d’une solution de continuité de la surface interne de cette cavité, est encore plus difficile à guérir ; tant que l’air a cette issue, que l’on ne peut même connoître que par soupçon dans le cas où l’emphyseme s’établit sans aucune cause externe connue, & sans que la putréfaction des humeurs ait lieu pour se former : celui qui est produit par cette derniere cause, est presque incurable ; les tumeurs emphysémateuses de cause externe sont de peu de conséquence.

L’indication qui se présente pour le traitement de l’emphyseme, de quelque nature qu’il soit, doit tendre à faire sortir du tissu cellulaire la matiere élastique qui en distend les cavités : ce que l’on peut obtenir par des pressions ou des frictions modérées, qui fassent une dérivation de cette matiere vers l’issue qui se trouve faite par une plaie, s’il y en a une, que l’on doit dilater, s’il est nécessaire, pour rendre la sortie de l’air plus facile ; s’il n’y a point de plaie ou qu’elle ne suffise pas pour dégager promptement les parties tuméfiées, on a recours aux scarifications

qui pénetrent jusque dans la substance du tissu cellulaire. On trouve dans les œuvres d’Ambroise Paré, liv. X. chap. xxx. une très-belle observation sur le bon effet des scarifications.

Dans le traitement de l’emphyseme, pendant l’effet de ce remede, on doit s’appliquer à empêcher que la matiere de l’enflure emphysémateuse ne se renouvelle par la voie qui lui est ouverte dans le tissu cellulaire, en la fermant, autant qu’il est possible, selon les moyens que l’art fournit.

Si l’on ne peut pas employer des remedes à cet égard, on doit s’occuper du soin de rendre l’enflure emphysémateuse aussi peu nuisible qu’il est possible : c’est ce que l’on peut faire avec succès par le moyen de la saignée, répétée autant que les forces du malade le permettent ; elle produit le bon effet de diminuer la chaleur du corps, & par conséquent la cause de la raréfaction de l’air : d’où s’ensuit la diminution de son volume, le relâchement des tégumens, la cessation des distensions violentes qui peuvent causer de la douleur, des inflammations, &c. La matiere élastique qui reste dans le tissu cellulaire, peut ensuite perdre son ressort par l’effet des exhalaisons du corps qui s’y mêlent inévitablement ; propriété bien établie par les expériences de Halles, statique des végétaux. Cette matiere ainsi décomposée, peut se dissiper avec celle de la transpiration à laquelle ses élémens peuvent s’unir, ou elle peut être resorbée avec celle-ci sans qu’il s’ensuive rien de nuisible ; ainsi disparoissent l’enflure, & tous les symptomes qui l’accompagnent.

On trouve dans les observations de Ledran, tome I. la guérison d’un emphyseme causé par la fracture de quelques côtes, sans solution de continuité à l’extérieur : cette cure fut opérée par la méthode qui vient d’être proposée sans aucun remede externe.

Dans le cas où l’emphyseme est produit par l’effet de la putréfaction ou de la gangrene, on ne peut employer que les spiritueux & les antiseptiques, tant extérieurement qu’intérieurement, attendu que l’esprit-de-vin & sa vapeur même ont la propriété de détruire aussi le ressort de l’air, quoique moins efficacement que les vapeurs animales. Cotes, leçons de Physique.

Les tumeurs emphysémateuses particulieres ne different de l’emphyseme, que du plus au moins ; elles demandent le même traitement proportionné. Cet article est tiré en partie du commentaire des aphorismes de Boerhaave, par Wanswieten, & de la thèse citée de M. de la Mure. Nous mettons cet article sous deux lettres, parce que nous l’avons reçû de deux mains différentes, & traité à-peu-près de la même maniere. (d, Y)

Emphyseme, (Maréchall.) c’est ainsi que l’on devroit appeller dans notre art, toute bouffissure, tout gonflement flatueux, toute tumeur produite par une collection ou un amas d’air retenu sous la peau dans les cellules des corps graisseux.

L’emphyseme particulier est très-commun dans les chevaux.

Il est étonnant que dans une énorme quantité de volumes & d’écrits concernant le traitement de ces animaux, l’esprit ne rencontre pas un seul point sur lequel il puisse se fixer, & d’où il puisse partir ; on n’y trouve que desordre, que trouble, que confusion. Les vraies définitions des maladies, leurs symptomes propres & communs, leurs causes, leurs especes, leurs différences, leurs tems, leurs complications, leurs terminaisons, tout semble avoir échappé à des auteurs dont la réputation n’a eu d’autre base qu’une crédulité non moins aveugle qu’eux-mêmes. Les plus accrédités ont été ceux qui se sont contentés de faire un vain usage de recettes & de remedes, ou qui se sont efforcés d’en imposer d’ailleurs par des titres spécieux, par des promesses har-