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d’eau, jusqu’à ce qu’on l’employe ; & s’il y en a plus de broyé qu’on n’en employera, il faut le tenir couvert d’eau seconde.

Pour l’employer il faut avoir un chevalet de cuivre rouge ou jaune. Ce chevalet n’est autre chose qu’une plaque repliée par ses deux bouts. Ces replis lui servent de piés ; & comme ils sont de hauteurs inégales, la surface du chevalet sera en plan incliné. On a une spatule avec laquelle on prend de l’émail broyé, & on le met sur le chevalet, où cette portion qu’on en veut employer s’égoutte d’une partie de son eau, qui s’étend le long des bords du chevalet. Il y a des artistes qui se passent de chevalet. On reprend peu-à-peu avec la spatule l’émail de dessus le chevalet, & on le porte dans le champlever de la piece à émailler, en commençant par un bout & finissant par l’autre. On supplée à la spatule avec un cure-dent : cela s’appelle charger. Il faut que cette premiere charge remplisse tout le champlever, & soit au niveau de l’or ; car il s’agit ici d’une plaque d’or. Nous parlerons plus bas de la maniere dont il faut charger les plaques de cuivre ; il n’est pas nécessaire que l’émail soit broyé pour cette premiere charge, ni aussi fin, ni aussi soigneusement que pour une seconde.

Ceux qui n’ont point de chevalet, ont un petit godet de fayence dans lequel ils transvasent l’émail du mortier : le fond en est plat ; mais ils le tiennent un peu incliné, afin de déterminer l’eau à tomber d’un côté.

Lorsque la piece est chargée, on la place sur l’extrémité des doigts, & on la frappe legérement par les côtés avec la spatule, afin de donner lieu par ces petites secousses aux molécules de l’émail broyé, de se composer entr’elles, de se serrer, & de s’arranger.

Cela fait, pour retirer l’eau que l’émail chargé peut encore contenir, on place sur les bords un linge fin, blanc & sec, & on l’y laisse tant qu’il aspire de l’eau. Il faut avoir l’attention de le changer de côté. Lorsqu’il n’aspire plus rien des bords, on y fait un pli large & plat, qu’on pose sur le milieu de l’émail à plusieurs reprises ; après quoi on prend la spatule, & on l’appuye legérement sur toute la surface de l’émail, sans toutefois le déranger : car s’il arrivoit qu’il se dérangeât, il faudroit l’humecter derechef, afin qu’il se disposât convenablement, sans le tirer du champlever.

Quand la piece est seche, il faut l’exposer sur des cendres chaudes, afin qu’il n’y reste plus aucune humidité. Pour cet effet on a un morceau de taule percé de plusieurs petits trous, sur lequel on la place. La piece est sur la taule, la taule est sur la cendre : elle reste en cet état jusqu’à ce qu’elle ne fume plus. On observera seulement de la tenir chaude jusqu’au moment de la passer au feu ; car si on l’avoit laissée refroidir, il faudroit la réchauffer peu-à-peu à l’entrée du fourneau, sans quoi l’on exposeroit l’émail à petiller.

Une précaution à prendre par rapport à la taule percée de trous, c’est de la faire rougir & de la battre avant que de s’en servir, afin d’en séparer les écailles. Il faut qu’elle ait les bords relevés, ensorte que la piece que l’on place dessus n’y touchant que par ses extrémités, le contre-émail ne s’y attache point.

On a des pinces longues & plates, qu’on appelle releve-moustache, dont on se sert pour enlever la plaque & la porter au feu.

On passe la piece au feu dans un fourneau, dont on trouvera la figure & des coupes dans nos Planches de l’Emailleur, avec celles d’un pain d’émail, du mortier, de la molette, du chevalet, de la spatule, des taules, du releve-moustache, des moufles, de la pierre à user, des inventaires, & des autres outils de l’attelier

du Peintre sur l’émail. Voyez donc nos figures & leur explication.

Il faudra se pourvoir de charbon de bois de hêtre, & à son défaut, de charbon de bois de chêne. On commencera par charger le fond de son fourneau de trois lits de branches. Ces branches auront un bon doigt de grosseur ; on les coupera chacune de la longueur de l’intérieur du fourneau, jusqu’à son ouverture ; on les rangera les unes à côté des autres, de maniere qu’elles se touchent. On placera celles du second lit dans les endroits où celles du premier lit se touchent, & celles du troisieme lit, où se touchent celles du second ; ensorte que chaque branche du troisieme lit soit portée sur deux branches du second, & chaque branche du second sur deux branches du premier. On choisira les branches fort droites, afin qu’elles ne laissent point de vuide : un de leurs bouts touchera le fond du fourneau, & l’autre correspondra à l’ouverture. On a choisi cette disposition, afin que s’il arrivoit à une branche de se consumer trop promptement, on pût lui en substituer facilement une autre.

Cela fait, on a une moufle de terre ; on la place sur ces lits de charbon, l’ouverture tournée du côté de la bouche du fourneau, & le plus à ras de cette bouche qu’il est possible.

La moufle placée, il s’agit de garnir ses côtés & sa partie postérieure, de charbons de branches. Les branches des côtés sont rangées comme celles des lits : les postérieures sont mises transversalement. Les unes & les autres s’élevent jusqu’à la hauteur de la moufle. Au-delà de cette hauteur les branches sont rangées longitudinalement & parallelement à celles des lits. Il n’y a qu’un lit sur la moufle.

Lorsque ce dernier lit est fait, on prend du petit charbon de la même espece, & l’on en répand dessus à la hauteur de quatre pouces. C’est alors qu’on couvre le fourneau de son chapiteau, qu’on étend sur le fond de la moufle trois ou cinq branches qui remplissent son intérieur en partie, & qu’on jette par la bouche du fourneau, du charbon qu’on a eu le soin de faire allumer tandis qu’on chargeoit le fourneau.

On a une piece de terre qu’on appelle l’atre ; on la place sur la mentonniere : elle s’éleve à la hauteur du fond de la moufle. On a de gros charbons de la même espece que celui des lits ; on en bouche toute l’ouverture de la moufle, puis on laisse le fourneau s’allumer de lui-même. on attend que tout en paroisse également rouge. Le fourneau s’allume par l’air qui se porte aux fentes pratiquées tant au fourneau qu’à son chapiteau.

Pour s’assûrer si le fourneau est assez allumé, on retire l’atre, afin de découvrir le charbon rangé en lits sous la moufle ; & lorsqu’on voit ces lits également rouges par-tout, on remet l’atre & les charbons qui étoient dessus, & l’on avive le feu en soufflant dans la moufle avec un soufflet.

Si en ôtant la porte du chapiteau l’on s’appercevoit que le charbon se fût soûtenu élevé, il faudroit le faire descendre avec la pincette, & aviver le feu dans la moufle avec le soufflet, après avoir remis la porte du chapiteau.

Quand la couleur de la moufle paroîtra d’un rouge blanc, il sera tems de porter la piece au feu ; c’est pourquoi l’on nettoyera le fond de la moufle du charbon qui y est & qu’on rejettera dans le fourneau par le trou du chapiteau. On prendra la piece avec le releve-moustache, & on la placera sous la moufle le plus avant qu’on pourra. Si elle eût été froide, il eût fallu, comme nous en avons déjà averti plus haut, l’exposer d’abord sur le devant de la moufle, pour l’échauffer, & l’avancer successivement jusqu’au fond.

Pour introduire la piece dans la moufle, il a fallu