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qui ont lieu par l’âge de puberté, par la majorité coûtumiere, par la pleine majorité, par le mariage ; telles sont pour les fils de famille les émancipations qui ont lieu en certains pays par le mariage, par l’acquisition de quelque dignité, par l’ordre de prêtrise, par l’habitation séparée, & par le négoce séparé. (A)

Emancipation légitime ou ancienne, étoit celle qui se faisoit en vertu de la loi des douze tables. Voyez ci-devant Emancipation ancienne. (A)

Emancipation par lettres du Prince, a lieu tant en faveur des mineurs, que des fils de famille. L’usage de ces émancipations vient des Romains. Voyez ce qui en est dit à l’article Emancipation de mineur & Emancipation justinienne. Ces lettres, qu’on appelle communément lettres de bénéfice d’âge, s’obtiennent en la petite chancellerie ; elles sont adressées au juge royal qui a fait la tutelle ou curatelle ; ou si c’est un juge de seigneur, on les adresse à un sergent royal, qui fait commandement au juge de procéder à l’enthérinement : ce qui ne se fait qu’après avoir pris l’avis des parens & amis du mineur. (A)

Emancipation de majorité coutumiere, est celle que quelques coûtumes accordent au mineur à l’âge de pleine puberté, lequel est reglé différemment par les coûtumes. Voy. Emancipation de mineur. (A)

Emancipation par mariage, est une émancipation tacite que dans certains pays le mariage opere de plein droit & sans lettres du prince, en faveur des mineurs & des fils de famille. Cette émancipation tacite n’a pas lieu dans les pays de droit écrit, excepté dans ceux qui sont du ressort du parlement de Paris.

Pour ce qui est des pays coûtumiers. le mariage n’y a pas toûjours opéré l’émancipation ; car Gaucher de Chatillon connétable, mariant sa fille en 1308, promit de l’émanciper & de la sortir hors de sa puissance.

Présentement toutes les coûtumes donnent au mariage l’effet d’émanciper, excepté celle de Poitou qui requiert à l’égard des nobles une émancipation expresse, outre le mariage. Celle de Saintonge veut qu’il y ait habitation séparée de celle du pere ; celle de Bretagne requiert que le mariage soit fait du consentement du pere, condition qui doit être sousentendue dans toutes les coûtumes ; celle de Bourbonnois dit que le mariage émancipe, mais elle met une restriction, si ce n’est qu’il fût autrement convenu en faisant le mariage. Voyez le recueil des quest. de M. Bretonnier, au mot Puissance paternelle.

L’émancipation par mariage n’opere pas plus d’effet que celle qui se fait en vertu de lettres du prince, si ce n’est que la premiere emporte la liberté de se remarier sans le consentement du pere, quoique celui ou celle qui veut se remarier n’ait pas 25 ans. (A)

Emancipation de Mineur, est l’acte qui met un mineur hors de la puissance de son tuteur, & lui donne le droit de joüir de ses revenus, même de disposer de ses meubles.

L’émancipation des mineurs avoit lieu chez les Romains ; elle se faisoit en vertu de lettres du prince : cela fait la matiere du titre du code de his qui ætatis veniam impetraverunt. La loi 2, qui est de l’empereur Constantin, dit que tous les jeunes gens, lesquels étant de bonne conduite desirent de gouverner leur patrimoine, ayant besoin pour cela de lettres du prince, pourront impétrer cette grace quand ils auront vingt ans accomplis ; de maniere qu’ils présenteront eux-mêmes leurs lettres au juge, & prouveront leur âge par écrit, & justifieront de leur bonne conduite & mœurs par des témoins dignes de foi : la loi permet néanmoins aux filles de présen-

ter leurs lettres par procureur, & de les obtenir à

l’âge de dix-huit ans, pour pouvoir joüir de leurs biens sans pouvoir aliéner les fonds, ensorte qu’elles ayent en toutes affaires autant de droit & de pouvoir que les hommes. La raison pour laquelle la loi fait mention nommément des filles, est que dans l’ancien droit romain les femmes étoient perpétuellement en curatelle.

Il paroît singulier que cette loi oblige les mineurs, qui veulent joüir de leur revenu, de prendre des lettres ; vû que, suivant le droit romain, la tutelle finit à l’âge de puberté, qui est de quatorze ans pour les mâles, & de douze ans pour les filles ; & que suivant ce même droit, il est libre au mineur pubere de ne pas demander de curateur. Mais il est évident que la loi a entendu parler du cas où le mineur a un curateur, comme on lui en donne un ordinairement en sortant de la tutelle : ce qui est fondé sur la disposition de cette même loi, qui suppose qu’un mineur n’est pas capable de gouverner son bien au plûtôt qu’à l’âge de vingt ans accomplis.

Néanmoins dans notre usage les lettres de bénéfice d’âge s’obtiennent souvent plûtôt tant en pays coûtumier, que dans les pays de droit écrit : cela dépend de la capacité des mineurs, de l’avis des parens, & de l’ordonnance du juge ; mais ordinairement on n’accorde point de lettres de bénéfice d’âge au-dessous de la puberté.

Les mineurs peuvent aussi être émancipés par mariage, ou par la majorité coûtumiere, que les coûtumes fixent différemment : mais en ce cas ils ont toûjours besoin de lettres du prince ; de sorte que les coûtumes qui semblent accorder l’émancipation à celui qui atteint l’âge de majorité coûtumiere, ne font proprement que regler l’âge auquel on peut obtenir des lettres d’émancipation.

La majorité parfaite opere aussi une espece d’émancipation légale.

Le mineur émancipé peut faire seul tous actes d’administration ; mais il ne peut aliéner ni hypothéquer ses immeubles sans avis de parens & decret du juge.

Il ne peut aussi ester en jugement, sans être assisté d’un curateur. (A)

Emancipation de Moines : on s’est quelquefois servi de ce terme dans les monasteres, en parlant des moines promûs à quelque dignité, ou tirés hors de l’obéissance de leurs supérieurs. Voy. le gloss. de Ducange, au mot Emancipatio. (A)

Emancipation d’un Monastere est dite, dans quelques anciens auteurs, pour exemption de la jurisdiction de l’ordinaire. Voyez Ducange ibid. (A)

Emancipation per æs & libram, voyez Emancipation ancienne.

Emancipation tacite, est celle qui a lieu de plein droit en faveur du mineur ou du fils de famille, sans le consentement du pere & sans lettres du prince : telles sont celles qui ont lieu par le mariage, par l’acquisition de quelque dignité, par l’ordre de prêtrise, par une habitation ou un commerce séparé.

Suivant le droit romain, il n’y avoit que la dignité de patrice capable d’émanciper ; celle de sénateur n’avoit pas cet effet.

En France, les premieres dignités des parlemens, telles que celles de présidens, de procureur, & avocats généraux, émancipent. Les grandes dignités de l’épée & de la cour émancipent aussi.

Pour ce qui est des dignités ecclésiastiques, en pays de droit écrit, l’épiscopat est la seule qui ait l’effet d’émanciper. Les dignités d’abbé, de prieur, & de curé, n’émancipent point.

En pays coûtumier la prêtrise émancipe, comme le décide la coûtume de Bourbonnois, & que Coquille l’observe sur celle de Nivernois : mais Faisand,